(Toronto, le 16 mars 2012) – S'il adoptait un projet de loi prévoyant une période de détention obligatoire pour certains migrants, le Canada contreviendrait à ses obligations légales au regard du droit international, a affirmé aujourd'hui Human Rights Watch. Dans une lettre aux Députés canadiens, Human Rights Watch a déclaré que le projet de loi C-31, « Loi modifiant la loi sur l'immigration et la protection des réfugiés »(« Protecting Canada’s Immigration System Act »), constituerait une violation du droit international en matière de droits humains, car il permettrait la mise en détention systématique pour une période d'un an, sans recours, de demandeurs d'asile issus de certains groupes, y compris d'enfants âgés de 16 ou 17 ans.
« Au lieu d'identifier et de punir les trafiquants d'êtres humains, ce projet de loi punirait leurs victimes », a déclaré Bill Frelick, directeur du programme Réfugiés à Human Rights Watch. « Le Canada devrait poursuivre les individus qui tirent profit du trafic d'êtres humains, et non pas les personnes qui fuient les persécutions. »
Le projet de loi C-31 exigerait la mise en détention obligatoire, pour une période d'un an, de certaines catégories d'immigrants entrés illégalement sur le territoire canadien. Il empêcherait également ces personnes, y compris celles qui aurait été reconnues comme des réfugiés, d'obtenir le statut de résident permanent pendant cinq ans. Ces deux dispositions du projet de loi contreviennent aux obligations du Canada aux termes de l'article 31 de la Convention relative au statut de réfugié, qui interdit de punir des réfugiés au simple motif de leur entrée illégale ou de leur présence sans autorisation sur le territoire. L'interdiction de demander le statut de résident permanent pendant cinq ans entraînerait d'autre part de longs retards dans le processus de réunification familiale, a souligné Human Rights Watch.
La provision du projet de loi C-31 sur la mise en détention obligatoire, sans recours, qui pourra être appliquée à des enfants de 16 ou 17 ans, contrevient à la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, qui considère comme un enfant toute personne âgée de moins de 18 ans et interdit sa détention arbitraire.
« Soumettre des enfants de 16 ou 17 ans à une détention obligatoire, sans possibilité de recours, constitue de la part du Canada un reniement de ses engagements à l'égard des enfants », a déclaré Bill Frelick. « Certes, le gouvernement propose actuellement d'éliminer la possibilité d'une détention obligatoire pour les mineurs de moins de 16 ans mais si leurs parents sont eux-mêmes détenus, ces enfants seront soit détenus avec eux, soit séparés d'eux pendant un an. Dans les deux cas, la situation aurait des effets dommageables pour l'enfant. »
Le projet C-31 donnerait d'autre part au ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme l'autorité exclusive de désigner certains pays comme étant “sûrs,” c'est-à-dire considérés comme peu susceptibles de persécuter leurs habitants et donc de produire des réfugiés. Des demandeurs d'asile provenant de pays figurant sur la liste des « Pays d'origine désignés » seraient soumis à des audiences expéditives, n'auraient pas accès aux procédures de la nouvelle Division d'appel concernant les réfugiés, et leurs démarches d'appel devant le tribunal fédéral ne seraient pas automatiquementsuspensives de leur expulsion. Pratiquement, cela signifie que si par la suite, le tribunal annule une décision de refus d'asile, le réfugié aura vraisemblablement déjà subi des persécutions depuis son retour dans son pays d'origine.
En déposant le projet de loi C-31, le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalismea spécifiquement décrit les demandeurs d'asile provenant de pays de l'Union européenne (UE) comme pouvant être présumés originaires de pays sûrs. Mais Human Rights Watch a documenté des cas de violences racistes et xénophobes commises tout particulièrement à l'encontre de Roms et de migrants -- ainsi qu'une protection policière inadéquate -- dans un certain nombre de pays de l'UE, dont l'Italie, la Grèce et la Hongrie.
« Nous estimons impossible d'affirmer de manière générale qu'un pays quelconque est sûr pour tout le monde et ne produira jamais un seul réfugié »,a conclu Bill Frelick. « Là où existent des lois autorisant l'établissement de listes de ‘pays sûrs’, nous ne pensons pas que la décision de désigner les pays composant ces listes, qui peut avoir de terribles conséquences si elle se révèle erronée, devrait être laissée entre les mains d'une seule personne ».