Aminata D. est une fille de 11 ans, dynamique et pleine d’assurance. Elle vit dans le sud du Mali. Lorsque je l’ai rencontrée à la mine d’or de Worognan, elle m’a confié qu’elle n’était jamais allée à l’école. Au lieu d’étudier, elle travaille dans l’orpaillage, manipulant quotidiennement une substance toxique, le mercure. Elle m’a décrit son travail : « Une fois que le minerai a été lavé, on met un peu de mercure dedans. On frotte le minerai et le mercure avec nos deux mains. Puis, quand le mercure s’est allié à l’or, on le met sur une boîte métallique et on le brûle. »
À travers le monde, au moins 13 millions d’orpailleurs creusent pour trouver de l’or dans des exploitations à petite échelle de l’économie informelle, et pratiquement tous utilisent du mercure. Le mercure est un métal extrêmement toxique qui s’attaque au système nerveux central et s’avère particulièrement nocif pour les enfants. Malheureusement, la plupart des mineurs l’ignorent et les hôpitaux ne sont pas équipés pour faire face à ce problème. Aminata m’a déclaré : « Je sais que le mercure, c’est dangereux, mais je ne sais pas à quel point. Je ne me protège pas. »
Les situations comme celle d’Aminata semblent insolubles. Peut-on faire quelque chose ici, en Suisse, à propos de ce problème tellement lointain ? La réponse est oui. Et il n’est pas aussi lointain que nous pourrions le penser.
À partir de dimanche, la Suisse accueillera des négociations à Genève en vue de finaliser un traité international sur le mercure. Des gouvernements du monde entier se réuniront pour définir des mesures visant à réduire l’utilisation du mercure et l’exposition à cette substance partout sur la planète. Le gouvernement suisse est l’un des principaux promoteurs du processus de traité, l’appuyant à la fois sur le plan financier et politique.
Les enjeux sont de taille. Pour que le traité sur le mercure devienne un outil puissant et efficace, il doit comporter des mesures juridiquement contraignantes destinées à réduire l’utilisation du mercure, à prévenir ses effets nocifs sur la population et à fournir des soins de santé. Malheureusement, de nombreux gouvernements – en particulier ceux du Canada, des États-Unis et de l’Union européenne – se montrent réticents à inclure dans le traité des stratégies sanitaires spécifiques en matière de prévention et de traitement. Ils font valoir que ce traité porte sur l’environnement, que des mesures dans le domaine de la santé entraîneraient des coûts de mise en œuvre du traité trop élevés, ou que ces points sont déjà suffisamment couverts.
La Suisse devrait réagir et déclarer haut et fort qu’elle est en faveur d’un article distinct sur des mesures en matière de santé afin de protéger le droit des populations à la santé. La question de l’exposition au mercure de centaines de milliers d’enfants devrait être abordée explicitement, de toute urgence et activement. Le secteur de la santé ne devrait pas être laissé à l’écart du traité. Les mesures de prévention devraient inclure un travail ciblé de sensibilisation du public aux dangers du mercure, des formations sur les conditions liées à l’utilisation du mercure destinées aux travailleurs de la santé, ainsi que le recueil de données au sein des populations affectées—mesures qui font défaut dans de nombreux pays. Il faut également que les gouvernements élaborent des plans visant à tester et à traiter les personnes présentant des symptômes d’empoisonnement au mercure.
Lors du dernier cycle de négociations, la Suisse a appuyé une disposition exigeant que les gouvernements mettent en place des mesures en matière de santé pour les communautés d’orpailleurs, notamment pour des enfants comme Aminata et ses petits compagnons de travail.Il s’agit d’un pas dans la bonne direction. La Suisse est une destination pour une grande partie de l’or produit dans le monde—elle devrait également être à l’origine d’une solution à l’un des problèmes les plus meurtriers causés par l’exploitation aurifère.
Mais une disposition de portée limitée sur l’extraction minière ne suffit pas. Le mercure est présent dans de nombreux domaines—entre autres la production industrielle, la combustion de charbon et la médecine dentaire—et il affecte de nombreuses personnes partout sur la planète. Pour que le traité sur le mercure acquière une réelle force au niveau mondial, il doit définir des stratégies globales en matière de santé parallèlement aux mesures environnementales. Il est impossible de s’attaquer à l’impact du mercure sur la santé uniquement par le biais de mesures environnementales.