(Genève) – Les États membres des Nations Unies devraient se pencher sur le bilan désastreux du Bahreïn en termes de droits humains, à l’occasion de l’Examen périodique universel (EPU) de ce pays au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le 21 mai 2012. La communauté internationale devrait pousser le Bahreïn à adopter des mesures spécifiques pour garantir la libre expression et les rassemblements pacifiques, mettre fin à la torture, libérer les prisonniers politiques et établir des mécanismes crédibles pour que les auteurs des violations persistantes des droits humains rendent des comptes.
Selon la procédure de l’EPU, le Conseil des droits de l’homme examine le bilan des droits humains de chaque État membre de l’ONU une fois tous les quatre ans. La procédure a débuté en 2008, et le Bahreïn est le premier pays à faire l’objet d’un deuxième EPU.
« L’EPU devrait se focaliser sur le fait que le Bahreïn, au quotidien, supprime des droits politiques de base, comme la liberté d’association, de même que sur les graves violations des droits humains commises en 2011 lors de la répression brutale de manifestants pro-démocratie », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient. « Les pays devraient demander au Bahreïn pourquoi il n’a toujours pas libéré des dizaines de prisonniers dont le seul crime était d’appeler à davantage de droits politiques. »
La voix de la communauté internationale a été à peine audible sur les diverses violations commises au Bahreïn, surtout si on la compare avec la réaction internationale aux abus commis en Syrie, en Libye et en Iran, ainsi que dans les autres pays du Moyen-Orient.
Le deuxième EPU du Bahreïn interviendra après plus d’une année de violente répression de ce qui a commencé comme des manifestations pacifiques. À la mi-mars 2011, alors que les manifestations continuaient, le roi Hamad Bin Isa Al Khalifa avait déclaré un « état de sûreté nationale » et établi des tribunaux militaires spéciaux. Ces tribunaux ont jugé et condamné à la prison des centaines de manifestants qui ne faisaient qu’exercer leur droit à la liberté d’expression, et ce malgré les déclarations du prince héritier Salman Bin Hamad Bin Isa Al Khalifa sur la télévision publique : « Les rassemblements et marches pacifiques font partie des droits des citoyens du Bahreïn. »
La Commission d’enquête indépendante au Bahreïn (CEIB), nommée par le roi Hamad et comportant cinq juristes internationaux réputés, a conclu que les forces de sécurité gouvernementales avaient violemment brisé les manifestations pro-démocratie. Elle a détaillé de larges et systématiques violations du droit international relatif aux droits humains, ainsi que du droit bahreïni, par les forces de sécurité du Bahreïn.
La commission a recommandé de bannir toute condamnation basée sur les déclarations pacifiques de personnes ou sur les manifestations, d’enquêter sur les accusations de torture contre des officiers supérieurs, et de réviser les lois qui pénalisent les discours et les rassemblements.
Mais le Bahreïn a mené très peu de révisions des verdicts des tribunaux militaires et libéré encore moins de prisonniers. Aucune des personnes accusées de mener les manifestations, et dont les condamnations étaient basées uniquement sur leurs déclarations politiques et leur appartenance à des associations, n’a été libérée.
Le rapport de l’EPU présenté par le Bahreïn lui-même au Conseil des droits de l’homme affirme que le gouvernement a effectué, ou travaille encore, sur neuf recommandations que le Bahreïn a acceptées suite à l’EPU de 2008, et sur 37 engagements volontaires pris à cette occasion.
Le rapport du gouvernement ignore toutefois complètement les graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité pendant la répression de 2011. Il passe également sous silence les violations quotidiennes, depuis 2008, de la liberté d’expression et d’association, comme le fait d’avoir pris le contrôle de la Société bahreïnie des droits humains en 2010 ou d’avoir annulé les élections de l’Association du barreau bahreïni en 2011.
De nouvelles violations de droits ont lieu actuellement. Nabeel Rajab, qui dirige le Centre du Bahreïn pour les droits humains, a été arrêté le 5 mai. Il est jugé pour « outrage à une institution de l’État » - en l’occurrence, le ministère de l’Intérieur, qui selon Rajab a échoué à enquêter sur des attaques contre des manifestants chiites et des entreprises dont les propriétaires sont des chiites.
Une autre arrestation à caractère politique est la détention par les autorités, le 21 avril, de Zainab Al Khawaja, accusée de « blocage de la circulation, rassemblement illégal et agression d’un fonctionnaire » après qu’elle avait mené un sit-in solitaire sur la voie principale de la course du Grand prix de Formule 1. Elle cherchait à faire libérer son père, Abdulhadi Al Khawaja, un éminent leader des manifestations et défenseur des droits humains qui a été condamné à la prison à vie en juin 2011 pour son rôle dans les protestations anti-gouvernement de 2011.
Aussi bien Rajab que Zainab Al Khawaja sont toujours en détention.
Human Rights Watch a détaillé l’usage fréquent de la torture par les autorités bahreïnies, généralement, semble-t-il, dans le but de s’assurer des confessions. La CEIB a également décrit en détail de nombreux cas de torture et déclaré que l’échec des autorités à enquêter et à punir les responsables avait conduit à une « culture de l’impunité ».
Une enquête de Human Rights Watch en avril a conclu que, tandis que la façon dont les gens sont traités dans les postes de police et les locaux de détention officiels semble s’être améliorée suite à la publication du rapport de la CEIB, les policiers, par contre, frappent plutôt les manifestants au moment de leur arrestation et dans divers endroits non officiels avant de les transférer à des postes de police.
En dépit de nombreuses promesses de garantir aux organisations internationales un accès au Bahreïn non restreint, les autorités se sont montrées très restrictives et peu enclines à donner accès au pays aux organisations des droits humains et aux médias internationaux. Le gouvernement a imposé des mesures excessivement contraignantes, comme un visa de cinq jours. Il ne permet de visiter le pays qu’à un groupe international de défense des droits humains par semaine, et il rejette souvent les demandes de visa des défenseurs des droits humains.
« Le Conseil des droits de l’homme doit examiner l’exposé de l’EPU du Bahreïn sous la lumière peu flatteuse montrant aussi la répression systématique de la société civile par le gouvernement et son usage excessif de la force afin de faire taire les appels au respect des droits élémentaires », a conclu Joe Stork. « Il est essentiel que tous les États membres de l’ONUqui se disent impliqués dans les droits humains demandent des comptes au Bahreïn lors de la séance de l’EPU le 21 mai. »