(Paris) – Le président françaisFrançois Hollande doit évoquer tant publiquement et qu’en privé ses préoccupations au sujet de la situation des droits humains aux Emirats arabes unis à l’occasion de sa visite. François Hollande doit effectuer sa première visite officielle dans le pays le 15 janvier prochain.
Depuis le début des soulèvements arabes, les autorités émiriennes ont démontré leur volonté de réduire au silence tous ceux qui osent exprimer un point de vue critique ou réclamer des réformes politiques, a indiqué Human Rights Watch. De plus, les travailleurs migrants employés sur un vaste chantier de construction destiné à accueillir, entre autres, une antenne du musée du Louvre ont été exploités et privés de leurs droits fondamentaux. Les Emirats arabes unis refusent toujours de réformer leur politique relative aux travailleurs migrants, qui constituent près de 80% de la population du pays.
« Au cours de sa première visite aux Émirats arabes unis, M. Hollande ne doit pas ignorer la gravité de la répression actuelle à l’encontre des militants pro-démocratie et la situation honteuse des travailleurs migrants dans ce pays », selon Jean-Marie Fardeau, directeur France de Human Rights Watch. « Les intérêts économiqueset militaires ne devraient pas conduire la France à se taire sur les droits fondamentaux, qu’elle prétend à juste titredéfendre dans d'autres parties du monde arabe, notamment en Syrie. »
Le président François Hollande, qui sera accompagné de président du Musée du Louvre, Henri Loyrette, doit également demander aux représentants du gouvernement émirien de prendre publiquement des engagements sur les conditions de travail des travailleurs migrants employés pour la construction du Louvre Abou Dabi. Le Louvre Abou Dabi sera construit sur l’île de Sadiyaat, ainsi qu’une antenne du musée Guggenheim de New York et un campus de la New York University. Mais contrairement à la New York University ou au Guggenheim, le Louvre n'a pris aucun engagement public sur les droits des travailleurs.
Malgré des annéesde critiques, les Émirats arabes unis n’ont pas comblé les lacunes dans leur cadre juridique et réglementaire qui, en l’état actuel, facilite l’exploitation des travailleurs migrants.
Avec l’annonce le 8 janvier, qu’une entreprise émirienne construira le Louvre Abou Dabi à temps pour son ouverture officielle prévue en 2015, M. Loyrette doit faire pression sur les autorités émiriennes afin d’obtenir leur engagement public sur certains points clés, avec le soutien de M. Hollande, a dit Human Rights Watch.
Le 26 octobre 2012, le Parlement européen a critiqué les EAU dans une résolutionoù il se disait « très préoccupé » quand à la répression à l’encontre des dissidents. En réponse à une question sur cette résolution, un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a déclaré que « Pour notre part, nous sommes bien conscients des progrès réalisés par les Émirats dans ce domaine et nous faisons confiance aux autorités émiriennes pour poursuivre dans cette voie ».
« Si le présidentHollande souhaite éviter les accusations selon lesquelles la France aurait négligé de graves et fondamentales violations des droits humains dans un pays où elle a conclu des contrats de défense et de concessions pétrolières, il est impératif qu'il critique publiquement la répression des Émirats arabes unis à l’encontre de ceux qui les critiquent sur leur territoire », a dit Jean-Marie Fardeau. « Le président Hollande doit aussi demander des garantiespubliques sur les droits les travailleurs migrants qui bâtiront à Abou Dabi l'antenne du plus grand musée national de France. »
Pour de plus amples informations sur les points que M. Hollande doit soulever en matière de droits humains aux EAU, voir ci-dessous.
Lors de sa visite, M. Hollande devrait aborder plusieurs questions clés :
Liberté d’expression
Les EAU ont commencé à réprimer violemment les voix dissidentes à l’intérieur du pays en mars 2011, lorsque 132 Emiriens ont signé une pétition réclamant que des élections se tiennent au suffrage universel et que le pouvoir judiciaire soit confié au Conseil National Fédéral, une branche clé du gouvernement émirien. Ceci a donné lieu à de nombreuses arrestations et à des poursuites en 2011 contre ceux qui avaient « insulté » les dirigeants du pays.
Les restrictions à la liberté d’expression et d’association et la répression à l’encontre de ceux qui demandent des réformes continuent. En novembre 2012, un décret fédéral sur la cybercriminalitéa été publié, faisant peser de sérieuses menaces sur la liberté des militants pacifiques comme des citoyens ordinaires.
Détention arbitraire et torture
66 personnes ayant des liens avec le groupeislamiste Al-Islah ont été placés en détention sans chef d’accusation, dont certains depuis décembre 2011. Parmi eux figurent des avocats défenseurs des droits humains, des juges, des professeurs et des étudiants. Le lieu où sont détenus 64 d’entre eux demeure inconnu et les rares fois où ils sont apparus devant le tribunal pour voir leur détention prolongée, des témoins ont rapporté qu’ils étaient apparus comme désorientés, bouleversés et hirsutes.
Par ailleurs, Human Rights Watch a rendu publiques des allégations crédibles d’usage de la torturedans les centres de sécurité gouvernementaux, y compris à l’encontre de deux ressortissants syriens.
Harcèlement et expulsions de juristes
Des employés du cabinet d’avocats émirien offrant une assistance juridique aux 66 personnes détenues ont fait l’objet d’une campagne de harcèlementet d’intimidation systématique. Les autorités émiriennes ont expulsé trois des employés étrangers de ce cabinet depuis 2011.
Harcèlement et expulsions de défenseurs des droits de l’homme
Ahmed Mansoor, un membre du comité consultatif de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient, a été détenu pendant 7 mois en 2011 accusé d’avoir insulté les dirigeants du pays. Depuis sa sortie de prison, il a subi deux agressions, apparemment préméditées, par des personnes ayant connaissance de ses mouvements ; il a fait l’objet d’une campagne de diffamation et de menaces de mort. Les autorités n’ont pas ouvert d’enquête sérieusesur ces deux agressions.
Le 18 juillet 2012, les autorités émiriennes ont expulsé vers la Thaïlande un militant politiqueluttant pour les droits des apatrides bidounes, apparemment en raison de ses appels à des réformes politiques.
Droits des travailleurs migrants
Les Emirats Arabes Unis refusent toujours de réformer leur cadre législatif et règlementaire, qui en l’état actuel facilite l’exploitation des travailleurs migrants. En septembre 2012, une société d’audit indépendante du projet de construction le plus important du pays, sur l’île de Saadiyat, a fait état de problèmes grave et récurrents, dont le fait que la majorité des travailleurs avaient payé des frais de recrutement, ce qui est pourtant interdit par la loi émirienne. Les travailleuses domestiques demeurent extrêmement vulnérables à de graves abus de la part de leurs employeurs privés et ne bénéficient pas de la protection minimale offerte par le droit du travail national. Un nouveau projet de loi sur les travailleurs domestiques n’est pas encore appliqué et contient en outre de nombreuses dispositions préoccupantes.