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Kosovo : L’approbation du Tribunal spécial est un pas important vers la justice

La mission d’État de droit de l'UE au Kosovo devrait conserver le rôle principal dans les affaires sensibles

(Bruxelles, le 24 avril 2014) – L'approbation par le parlement du Kosovo, le 23 avril 2014, d'un tribunal spécial pour les violations graves commises pendant et après la guerre de 1998-1999 dans ce pays constitue un pas important vers la justice et l’État de droit, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Pour rendre le tribunal opérationnel avec une chambre spéciale à l’étranger, le Parlement doit encore approuver le statut du tribunal et adopter quelques modifications législatives et constitutionnelles. Le nouveau parlement formé après les élections prévues en mai devrait effectuer ces changements de toute urgence.

« Le parlement du Kosovo a pris une mesure audacieuse et importante pour aider à assurer la justice pour les crimes passés », a déclaré Lotte Leicht, directrice de plaidoyer pour l'UE au sein de Human Rights Watch. « Nous espérons que le prochain parlement va maintenir l'élan, apporter les modifications juridiques nécessaires et montrer que le Kosovo est guidé par les principes de la justice et de l’État de droit. »

Le Parlement a approuvé le tribunal spécial, par un vote de 82 contre 22, avec 2 abstentions. Dans un autre vote, il a approuvé les détails d'une prolongation de deux ans de la Mission d'État de droit de l'Union européenne au Kosovo (EULEX), par 78 voix contre 18, avec 2 abstentions.

L'UE et le gouvernement des États-Unis ont fortement encouragé le gouvernement et les partis politiques du Kosovo à approuver le tribunal spécial et l'extension du mandat de l'EULEX.

La loi sur le mandat de l'EULEX va limiter la gestion par la mission des affaires sensibles. Dans le cadre du nouveau système, dans les affaires pénales et civiles, les juges de l'EULEX seront en minorité lorsqu’ils siègeront dans des groupes mixtes avec les juges du Kosovo, sauf si l’EULEX demande une majorité, soutenue par des preuves.

Les procureurs de l'EULEX seront « intégrés » dans le bureau du Procureur d'État du Kosovo, rendant compte au procureur d'État en chef local. Les procureurs de l'EULEX ne peuvent se charger de nouvelles affaires qu’en cas de « circonstances extraordinaires », après l'approbation par l'autorité compétente de l’EULEX et le procureur d'État en chef. Cela permettra à ce dernier de rejeter la demande des procureurs de l'EULEX de traiter une affaire. Les « circonstances extraordinaires » ne sont pas définies dans la loi.

Malgré les progrès réalisés ces dernières années, le système judiciaire au Kosovo reste faible, avec une sécurité insuffisante pour les juges, le personnel du tribunal, les procureurs et les plaignants. Le risque d'atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire fait qu’il est vital pour les autorités judiciaires du Kosovo de laisser l’EULEX conserver la compétence dans les affaires de crimes de guerre, de terrorisme, de crime organisé et de corruption grave, selon Human Rights Watch.

Le tribunal spécial pour les exactions commises en temps de guerre se prononcera dans des affaires contre des individus sur la base d'un rapport de 2010 du Conseil de l'Europe préparé par un sénateur suisse, Dick Marty. Le rapport de Dick Marty a accusé certains membres de l'insurrection ethnique albanaise, l'Armée de libération du Kosovo (UCK), d’enlèvements, de passages à tabac, d’exécutions sommaires et, dans certains cas, de prélèvement forcé d'organes humains sur le territoire albanais pendant et après la guerre de 1998-1999 au Kosovo. Le rapport a mentionné certaines personnes actuellement présentes au sein du gouvernement du Kosovo, dont le Premier ministre Hashim Thaci.

L'UE a créé un groupe de travail spécial d'enquête en 2011, dirigé par un procureur des États-Unis, afin d’enquêter sur les crimes allégués dans le rapport de Dick Marty. Le groupe de travail n'a pas encore publié ses conclusions, mais des mises en examen sont prévues.

Le tribunal spécial opèrera au sein du système judiciaire du Kosovo mais, pour renforcer la protection des témoins et la sécurité dans son ensemble, une chambre disposant de personnel international basée dans un État membre de l'UE sera utilisée pour les procédures. L’EULEX nommera les juges et les procureurs internationaux.

Depuis 2008, l’EULEX a joué un rôle crucial dans les enquêtes, les poursuites et le jugement des crimes impliquant des fonctionnaires publics, des crimes de guerre et de la corruption. En janvier 2014, 17 juges internationaux de l'EULEX ont écrit au chef des Divisions exécutives de l’EULEX en affirmant que le Kosovo « n'a pas encore atteint un stade où les affaires les plus complexes et très sensibles, comme les crimes de guerre, la corruption grave et la criminalité organisée devraient être entièrement laissées entre les mains du système judiciaire local. »

« Les juges et les procureurs internationaux jouent un rôle crucial dans la construction de l’État de droit au Kosovo », a conclu Lotte Leicht. « L’EULEX reste vitale pour les affaires sensibles, dans lesquelles la pression sur les juges et les procureurs est la plus élevée, et où le risque de l'impunité est grave. »

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