(Amsterdam, le 23 novembre 2011) – Trente-huit étudiants hollandais ont couru le marathon de New York le 6 novembre dernier afin de lever des fonds pour l’extradition vers la Belgique de l’ancien dictateur du Tchad, Hissène Habré, actuellement exilé au Sénégal, a annoncé aujourd’hui Human Rights Watch.
Ces coureurs, sous la banderole « Run for Human Rights Watch » (« Courir pour Human Rights Watch ») ont recueilli 80 000 euros de leur famille et de leurs amis pour apporter leur soutien aux victimes de Habré, qui se battent depuis plus de vingt ans pour que l’ancien dictateur soit jugé. Hissène Habré, accusé de crimes de masse durant ses années au pouvoir de 1982 à 1990, vit au Sénégal, pays qui refuse de le juger. Ses victimes souhaitent dorénavant qu’il soit envoyé en Belgique pour y être jugé.
« Il est formidable d’apprendre que notre lutte a attiré l’attention de personnes si loin de nous », a déclaré Clément Abaifouta, président de l’Association des victimes de crimes du régime de Hissène Habré, qui en tant que prisonnier, fut forcé de creuser des fosses au Tchad pour enterrer plus de 500 de ses camarades détenus. « L’argent que ces étudiants ont collecté nous aidera à nous faire entendre. »
Les archives de la police politique, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), découvertes par Human Rights Watch en 2001, ont révélé les noms de 1 208 personnes exécutées ou décédées en détention et 12 321 victimes de graves violations des droits humains.
« Nous avons été touchés par l’histoire de ces survivants qui se battent pour la justice depuis si longtemps, et nous tenions à les aider », a expliqué Jeroen Grasveld, 25 ans, étudiant en master d’économie à l’université d’Amsterdam qui a couru le marathon au nom des victimes. « Nous suivrons cette affaire jusqu’à ce que justice soit rendue », a ajouté une autre coureuse, Stephanie van Rapperd, 25 ans et étudiante en architecture à l’université de Delft.
Habré a d’abord été inculpé au Sénégal en 2000, avant que les tribunaux ne décident qu’il ne pouvait y être jugé. Certaines de ses victimes se sont alors tournées vers la justice belge. En septembre 2005, après plusieurs années d’enquête, un juge belge a demandé son extradition. Le Sénégal a refusé cette demande et saisi l’Union africaine pour qu’elle recommande la conduite à suivre. En juillet 2006, l’Union africaine a donné mandat au Sénégal de juger Habré « au nom de l’Afrique ». Cependant, depuis des années, le dossier n’avance pas, et ce même après la décision en novembre 2010 des bailleurs de fonds internationaux de fournir entièrement les 11,9 millions de dollars US couvrant l’intégralité des estimations budgétaires du procès.
En mai 2011, le Sénégal s’est retiré des discussions engagées avec l’UA au sujet du procès et a clairement indiqué que Habré ne serait pas jugé au Sénégal. Le 10 juillet, le président sénégalais Abdoulaye Wade a annulé une décision annoncée deux jours plus tôt de renvoyer Habré au Tchad, où il avait déjà été condamné à mort par contumace.
La Belgique a introduit une seconde demande d’extradition, qui demeure en suspens auprès des juridictions sénégalaises. Le 22 juillet dernier, le gouvernement tchadien a annoncé qu’il était en faveur de l’extradition de Hissène Habré vers la Belgique. Récemment, le Rwanda a aussi annoncé que ce pays était disposé à poursuivre Habré devant ses tribunaux.