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TPIY/Bosnie : Ratko Mladic condamné à la prison à perpétuité

La fin de l’ultime procès du tribunal pour l’ex-Yougoslavie signifie que les institutions judiciaires nationales devront prendre le relais

Une habitante de Bosnie-Herzégovine, Mejra Dzogaz, plongée dans la douleur devant les tombes de membres de sa famille au Centre commémoratif de Potocari, à 6 km au nord-ouest de Srebrenica, le 7 avril 2014.  Ses trois fils, son mari et son père ont été tués lors du massacre de Srebrenica en 1995. © 2014 Reuters

(Bruxelles) – La condamnation pour génocide et autres crimes de Ratko Mladic – autrefois surnommé le «  boucher de Bosnie  » – prononcée le 22 novembre 2017 montre que la justice finit par rattraper les individus responsables d’atrocités, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.  

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a reconnu Mladic coupable de 10 chefs d'accusation parmi les 11 portés contre lui, dont crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, et l’a condamné à la prison à perpétuité. Mladic était le commandant de l’état-major de l’Armée de la République serbe de Bosnie entre 1992 et 1996 environ. 

«  Plus de vingt ans après avoir été inculpé, Ratko Mladic subit enfin les conséquences de ses crimes  horribles  », a déclaré Param-Preet Singh, directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch. «  Ce verdict contre Mladic devrait adresser un message à tous les détenteurs de pouvoir dans le monde qui commettent des atrocités, que ce soit en Birmanie, en Corée du Nord ou en Syrie : oui, la justice peut atteindre même ceux qui semblent intouchables. » 

En juillet 1995, le tribunal a d’abord inculpé Mladic ainsi que Radovan Karadzic, l’ancien président de Republika Srpska –  la « République serbe de Bosnie » autoproclamée pendant la guerre  – pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis dans plusieurs communes de Bosnie-Herzégovine

En novembre 1995, dans un acte d’accusation distinct, le TPIY a inculpé à nouveau Mladic et Karadzic pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, en se fondant sur l’exécution de masse de plus de 7 000 hommes et garçons bosniaques musulmans par l’armée des Serbes de Bosnie suite à la chute de la ville de Srebrenica. Le TPIY et la Cour internationale de justice ont déterminé que le massacre de Srebrenica constituait bien un génocide. 

Suite à leur inculpation, les deux hommes étaient passés en clandestinité. En mai 2011, les autorités serbes ont arrêté Mladic, tandis que Karadzic avait déjà été arrêté à Belgrade en juillet 2008. Le 24 mars 2016, le TPIY a condamné Karadzic à 40 ans de prison pour son rôle dans le génocide de Srebrenica et d'autres crimes graves commis en Bosnie-Herzégovine. 

Ratko Mladic proteste lors de l'ultime audience de son procès devant Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie à La Haye, le 22 novembre 2017. © 2017 Reuters

Le procès de Mladic, qui s’était ouvert le 16 mai 2012, a duré plus de 500 jours, en partie à cause des soucis de santé persistants de Mladic, qui obligeaient à écourter les audiences d’une demi-heure par rapport aux autres procès. Les plaidoiries de clôture ont eu lieu en décembre 2016. Au début de l’année 2017, les juges ont rejeté une requête des avocats de la défense de Mladic, qui souhaitait être autorisé à partir en Russie pour subir un traitement médical, notant que des éléments concordants démontraient que malgré certains risques, son «  état de santé général [était] stable  » depuis son arrestation. Les efforts de la défense de Mladic visant à retarder le prononcé du verdict pour motifs de santé ont également été déboutés. Suite à une brève suspension de l’audience du 22 novembre, Mladic a commencé à crier et a dû être expulsé de la salle d'audience. 

L’Union européenne a joué un rôle important pour que Mladic puisse être traduit en justice, en soumettant son rapprochement avec la Serbie à la condition que le pays coopère pleinement avec le TPIY, notamment pour arrêter et remettre à la justice les fugitifs inculpés par le tribunal. Sur les 161 suspects inculpés par le TPIY, il n’en reste aucun qui soit encore en fuite. 

«  Les condamnations par le TPIY de Mladic et Karadzic, architectes du pire crime perpétré sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale, montrent que les tribunaux internationaux sont capables de faire justice aux victimes si les pays utilisent leur puissance politique et financière pour les soutenir  », a déclaré Param-Preet Singh. 

Le procès de Mladic sera le dernier de ce tribunal. Une fois qu’elle aura prononcé son jugement en appel dans une autre affaire, la cour fermera ses portes fin 2017. Le Mécanisme des Nations Unies pour les tribunaux pénaux internationaux, qui a une division à La Haye, prendra le relais pour toute procédure qui resterait à terminer. 

Malgré les succès du TPIY, le combat continue pour résoudre des milliers d’affaires de graves abus commis lors des conflits des Balkans, alors que les problèmes politiques et une capacité insuffisante entravent les efforts nationaux pour rendre la justice. Ce sont les autorités nationales de Bosnie-Herzégovine qui jugeront la plupart de ces affaires, tandis que certaines pourront être entendues par des tribunaux de Serbie et de Croatie. Un nouveau tribunal instauré selon la loi du Kosovo, mais avec des procureurs et des juges internationaux basés à La Haye, jugera les crimes graves commis pendant et juste après la guerre qui a eu lieu là-bas en 1998-1999. 

Le procureur du TPIY, Serge Brammertz, a récemment exprimé son inquiétude face à la détérioration de la coopération judiciaire régionale et à l’environnement politique de plus en plus polarisé dans la région, où «  le conflit et les atrocités peuvent prendre le dessus  ». Un tel contexte souligne à quel point il est nécessaire, à l’échelle régionale, de faire des efforts significatifs vers l’établissement de la vérité et vers la réconciliation, parallèlement au travail de justice des tribunaux nationaux. 

«  La nécessité de faire rendre des comptes aux responsables des crimes brutaux commis pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine ne s’achève toutefois pas avec la condamnation de Mladic », a souligné Param-Preet Singh. «  Les autorités nationales devraient redoubler d’efforts pour traduire en justice les centaines de suspects toujours en liberté, et veiller à ce que la vérité sur le sort des victimes ne tombe pas dans l’oubli.  » 

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