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Tunisie : Le gouvernement lève ses restrictions concernant la convention internationale sur les droits des femmes

Pour compléter cette démarche positive, le gouvernement devrait en outre réviser certaines lois qui discriminent à l'égard des femmes

(Beyrouth, le 7 septembre 2011) ─ La levée par la Tunisie des principales réserves qu’elle a émises sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) constitue une étape importante vers l’égalité homme-femme, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement tunisien devrait désormais s’assurer que toutes les lois nationales sont conformes aux normes internationales et éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a commenté Human Rights Watch.

La Tunisie est le premier pays de la région à avoir retiré toutes les réserves spécifiques qu’il avait émises sur le traité. Bien qu’ayant ratifié le traité, la Tunisie avait recouru à ces réserves pour s’affranchir de certaines dispositions.

Le Conseil des ministres tunisien a adopté un projet de décret le 16 août 2011 dans le but de lever ces réserves. « Nombre des réserves limitaient l’égalité des femmes au sein de leur famille, et leur suppression reconnaît enfin les femmes comme des partenaires égales dans le mariage et dans la prise de décisions relatives à leurs enfants », a déclaré Nadya Khalife, chercheuse sur les droits des femmes au sein de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Le gouvernement tunisien, en levant d’importantes réserves émises sur la CEDAW, proclame son engagement envers la promotion des droits des femmes. »

Le décret du 16 août lève toutes les réserves à l’exception d’une déclaration générale selon laquelle la Tunisie« ne prendra aucune décision législative ou organisationnelle conformément aux exigences de la CEDAW, si cette décision risque d’entrer en conflit avec les dispositions du chapitre 1 de la Constitution tunisienne ». Le chapitre premier établit ainsi que l’Islam est la religion d’État. Human Rights Watch estime que cette déclaration devrait également être supprimée étant donné qu’aucun État ne devrait pouvoir se servir de sa propre constitution pour justifier sa non-conformité aux normes internationales. La Tunisie ne s’est toutefois pas servie de la déclaration pour tenter de justifier un maintien des lois ou pratiques qui portent atteinte à la CEDAW, selon Human Rights Watch.

La Convention a été adoptée en 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle définit diverses formes de discrimination à l’égard des femmes et instaure un plan d’action auquel les nations doivent recourir pour mettre un terme à ces types de discrimination. Certains États parties ont émis des réserves à l’égard du traité afin de ne pas avoir à appliquer certaines dispositions.

Les réserves de la Tunisie portaient sur les exigences établies par le traité concernant l’égalité homme-femme dans les affaires familiales. Parmi ces exigences figurent la transmission de la nationalité de la mère à ses enfants, les droits et responsabilités durant le mariage et après le divorce, certaines questions relatives aux enfants et à leur tutelle, les droits personnels des époux et épouses concernant leur nom de famille et leur occupation, et la propriété des biens. La CEDAW prévoit la pleine égalité homme-femme dans tous ces domaines.

Bien que la Tunisie dispose de l’un des codes du statut personnel les plus progressistes de la région, celui-ci contient encore aujourd’hui des dispositions discriminatoires. Ainsi, dans les affaires d’héritage, les femmes n’ont pas droit à une part égale. La loi autorise leurs frères, et parfois d’autres hommes de leur famille, comme des cousins, à en percevoir une part plus importante. L’article 58 du code du statut personnel donne au juge la liberté d’accorder, selon son propre jugement, le droit de garde à la mère ou au père en fonction du meilleur intérêt de l’enfant, mais interdit à une femme remariée d’avoir la garde de ses enfants. Aucune restriction de ce type ne s’applique aux pères remariés.

« Bien que la levée des réserves précédemment émises sur la CEDAW soit propice à la concrétisation de l’égalité homme-femme en Tunisie, il reste encore beaucoup à faire pour supprimer les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes stipulées dans le code du statut personnel », a commenté Nadya Khalife. « Lorsqu’un nouveau corps législatif élu sera en place, il devrait faire de l’examen et de l’amendement des dispositions juridiques discriminatoires à l’égard des femmes l’une de ses principales priorités. »

La Tunisie est le premier pays de la région à lever toutes les réserves spécifiques se rapportant à la CEDAW. C’est également l’un des deux seuls pays de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord à avoir adopté le protocole facultatif à la CEDAW, qui permet à des particuliers ou groupes de particuliers de déposer plainte devant le Comité de la CEDAW en cas d’atteintes aux droits des femmes.

Cependant, la Tunisie est également l’un des quatre pays membres de l’Union africaine à avoir refusé de signer, avant même d’envisager de ratifier, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo). La Tunisie a émis des réserves sur certaines des clauses de la Charte se rapportant au mariage.

« La Tunisie a prouvé qu’elle joue un rôle de chef de file dans le domaine des droits de la femme dans la région, et nous espérons qu’elle montrera l’exemple lorsque les appels à la réforme se propageront à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord », a conclu Nadya Khalife. « Pour veiller à conserver son leadership dans le domaine de l’égalité homme-femme, la Tunisie devrait aussi signer et ratifier le Protocole de Maputo. »

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