(Tripoli, le 3 février 2012) – Un diplomate libyen qui a servi en tant qu’ambassadeur en France est décédé moins de 24 heures après avoir été arrêté par une milice basée à Tripoli et originaire de la ville de Zenten, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Omar Brebesh, qui a été détenu le 19 janvier 2012, semble avoir succombé à la torture.
Un rapport d'autopsie préliminaire consulté par Human Rights Watch indique que les causes du décès comprenaient de multiples blessures corporelles, y compris des côtes fracturées. Des photos du corps de Brebesh, vues par Human Rights Watch, montrent des ecchymoses ainsi que des entailles et les ongles de ses pieds semblent avoir été arrachés, ce qui indique qu'il a été torturé avant de mourir. Human Rights Watch a également lu un rapport de la police judiciaire à Tripoli, qui note que Brebesh était mort sous la torture et qu’un suspect– dont le rapport n’a pas cité le nom - avait avoué l’avoir tué.
« La torture et le meurtre de détenus sont malheureusement des pratiques récurrentes infligées par certaines milices libyennes », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les milices qui commettent ces exactions continueront de torturer les gens jusqu'à ce qu'elles soient tenues de rendre compte de leurs actes. Les dirigeants de la Libye devraient faire preuve de volonté politique et engager des poursuites contre les personnes qui commettent des crimes graves, quel qu’ait été leur rôle dans le soulèvement. »
Human Rights Watch a accueilli favorablement les informations faisant état de l’ouverture d’une enquête par un procureur de Zenten sur la mort de Brebesh, tout en soulignant que cette enquête devrait être diligentée de façon prompte et indépendante. Toute personne jugée responsable devrait être punie avec toute la rigueur de la loi, a affirmé Human Rights Watch.
« Le gouvernement libyen devrait faire passer le message qu'il ne tolèrera pas la torture et la justice sommaire », a ajouté Sara Leah Whitson. « L’État de droit et l’obligation de punir des crimes s'appliquent à tous les Libyens, y compris à ceux qui ont lutté contre Mouammar Kadhafi. »
Omar Brebesh, 62 ans, a travaillé à l'ambassade libyenne en France de 2004 à 2008, d'abord comme attaché culturel, et ensuite comme ambassadeur par intérim pendant les neuf derniers mois de son séjour. Il a continué de travailler pour le ministère des Affaires étrangères sous le gouvernement Kadhafi pendant le soulèvement de 2011, puis comme avocat au sein du ministère à Tripoli sous le gouvernement transitoire après la chute de Kadhafi, au moment de sa mort. Un responsable du ministère a affirmé à Human Rights Watch qu'il avait vu Brebesh au travail 10 jours avant sa mort, et qu’il semblait être en bonne santé.
Selon Ziad, le fils d’Omar Brebesh, le 19 janvier, son père s’est volontairement soumis à une enquête menée par la milice d'Al-Shohada Achoura à leur base dans le quartier de Crimea à Tripoli. Brebesh y avait été convoqué pour un interrogatoire par le commandant Khalid al-Blehzi.
Selon Ziad, qui a accompagné son père, Brebesh est entré dans la base à 17h30. Ziad a déclaré être resté à l'intérieur pour prendre le thé avant qu’on ne lui demande d'attendre dehors pendant l'interrogatoire. Après environ 45 minutes, les membres de la milice ont emmené Ziad pour récupérer l'une des voitures familiales et une arme à feu. Il est revenu plus tard cette nuit-là, mais a été empêché de pénétrer dans la zone où son père était interrogé.
Le lendemain, le 20 janvier, après s’être rendue à la base d'Al-Shohada Achoura, la famille a appris que le corps sans vie d’Omar Brebesh se trouvait dans un hôpital de Zenten, à environ 100 km au sud-ouest de Tripoli. Mohammed, le frère de Ziad, s’y est rendu dans la soirée et a décrit ce qu'il a vu :
J'ai vu son visage. Il y avait du sang sur son nez et sa bouche. Mais je n'ai pas vu le reste de son corps ni l'autre côté de son visage. Une bosse était visible sur son front. Après cela, je l'ai embrassé et c'était tout. Plus tard, quand nous avons vu l'autre côté de son visage à l'hôpital de Tripoli, il semblait que sa mâchoire était brisée, comme si son visage n'était pas au bon endroit.
Human Rights Watch a vu des photos du corps de Brebesh fournies par la famille. Ces photos ont révélé des hématomes et des contusions multiples à l'abdomen, des lacérations sur les deux jambes, et une large blessure sur la plante du pied gauche. Certains de ses ongles de pied semblent avoir été arrachés.
Selon le Comité international de la Croix-Rouge, environ 8 500 détenus sont actuellement incarcérés dans une soixantaine d’établissements en Libye. La majorité de ces lieux de détention sont gérés par des milices entretenant des relations informelles avec l'État. Le gouvernement devrait accélérer ses efforts pour placer tous les détenus sous son autorité et les présenter rapidement devant la justice, selon Human Rights Watch.
Human Rights Watch a documenté plusieurs incidents de torture et d'exactions aux mains de groupes armés libyens au cours des derniers mois.
Le 26 janvier, le groupe humanitaire Médecins sans frontières a annoncé qu'il avait suspendu ses travaux dans les centres de détention de Misrata, en invoquant la torture et les mauvais traitements qui s’y déroulaient.