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Rwanda : Les intimidations visant une organisation régionale des droits humains doivent cesser

Deux membres dirigeants arrêtés et soumis à des interrogatoires

(New York, le 23 août 2011) – Les autorités rwandaises devraient cesser immédiatement d’intimider les défenseurs des droits humains et devraient leur permettre de travailler librement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Deux dirigeants d’une organisation régionale de défense des droits humains ont été détenus illégalement le 19 août 2011, empêchés de voyager, interrogés et harcelés, a signalé Human Rights Watch.

Joseph Sanane et Epimack Kwokwo, respectivement président et secrétaire exécutif par intérim de la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL), ont été bloqués par des agents de l’immigration à la frontière le 19 août. Ils se rendaient au Burundi pour une réunion du comité directeur afin de préparer l’assemblée générale de l’association. Ils ont tous deux été détenus et emmenés dans la capitale, Kigali, pour interrogatoire. Kwokwo a été libéré le soir même. Sanane a été maintenu en détention toute la nuit et remis en liberté le lendemain.

« Ces mesures sont clairement destinées à entraver les activités de la LDGL, à intimider ses dirigeants et à affaiblir l’organisation », a expliqué Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch. « Un tel comportement à l’égard de défenseurs des droits humains, et d’une organisation qui mène une activité en toute légitimité, est en contradiction avec les affirmations des autorités qui mettent en avant leur respect des droits humains. »

Sanane était parti de la République démocratique du Congo (RDC) pour se rendre au Burundi, tandis que Kwokwo venait de Kigali. Les deux hommes sont des ressortissants congolais.

La LDGL est l’une des rares organisations indépendantes de défense des droits humains qui subsistent encore au Rwanda – un pays où le fait de dénoncer des atteintes aux droits humains débouche irrémédiablement sur des réactions hostiles de la part du gouvernement. En 2010, Pascal Nyilibakwe, le secrétaire exécutif de l’association, a quitté le Rwanda après que sa sécurité eut été menacée à plusieurs reprises.

La LDGL, dont le siège se trouve à Kigali, est une coalition d’associations rwandaises, burundaises et congolaises de défense des droits humains. D’autres membres du personnel et du comité de l’organisation et de ses associations membres – en particulier la Ligue pour la promotion et la défense des droits de l’homme (LIPRODHOR) – ont fait l’objet de menaces répétées au cours des 10 dernières années. Plusieurs ont également été amenés à quitter le Rwanda par souci de sécurité.

Des agents rwandais de l’immigration ont bloqué Kwokwo à Akanyaru, près de la frontière rwando-burundaise, le 19 août en fin de matinée. Ils ont autorisé deux collègues qui voyageaient avec lui à poursuivre leur route. Après avoir confirmé l’identité de Kwokwo, les agents de l’immigration ont appelé la police. Ils ont déclaré qu’ils avaient reçu l’ordre du Département d’enquêtes criminelles (CID) à Kigali de ne pas le laisser traverser la frontière, mais ils n’ont avancé aucune raison. Kwokwo a été placé en détention seul dans un cachot pendant plusieurs heures.

Lorsque les policiers sont arrivés, ils lui ont demandé ce qu’il avait fait et lui ont dit ne pas savoir pourquoi il avait été arrêté. Les policiers de la ville voisine de Huye ont également signalé à Kwokwo qu’ils ignoraient le motif de son arrestation. La police l’a finalement emmené au siège du CID à Kigali, où il a été libéré aux alentours de 21 heures en recevant l’ordre de revenir le lendemain. La police a gardé son ordinateur portable, son téléphone portable, ses documents de travail et son agenda.

Conformément à ce qui lui avait été ordonné, Kwokwo est retourné au CID le 20 août au matin. Il a été interrogé à propos de l’administration interne et des finances de la LDGL et accusé d’avoir aidé Nyilibakwe à quitter le pays. Les agents lui ont posé une série de questions sur Nyilibakwe, notamment sur les raisons de son départ et sur la date à laquelle il était prévu qu’il revienne. Ils ont enjoint Kwokwo de se représenter dans leurs bureaux le 22 août.

Sanane, qui se rendait au Burundi en passant par le Rwanda, a été bloqué à Bugarama, du côté rwandais de la frontière. Il a été emmené au poste de police local et placé en détention dans un cachot pendant la nuit. Le lendemain matin, il a été menotté et transféré au CID à Kigali.

Il a également été interrogé au sujet des activités financières de l’association. Les policiers l’ont accusé d’avoir détourné des fonds et aidé Nyilibakwe à quitter le pays, prétendument avec de faux documents. Sanane a nié ces allégations. Les policiers lui ont demandé s’il faisait de la politique, invoquant de supposées plaintes à propos de déclarations qu’il aurait émises à l’étranger contre le gouvernement rwandais. Il a été libéré aux alentours de 19 heures et a été enjoint de revenir deux jours plus tard, avec Kwokwo, pour répondre à d’autres questions. La police a gardé son ordinateur portable.

Lorsque les deux hommes sont retournés au CID le 22 août, les policiers ont analysé leurs ordinateurs, apparemment à la recherche de documents portant sur la réunion au Burundi. Ils ont déclaré aux deux hommes qu’ils n’avaient rien trouvé. Ils ont autorisé Kwokwo et Sanane à récupérer tous leurs effets personnels, à l’exception de l’argent de Kwokwo. Les agents ont déclaré qu’ils ne rendraient l’argent à Kwokwo qu’une fois que ce dernier et Sanane auraient fourni des documents relatifs à la situation financière de la LDGL, ce qu’ils devaient faire le 23 août.

Bien que la police ait accusé verbalement les deux hommes d’avoir commis divers types de faits répréhensibles, ni Sanane ni Kwokwo n’ont été inculpés d’un quelconque délit.

« Les autorités rwandaises devraient cesser de harceler les militants des droits humains et devraient leur permettre de poursuivre leurs activités sans entraves – y compris de voyager à l’étranger pour des motifs légitimes », a souligné Daniel Bekele. « À moins qu’il n’existe des preuves crédibles de leur participation à des activités criminelles, la police devrait mettre un terme à ces détentions arbitraires et à ces interrogatoires. »

Human Rights Watch a recueilli des informations sur les intimidations et les actes de harcèlement auxquels les autorités rwandaises se livrent depuis longtemps à l’égard des défenseurs des droits humains, entre autres les menaces à l’encontre de leur sécurité, les obstacles administratifs, les attaques publiques et personnalisées, et les allégations de complicité avec des opposants politiques. Plusieurs organisations de défense des droits humains autrefois actives au Rwanda ont également été réduites au silence après avoir été infiltrées par des personnes proches du gouvernement qui se sont emparées des postes de direction au sein de ces associations.

En 2010, la LDGL a été épinglée pour ses critiques après qu’elle eut publié un rapport sur l’élection présidentielle. Elle a également été critiquée pour le rôle qu’elle a joué, avec d’autres organisations, dans la préparation d’une déclaration conjointe de la société civile sur la situation des droits humains au Rwanda, remise au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en amont de son Examen périodique universel du Rwanda.

D’autres détracteurs réels ou présumés du gouvernement, en particulier des journalistes, ont aussi été victimes d’arrestations à caractère politique et autres attaques. En juin 2010, le journaliste indépendant Jean-Léonard Rugambage a été assassiné à Kigali, juste deux mois après que son journal, Umuvugizi, et un autre journal critique à l’égard du gouvernement, Umuseso, eurent été suspendus par le Haut Conseil des Médias, organisme lié au gouvernement.

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