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Appel aux États d'Afrique à rejeter l’immunité pour les crimes graves

Appel lancé par des organisations de la société civile africaine et des organisations internationales ayant une présence en Afrique

Nous, soussignées organisations africaines de la société civile et organisations internationales ayant une présence en Afrique travaillant sur les droits humains et la justice pénale, tenons à exprimer notre profonde consternation ainsi que notre opposition à l'adoption récente par les chefs d'États
membres de l'Union africaine (UA) lors du 23ème sommet de l'UA d'une disposition du Protocole sur les amendements au Protocole sur le statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, qui empêcherait celle-ci de juger les chefs d’État et de gouvernement en exercice, ainsi que certains autres hauts fonctionnaires de l'État, pour les crimes graves commis en violation du droit international.

Le protocole adopté est le premier instrument juridique à élargir l'autorité d'un tribunal régional à la compétence pénale en matière de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le protocole prévoit également la compétence de la Cour sur onze autres crimes et prévoit la mise en
place d'un bureau indépendant de défense. L'extension de la compétence de la Cour africaine présente des défis importants et souligne l'importance de lui fournir des ressources suffisantes pour assurer la mise en oeuvre effective de tous les mandats.

Nous sommes néanmoins profondément consternés par le fait que l'article 46A bis des amendements prévoie l'immunité des chefs d'État et de gouvernement en exercice, et de certains autres hauts fonctionnaires de l'État, s'agissant de poursuites en cas de crimes graves. Il stipule : « Aucune accusation ne peut être engagée ou poursuivie devant le tribunal contre tout chef d'État ou de gouvernement de l'Union africaine, ou quiconque agissant ou ayant le droit d'agir en cette qualité, ou d'autres hauts fonctionnaires de l'État sur la base de leurs fonctions, pendant la durée
de leur mandat. »

La disposition relative à l'immunité est un retour en arrière regrettable par rapport à l'esprit et la lettre de l'Acte constitutif de l'UA, qui favorise le respect des droits humains et le rejet de l'impunité en son article 4.

Les victimes ne peuvent pas être protégées et rétablies dans leurs droits si les personnes sont audessus de loi. L’immunité consacre l'impunité, car elle écarte toute perspective de poursuite devant la Cour africaine des personnes présumées responsables de crimes graves. Les victimes ne peuvent
obtenir véritablement justice pour les violations subies si ceux qui peuvent être responsables de crimes graves bénéficient d'une exemption d’effet et de la force de la loi.

Les organisations de la société civile s'opposent à l'octroi de l'immunité à toute personne s'agissant crimes graves commis en violation du droit international. Les statuts de la Cour pénale internationale (CPI), du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, du Tribunal pénal international pour
le Rwanda, des Chambres africaines extraordinaires au sein des tribunaux du Sénégal et d'autres tribunaux internationaux et internationalisés prévoient que la position officielle d'un accusé ne puisse l’exonérer de sa responsabilité pénale.

Nous rappelons que les gouvernements africains ont joué un rôle actif dans la création de la CPI afin de garantir que justice soit rendue, en cas de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Les États africains ont été parmi les premiers à ratifier le Statut de Rome de la CPI. La
majorité des membres de l'Union africaine sont à ce jour parties au Statut de la CPI. En y souscrivant, ces États ont manifesté leur engagement à défendre les droits des victimes, à rejeter les exemptions pour les accusés en fonction de leur position officielle, et à veiller à ce que les auteurs
des crimes les plus graves connus par l'humanité, soient traduits en justice.

D'autres conventions internationales, telles que la Convention contre la torture, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et les Conventions de Genève de 1949, reconnaissent toutes la nécessité de poursuivre les individus, y compris les représentants de l'État, qui ont commis des crimes graves, et n’accordent aucune immunité à ces personnes en s'agissant de tels crimes. L'article IV de la Convention sur le génocide stipule expressément que les personnes qui ont commis des actes génocidaires « seront punies, qu’elles soient des gouvernants, des
fonctionnaires ou des particuliers. » 

Nous nous félicitons que certains États africains comme l'Afrique du Sud, le Bénin, le Burkina Faso, la République démocratique du Congo, et le Kenya n’accordent pas l'immunité aux fonctionnaires en exercice en ce qui concerne les crimes graves, en application de leurs lois nationales. 

Accorder l'immunité aux chefs d'État et de gouvernement africains, et à certains hauts fonctionnaires du gouvernement, devant la Cour africaine, dans certaines circonstances, risque d'accorder une licence ouverte aux personnes occupant ces positions pour commettre des crimes. Cela risque d’autant plus d’encourager les personnes accusées de ces crimes à s'accrocher à leurs  fonctions afin d'éviter d’affronter la loi, enracinant ainsi les dictatures. 

La disposition du protocole adopté relative à l'immunité va ainsi à l'encontre de l'essence même de la défense des droits humains, de la paix et la stabilité, et c’est un développement à contre-courant des progrès réalisés en matière de démocratie et respect de l'État de droit en Afrique. Les dirigeants africains doivent être évalués sur la base de leurs efforts visant à renforcer les valeurs de respect des droits humains, de l’État de droit et de la justice pour les victimes de crimes graves – et non sur leurs efforts pour nourrir la culture d'impunité au détriment des droits de leurs citoyens.
La récente décision d'autoriser, devant la Cour régionale, l'immunité pour les crimes graves de droit international sur la base de la fonction officielle est donc rétrograde et indésirable. Au lieu de se détourner des réalisations importantes accomplies pour limiter l'impunité, promouvoir l’État de
droit et le respect des droits humains, nous appelons les gouvernements africains à rester fermes dans leur soutien à la justice pour les victimes des crimes les plus graves.

Nous, les organisations de la société civile soussignées, demandons aux États africains de réaffirmer les engagements qu’ils ont pris en vertu des instruments internationaux et régionaux pour soutenir en faveur des droits humains, la responsabilisation et l'accès à la justice en refusant l'immunité pour les crimes graves au regard du droit international.

 

1. Media Institute of Southern Africa, with offices in Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibia, South Africa, Swaziland, Tanzania, Zambia, and Zimbabwe

2. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Benin

3. Amnesty International, Benin

4. Benin Coalition for the ICC, Benin

5. Coalition for the International Criminal Court, with offices in Benin and Democratic Republic of Congo

6. Ditshwanelo – The Botswana Centre for Human Rights, Botswana

7. Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples, Burkina Faso

8. Union Interafricaine des Droits de l’Homme, Burkina Faso

9. Amnesty International, Burkina Faso

10. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Burundi

11. Association Burundaise Pour la Promotion des Droits Humains et des Personnes Detenues (APRODH),  Burundi

12. Burundi Coalition for the ICC, Burundi

13. Centre Des Mères, Burundi

14. Forum pour le Renforcement de la Société Civile, Burundi

15. Ligue Burundaise des Droits de l’Homme, Burundi

16. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Cameroon

17. Maison des Droits de l’Homme du Cameroun, Cameroon

18. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Central African Republic

19. Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme,  Central African Republic

20. Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique, Central African Republic

21. Mouvement pour la Défense des Droits et d’Action Humanitaire, Central African Republic

22. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Chad

23. Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme, Chad

24. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Côte d’Ivoire

25. Actions pour la Protection des Droits de l’Homme, Côte d’Ivoire

26. Fédération Internationale pour les Droits de l’Homme, with offices in Côte d’Ivoire, Guinea, Kenya, and Mali

27. Ivorian Coalition for the International Criminal Court, Côte d’Ivoire

28. Ligue Ivoirienne des Droits de l’Homme, Côte d’Ivoire

29. Mon Beau Village, Côte d’Ivoire

30. Mouvement Ivoirien des Droits Humains, Côte d’Ivoire

31. Organisation des Femmes Actives, Côte d’Ivoire

32. Organisation Nationale pour l’enfant, la Femme, et la Famille, Côte d’Ivoire

33. Réseau Equitas Côte d'Ivoire, Côte d’Ivoire

34. Réseau Paix et Sécurité des Femmes dans l’Espace Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest Côte d’Ivoire, Côte d’Ivoire

35. SOS Exclusion, Côte d’Ivoire

36. Aide-Vision, ASBL, Democratic Republic of Congo

37. Action des Chrétiens Activistes des Droits de l'Homme à Shabunda, Democratic Republic of Congo

38. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Democratic Republic of Congo

39. Carrefour Juridique Culturel, Democratic Republic of Congo

40. Congolese Coalition for the ICC, Democratic Republic of Congo

41. Collectif des ONG pour la Promotion de la Justice, Democratic Republic of Congo

42. Congolese Association for Access to Justice, Democratic Republic of Congo

43. Fondation Congolaise pour la Promotion des Droits humains et la Paix, Democratic Republic of Congo

44. Groupe Lotus, Democratic Republic of the Congo

45. Human Rights Watch, with offices in Democratic Republic of Congo, Kenya, Rwanda, and South Africa

46. Ligue des Electeurs, Democratic Republic of the Congo

47. Ligue pour la Promotion et le Développement Integral de la Femme et de l'Enfant, Democratic Republic of Congo

48. Parliamentarians for Global Action, with offices in Democratic Republic of Congo and Uganda

49. Human Rights Concern, Eritrea

50. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Ghana

51. Africa Legal Aid, with offices in Ghana and South Africa

52. Amnesty International, Ghana

53. Media Foundation for West Africa, Ghana

54. West Africa Journalists Association, with offices in Ghana and Senegal

55. Association of Victims, Relatives and Friends of 28 September, Guinea

56. Amnesty International, Kenya

57. International Center for Policy and Conflict, Kenya

58. International Commission of Jurists, Kenya

59. Kenya Human Rights Commission, Kenya

60. Kenyans For Peace with Truth and Justice, Kenya

61. Transformation Resource Center, Lesotho

62. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Liberia

63. Centre for Media Studies and Peace Building, Liberia

64. Concerned Christian Community, Liberia

65. Foundation for Human Rights and Democracy, Liberia

66. NAYMOTE Partners for Democratic Development, Liberia

67. Rights and Rice Foundation, Liberia

68. Rural Empowerment Foundation, Liberia

69. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Madagascar

70. Centre for Development of People, Malawi

71. Centre for Human Rights and Rehabilitation, Malawi

72. Church and Society Programme-CCAP Synod of Livingstonia, Malawi

73. Citizen for Justice, Malawi

74. Civic and Political Space Platform, Malawi

75. Human Rights Consultative Committee, Malawi

76. Malawian Network of Religious Leaders Living with or Personally Affected by HIV and AIDS, Malawi

77. National Integrity Platform, Malawi

78. Pan African Civic Education Network, Malawi

79. Association Malienne des Droits de l’Homme, Mali

80. Coalition Malienne des Défenseurs des Droits Humans du Mali, Mali

81. Association Mauritanienne des Droits de l’Homme, Mauritania

82. SPEAK Human Rights and Environmental Initiative, Mauritius

83. NamRights, Namibia

84. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Niger

85. Association Nigérienne pour la Défense des Droits de l’Homme, Niger

86. Center for Democracy and Development, Nigeria

87. Civil Resource Development and Documentation Centre, Nigeria

88. Coalition for the International Criminal Court, Nigeria

89. Coalition of Eastern NGOs, Nigeria

90. International Society for Civil Liberties & the Rule of Law, Nigeria

91. National Coalition on Affirmative Action, Nigeria

92. West African Bar Association, Nigeria

93. Women Advocates Research and Documentation Center, Nigeria

94. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Republic of the Congo

95. Observatoire Congolais des Droits de l’Homme, Republic of the Congo

96. Association pour la Défense des Droits des Personnes et des Libertés Publiques, Rwanda

97. Human Rights First Rwanda Association, Rwanda

98. Ligue des Droits de la Personne dans la Region des Grands Lacs, Rwanda

99. Unissons Nous pour la Promotion des Batwa, Rwanda

100. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Senegal

101. Amnesty International, Senegal

102. Ligue Sénégalaise des Droits Humains, Senegal

103. Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme, Senegal

104. Amnesty International, Sierra Leone

105. Center for Accountability and Rule of Law, Sierra Leone

106. Coalition for Justice and Accountability, Sierra Leone

107. Network Movement for Democracy and Human Rights, Sierra Leone

108. Sierra Leone Coalition for the International Criminal Court, Sierra Leone

109. Allamagan Human Rights & Relief Advancement Organization, Somalia

110. Africa Programme of International Commission of Jurists, South Africa

111. Human Rights Institute of South Africa, South Africa

112. International Crime in Africa Programme, Institute for Security Studies, South  Africa

113. Lawyers for Human Rights, South Africa

114. Masifundise Development Trust, South Africa

115. South Africa Forum for International Solidarity, South Africa

116. Southern Africa Litigation Centre, South Africa

117. South Sudanese Law Society, South Sudan

118. Darfur Bar Association, Sudan

119. Asylum Access, Tanzania

120. Centre for Widows and Children Assistance, Tanzania

121. Children Education Society, Tanzania

122. Tanzania Youth Vision Association, Tanzania

123. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, Togo

124. Amnesty International, Togo

125. Advocates for Public International Law Uganda, Uganda

126. African Center For Justice and Peace Studies, Uganda

127. East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Uganda

128. Foundation for Human Rights Initiative, Uganda

129. Human Rights Network, Uganda

130. Human Rights Network for Journalists, Uganda

131. Pan African Human Rights Defenders Network, Uganda

132. Platform for Social Justice, Uganda

133. Regional Associates for Community Initiatives, Uganda

134. Spectrum Uganda Initiatives Inc., Uganda

135. Uganda Victims Foundation, Uganda

136. Ugandan Coalition for the International Criminal Court, Uganda

137. Women’s Initiatives for Gender Justice, Uganda 

138. Southern African Centre for the Constructive Resolution of Disputes, Zambia

139. Counselling Services Unit, Zimbabwe

140. Crisis in Zimbabwe Coalition, Zimbabwe

141. Legal Resources Foundation, Zimbabwe

142. Women of Zimbabwe Arise, Zimbabwe

143. Zimbabwe Human Rights NGO Forum, Zimbabwe

 

 

Mis à jour le 3 septembre 2014 afin de refléter des signataires supplémentaires.

 

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