Skip to main content
Faire un don

CPI: Une trajectoire à rectifier

Recommandations au Procureur en vue d’une approche plus efficace des « situations faisant l’objet d’un examen »

Introduction

I. Aperçu général de la procédure d'examen préliminaire du BdP 

II. Influencer les autorités nationales au moyen des examens préliminaires

III. Lacunes dans l'approche du BdP par rapport à l'examen préliminaire

IV. Recommandations

 

Introduction

Au cours des dernières années, le Bureau du Procureur (BdP) de la Cour pénale internationale (CPI) a cherché à mettre davantage en lumière les « situations faisant l'objet d'un examen ». Il s'agit de situations-généralement entendues comme étant un ensemble spécifique d'événements survenus dans un pays déterminé-que le BdP analyse afin de déterminer s'il convient d'ouvrir une enquête officielle.[1] Au départ, le BdP traitait ces examens préliminaires de manière confidentielle, mais aujourd'hui, il a pris l'habitude de rendre public le fait qu'il a entamé un examen et il fournit des informations relatives aux différentes activités qu'il entreprend pour approfondir son analyse, par exemple des rencontres avec les autorités nationales. Cette publicité accrue est étroitement liée à la politique adoptée par le BdP, consistant à se servir de l'examen préliminaire pour promouvoir deux objectifs précis qui se trouvent au cœur du Statut de Rome : d'une part inciter les responsables de l'appareil judiciaire national à mener rigoureusement leurs propres enquêtes (complémentarité), et d'autre part, signaler aux violateurs en puissance des droits humains que la communauté internationale fait preuve de vigilance (dissuasion).

La complémentarité reflète un principe essentiel du système du Statut de Rome : la CPI ne peut agir qu'en dernier recours et une affaire n'est recevable par la cour qu'en l'absence de procédures nationales crédibles. La complémentarité respecte le rôle des tribunaux nationaux et encourage le développement de systèmes judiciaires indépendants et fiables au sein des juridictions nationales.

Étant donné que le procureur de la CPI n'agira qu'en l'absence de procédures nationales crédibles, les autorités nationales ont la possibilité d'éviter l'intervention de la CPI en engageant de réelles enquêtes et poursuites dans leur pays. Par conséquent, une situation qui est examinée par le procureur de la CPI peut servir de moyen de pression important-telle une « épée de Damoclès » suspendue au-dessus de la tête des autorités nationales, les poussant à honorer leur obligation d'enquêter et de réprimer les crimes perpétrés en violation du droit international. Le temps nécessaire pour mener un examen préliminaire peut offrir à la CPI, et au BdP en particulier, des possibilités de servir de catalyseur aux procédures nationales. Cela peut être considéré comme une composante de la « complémentarité positive », en d'autres termes comme des efforts actifs visant à la mise en pratique du principe de complémentarité par le biais de poursuites nationales pour des crimes relevant de la compétence de la CPI.

La dissuasion constitue également une aspiration essentielle du système du Statut de Rome. Comme énoncé dans le préambule du traité, la CPI vise à « mettre un terme à l'impunité des auteurs [des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale] et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes ». Il est trop tôt pour dire avec certitude si la CPI parvient à exercer cet effet dissuasif, bien que certains éléments ici et là semblent indiquer qu'elle a déjà eu un certain impact. Le plus probable est que la CPI n'aura un effet dissuasif important que dans la mesure où les arrestations et les condamnations pour des crimes internationaux graves se présenteront davantage comme une certitude.[2] Néanmoins, lorsque des crimes se produisent dans une situation donnée, le fait que cette situation soit examinée par la CPI pourrait servir d'avertissement aux auteurs de ces crimes ou aux criminels en puissance, leur faisant comprendre qu'ils risquent d'être amenés à répondre de leurs actes. Dans certaines circonstances, cela pourrait contribuer à prévenir une escalade de la violence.

L'approche évolutive adoptée par le BdP par rapport aux situations faisant l'objet d'un examen offre des possibilités importantes de faire progresser la justice. En même temps, elle comporte un sérieux risque : les annonces publiques signalant que la CPI pourrait prendre des mesures pour intervenir dans une situation déterminée font naître l'attente qu'elle le fera réellement, et si, en définitive, elle décide de ne pas ouvrir d'enquête, les espoirs frustrés risquent de finir par porter atteinte à la crédibilité et à la légitimité de la CPI dans les communautés affectées et aux yeux du public en général.

Au fil du temps, si les attentes générées ont tendance à ne pas être suivies d'actes, le risque existe de voir se diluer l'impact qu'auraient pu avoir les annonces d'examens préliminaires du BdP en concourant à déclencher des poursuites au niveau national et en dissuadant la commission de nouveaux crimes. Le BdP devrait également prendre soin d'éviter de porter inopportunément à la connaissance du public certains aspects d'une éventuelle enquête, tels que les noms de possibles criminels avant que la décision d'ouvrir une enquête n'ait été prise.  Ceci risquerait de porter atteinte au droit des accusés potentiels à des procédures équitables, de nuire à la réputation d'autres personnes et de faire planer le doute sur l'impartialité de toute enquête ultérieure.

Ces défis sont inhérents à tout effort visant à utiliser la procédure d'examen préliminaire pour contribuer à catalyser les poursuites nationales et à dissuader la perpétration de nouveaux crimes. Toutefois, dans la mise en œuvre de sa politique, le BdP n'a pas toujours géré ces défis aussi efficacement qu'il aurait pu le faire, ce qui a, dans certains cas, eu des répercussions négatives pour la crédibilité de la CPI. L'approche du BdP par rapport aux situations qu'il examine a été marquée d'une part par une certaine incohérence-ou tout au moins par une apparente incohérence-dans sa façon d'être en prise avec les autorités nationales, et d'autre part, par un manque de transparence quant à la procédure et à l'état d'avancement des examens en instance. Par ailleurs, il arrive parfois que le BdP fasse des déclarations à propos de possibles actions de la CPI alors qu'il ne ressort pas clairement que le BdP soit réellement arrivé à la conclusion qu'il pouvait intervenir. Il se peut que ces déclarations aient pour dessein la complémentarité ou la dissuasion, mais en donnant l'impression de s'écarter de l'analyse juridique, elles soulèvent plutôt des questions quant à la crédibilité de l'examen conduit par le BdP et risquent d'avoir des implications négatives en matière de procédures équitables.

Le présent rapport analyse les efforts déployés par le BdP pour déclencher des poursuites au niveau national ou pour exercer un effet dissuasif dans les situations faisant l'objet d'un examen. Nous estimons que ces efforts constituent des initiatives importantes, mais à nos yeux, les pratiques adoptées par le BdP sont susceptibles d'améliorations. Après un aperçu général de la procédure d'examen préliminaire, nous analysons comment le BdP met à profit cette période pour influencer les autorités nationales. Ensuite, nous identifions quatre domaines dans lesquels le BdP peut, selon nous, renforcer son approche.

Nous recommandons vivement au procureur-en particulier à l'heure où il s'apprête à quitter sa fonction au terme de son mandat de neuf ans-de tirer les enseignements des expériences vécues à ce jour, afin d'élaborer une stratégie plus efficace et plus rigoureuse. Nous formulons plus loin quelques recommandations à cet égard. D'une part, l'élaboration par le procureur d'une stratégie claire et transparente renforcera l'influence du nouveau procureur de la CPI-qui sera élu fin 2011-en améliorant l'approche du BdP par rapport aux situations faisant l'objet d'un examen, et d'autre part, elle constituera une importante contribution au développement institutionnel du BdP et de la CPI. 

 

I. Aperçu général de la procédure d'examen préliminaire du BdP

Les « situations faisant l'objet d'un examen » sont des situations que le Bureau du Procureur évalue afin de déterminer si l'ouverture d'une enquête officielle de la CPI se justifie. La présente section offre un aperçu général de la procédure mise en place par le BdP pour réaliser ces examens préliminaires, en particulier de son approche en quatre phases.

Les renseignements relatifs à de possibles crimes relevant de la compétence de la CPI parviennent d'abord au BdP par l'un des deux canaux suivants : les communications ou les renvois. Ces canaux sont liés aux trois mécanismes qui peuvent déclencher la compétence de la CPI-les enquêtes proprio motu (Statut de Rome, articles 13(c) et 15), les renvois par le Conseil de sécurité (article 13(b)) et les renvois par un État partie (article 13(a)).

Les « communications » sont des renseignements reçus par le BdP au titre de l'article 15 du Statut de Rome, lequel habilite le procureur à ouvrir une enquête proprio motu (« de sa propre initiative ») avec l'autorisation d'une chambre préliminaire composée de juges. Toutefois, ces communications ne débouchent pas toutes sur un examen préliminaire. En fait, conformément à l'article 15(2) qui enjoint le procureur de « vérifie[r] le sérieux des renseignements reçus », le BdP opère un premier filtrage pour éliminer les informations se rapportant à des crimes qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la CPI. Il s'agit de la Phase 1. Les situations qui survivent à ce filtrage initial entrent alors dans la Phase 2 et deviennent officiellement des « situations faisant l'objet d'un examen ».[3]

Au 11 avril 2011, le BdP avait reçu 9 146 communications au titre de l'article 15, dont 4 271 ne relevaient manifestement pas de la compétence de la cour.[4] Les situations en cours d'examen sur la base de communications sont la Guinée, la Colombie, l'Afghanistan, la Géorgie, le Honduras, le Nigeria et la Corée du Sud (pour des actes commis par la Corée du Nord sur le territoire sud-coréen).

En revanche, les situations déférées au procureur de la CPI par le Conseil de sécurité ou par un État partie sont automatiquement considérées comme étant des situations faisant l'objet d'un examen et entrent directement dans la Phase 2. Par ailleurs, le procureur a signalé que lorsque des déclarations sont déposées au titre de l'article 12(3), qui permet à un État d'accepter temporairement la compétence de la CPI, les situations concernées entrent directement dans la Phase 2. Au moment où ces lignes ont été rédigées, aucune situation ne faisait l'objet d'un examen découlant de renvois, mais la Côte d'Ivoire et Gaza faisaient l'objet d'un examen préliminaire sur la base de déclarations déposées au titre de l'article 12(3).

Lorsqu'il entame la Phase 2-qui marque le début officiel d'un examen préliminaire-le BdP analyse les facteurs énumérés à l'article 53(1) du Statut de Rome qui guident la décision du procureur quant à l'opportunité d'ouvrir une enquête. Ces facteurs sont les suivants :

  • S'il existe « une base raisonnable pour croire qu'un crime relevant de la compétence de la Cour a été ou est en voie d'être commis » (article 53(1)(a) ; Phase 2) ;
  • Si « l'affaire est ou serait recevable au regard de l'article 17 » (article 53(1)(b) ; Phase 3) ; et
  • S'il y a « des raisons sérieuses de penser, compte tenu de la gravité du crime et des intérêts des victimes, qu'une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice » (article 53(1)(c) ; Phase 4).[5]

La Phase 2 est elle-même subdivisée en Phase 2(a), qui porte sur l'examen de la compétence temporelle et géographique ou personnelle, et en Phase 2(b), qui consiste à examiner si les crimes allégués sont des crimes qui relèvent de la compétence de la cour.

La recevabilité-évaluée dans le cadre de la Phase 3-est basée sur deux critères. Primo, une affaire potentielle doit être suffisamment grave pour justifier que la CPI y donne suite. Secundo, le principe de complémentarité doit être respecté ; en d'autres termes, les autorités nationales doivent avoir montré qu'elles étaient dans l'incapacité ou n'avaient pas la volonté de mener véritablement à bien une enquête et des poursuites dans l'affaire en question.[6] L'évaluation de ces critères par le BdP est alors incluse dans un rapport interne destiné au procureur, accompagné d'une recommandation sur la question de savoir s'il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête. La décision du procureur se fonde sur ce rapport.[7]

Les Phases 2, 3 et 4 sont menées par ordre séquentiel, bien qu'il puisse y avoir une certaine fluidité dans l'approche du BdP étant donné que des informations utiles à plus d'une phase peuvent être reçues par le BdP à tout moment. Le BdP a signalé dernièrement qu'il était en train d'évaluer la compétence de la cour en ce qui concerne la déclaration déposée par l'Autorité Nationale Palestinienne au titre de l'article 12(3) ; « d'analyser les crimes » commis au Honduras, en Corée du Sud, en Afghanistan et au Nigeria (probablement dans le cadre d'examens de la Phase 2) ; de vérifier si des procédures nationales sont véritablement menées à bien en Guinée, en Colombie et en Géorgie (probablement dans le cadre d'examens de la Phase 3), et « de se préparer à ouvrir une enquête » en Côte  d'Ivoire (probablement parce que l'examen préliminaire a établi qu'il convenait de poursuivre).[8]

Bien que l'approche en quatre phases décrite ci-dessus s'applique de la même manière à toutes les situations faisant l'objet d'un examen, il existe différents critères pour déterminer si une enquête sera ouverte selon que la situation découle d'un renvoi ou d'une communication. Dans le cas des renvois par des États parties et par le Conseil de sécurité, le Statut de Rome présuppose qu'une enquête sera ouverte « à moins que [le procureur] ne conclue qu'il n'y a pas de base raisonnable pour poursuivre ».[9] En ce qui concerne les enquêtes ouvertes par le procureur proprio motu, le Statut de Rome exige que le procureur conclue qu'il existe une base raisonnable pour poursuivre.[10]

Le BdP a fait remarquer qu'aucun délai spécifique n'avait été fixé pour mener à bien ses examens préliminaires,[11] et effectivement, le Statut de Rome n'en prévoit pas. Le temps requis pour évaluer les critères énoncés à l'article 53(1) est susceptible de varier en fonction de chaque situation. Par exemple, les renseignements concernant des crimes présumés peuvent être plus ou moins difficiles à obtenir. Et une décision à propos de la complémentarité peut s'avérer plus simple à prendre en l'absence totale de procédures nationales que lorsqu'il existe des procédures dont la pertinence et l'authenticité doivent être évaluées. Néanmoins, comme expliqué plus haut, l'absence d'une orientation ne fût-ce que générale en ce qui concerne les délais fixés pour mener les examens, associée au fait que certaines situations font l'objet d'un examen depuis plusieurs années déjà, nuit à la crédibilité de la CPI dans certaines communautés affectées et aux yeux de publics clés.

 

II. Influencer les autorités nationales au moyen des examens préliminaires

Les politiques et pratiques actuelles du BdP sont essentiellement axées sur l'idée que les examens préliminaires offrent au BdP la possibilité de dissuader la commission des crimes qui sont commis ou pourraient être commis à l'avenir et d'inciter les autorités nationales à mener leurs propres enquêtes. Selon le BdP, « comme le prévoit sa politique de complémentarité positive, le Bureau cherche, à toutes les phases de l'examen préliminaire qu'il mène, à encourager, dès lors que cela s'avère possible, le ou les États concernés à mener des enquêtes et des poursuites nationales véritables et s'efforce de coopérer avec l'État en question et à lui prêter assistance, en application de l'article 93-10 du Statut ».[12]Par ailleurs, il « peut décider de rendre publiques les activités relatives aux examens préliminaires de manière à contribuer à la prévention de crimes futurs et à encourager l'ouverture de procédures nationales véritables ».[13]

Ces récentes déclarations de politique générale sont le reflet de l'évolution que connaît l'approche du BdP depuis plusieurs années. Alors qu'au départ, le BdP ne fournissait que des informations limitées au sujet des situations faisant l'objet d'un examen et gardait certains situations confidentielles, il a décidé récemment de systématiquement rendre public le fait qu'une situation fait l'objet d'un examen.[14] Certaines informations relatives aux situations examinées par le BdP sont incluses dans les notes du bureau et dans ses bulletins hebdomadaires, qu'il a commencé à diffuser en juillet 2009.[15] Le BdP a également produit un certain nombre d'efforts au cours des derniers mois pour rendre publiques ses procédures d'examen préliminaire, notamment en invitant à envoyer des commentaires sur un projet de « Document de politique générale relatif aux examens préliminaires » et en informant la session de l'Assemblée annuelle des États parties (AEP) en décembre 2010, ainsi que les groupes de travail du Bureau de l'AEP, à propos de la politique et de la pratique du BdP dans les situations faisant l'objet d'un examen.

Outre le fait de rendre public son examen préliminaire une fois qu'il analyse une situation, le BdP a indiqué qu'il porterait systématiquement à la connaissance du public certains aspects de ses « activités » relatives aux examens sous condition de respect de la confidentialité et de la sécurité.

Ces activités visent dans leur ensemble à recueillir les informations nécessaires pour mener l'examen préliminaire. Le BdP peut, par exemple, « surveiller des situations, envoyer des missions, [et] solliciter des informations ». Il peut « tenir des réunions publiques ou confidentielles pour pouvoir obtenir des renseignements supplémentaires à propos des questions faisant l'objet d'une analyse ». Les documents de politique générale du BdP stipulent qu'afin de rendre publiques les informations relatives à son analyse, le Bureau « diffusera les données statistiques relatives aux informations portant sur les crimes allégués obtenues sur la base de l'article 15 du Statut ; informera le public qu'une situation fait l'objet d'un examen préliminaire par des communiqués de presse et des déclarations publiques ; informera le public de certains événements, comme la visite dans les pays concernés de hauts responsables du Bureau, de manière à ce que tous les services compétents des États et les organisations internationales en cause en tiennent compte ; et publiera périodiquement des rapports sur l'état d'avancement de son analyse préliminaire ».[16]

Par ailleurs, le BdP s'est engagé à mener certaines activités visant explicitement à promouvoir l'effet dissuasif et/ou la complémentarité. Outre le fait de fournir des informations aux autorités nationales en vertu de l'article 93(10) du Statut de Rome,[17] le BdP peut, par exemple « diffuser, à titre préventif, des déclarations indiquant que des crimes susceptibles de relever de la compétence de la Cour sont en cours d'exécution »[18]et « aider les pays concernés, la société civile et la communauté internationale à mieux cerner les mesures à mettre en œuvre pour répondre, à l'échelle nationale, à l'obligation de mener des enquêtes à propos des crimes graves et d'en poursuivre les auteurs ».[19]Il peut également « réagi[r] plus vite à la montée d'actes de violence relevant éventuellement de la compétence de la Cour », « renfor[cer] ses liens avec les États, les organisations internationales et les [organisations non gouvernementales] afin de recouper les informations sur des crimes » ;[20]et inviter « des responsables, des experts et des juristes des pays faisant l'objet d'une situation » à participer à des activités du BdP, à son Réseau de services répressifs et à des formations.[21]

Human Rights Watch a déjà souligné dans le passé l'importance d'accroître la transparence et la visibilité des situations faisant l'objet d'un examen dans le cadre d'une stratégie visant à  déclencher  les procédures nationales.[22] Le recueil et l'évaluation des informations nécessaires à une analyse amèneront probablement le BdP à entrer en contact avec les autorités nationales et d'autres acteurs concernés, entre autres des organisations intergouvernementales et la société civile. Le fait de chercher sciemment à utiliser ces interactions pour améliorer les perspectives de dissuasion ou de poursuites nationales peut renforcer la contribution de la CPI à la protection des droits humains et à la lutte contre l'impunité, même dans des situations où la CPI ne peut elle-même ouvrir des enquêtes ou engager des poursuites. Le fait que la CPI puisse exercer sa compétence-mis en avant dans les déclarations du BdP-peut également servir à faire ressortir l'importance de la lutte contre l'impunité dès les premières réactions internationales face à des situations de crise.

Par ailleurs, une transparence accrue répond aux intérêts légitimes des communautés affectées en leur permettant de connaître l'état d'avancement et les résultats finaux de l'examen préliminaire d'une situation réalisé par le BdP. Une meilleure compréhension publique des critères guidant le processus de prise de décision du BdP devrait aussi contribuer à combattre les accusations de sélectivité ou de parti pris visant les enquêtes de la cour.

Certains éléments indiquent que le fait que la CPI puisse exercer sa compétence ainsi que les actions du BdP dans les situations faisant l'objet d'un examen ont servi les objectifs de complémentarité et de dissuasion.

Par exemple, en 2003, le gouvernement ivoirien a déposé une déclaration au titre de l'article 12(3) du Statut de Rome dans laquelle il acceptait la compétence de la CPI à compter du 19 septembre 2002 (date à laquelle une mutinerie militaire avait déclenché une guerre civile dans le pays). En 2004, la Radio et Télévision Ivoirienne, contrôlée par le gouvernement, a diffusé des messages remplaçant les appels à la haine lancés précédemment par des appels à la retenue, un jour après que le conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide eut averti que la situation pourrait faire l'objet d'un examen de la CPI.[23]

En Guinée, les déclarations du BdP concernant une possible enquête de la CPI semblent avoir joué un rôle dans la nomination d'un panel de juges chargés d'enquêter sur le massacre perpétré le 28 septembre 2009 dans le stade de Conakry, au cours duquel au moins 150 Guinéens avaient été tués et 100 femmes violées. Ces déclarations ont été suivies depuis lors par quatre missions de responsables et de membres du personnel du BdP en Guinée ; dans le cadre de ses missions, le BdP a établi d'étroits contacts avec des juges et des responsables gouvernementaux pour évaluer les progrès opérés sur le plan des poursuites nationales.[24]

Le BdP s'est également efforcé de dissuader la perpétration de crimes dans les situations examinées par la CPI-même lorsque ces crimes potentiels n'étaient pas directement liés aux incidents faisant l'objet d'une analyse-en rappelant aux autorités nationales que la CPI était habilitée à exercer sa compétence. En amont des élections organisées en Guinée et en Côte d'ivoire (dans ce dernier pays, elles se sont accompagnées de violences qui font maintenant l'objet d'un examen du BdP, alors que l'examen initial mené par le BdP en Côte d'ivoire avait débuté plusieurs années auparavant), le procureur de la CPI a publié une déclaration mettant en garde contre le fait que les violences électorales pouvaient aboutir à la commission de crimes relevant de la compétence de la CPI, comme cela avait été le cas au Kenya.[25]

Les attentes par rapport aux effets secondaires des examens préliminaires devraient toutefois demeurer réalistes. Les probabilités de succès varient en fonction des situations et sont tributaires d'un certain nombre de facteurs que ne contrôle pas le procureur.

Par exemple, lorsqu'il s'agit du déclenchement de poursuites nationales, les États parties à la CPI qui, en leur qualité de membres de la CPI, se sont engagés à lutter sans relâche contre l'impunité, feront probablement preuve de davantage de motivation pour mener des poursuites nationales que les États non parties qui font l'objet de renvois par le Conseil de sécurité. Il est même possible que les États parties à la CPI disposent déjà de lois nationales applicables en la matière (« lois d'application » du Statut de Rome qui matérialisent les dispositions du traité) et, à travers les processus de ratification et de mise en œuvre, des groupements qui, au sein du parlement ou de la société civile, luttent pour la traduction en justice d'auteurs de crimes internationaux.

La probabilité que la CPI serve de catalyseur aux poursuites nationales ou dissuade la commission de crimes peut également varier selon que la situation faisant l'objet d'un examen a été déférée par un État partie ou par le Conseil de sécurité ou découle de communications reçues par le BdP au titre de l'article 15. Comme indiqué plus haut, le Statut de Rome porte fortement à présumer que le BdP doit ouvrir des enquêtes officielles dans le cadre des situations déférées par les gouvernements et le Conseil de sécurité, limitant la possibilité du BdP de faire usage de la procédure d'examen préliminaire pour influencer les autorités nationales. Par ailleurs, lorsqu'un État défère lui-même une situation relevant de sa compétence au procureur de la CPI, il indique avant tout qu'il n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener à bien des enquêtes et des poursuites, donnant au procureur peu de raisons de recourir à la procédure d'examen préliminaire pour tenter d'encourager les poursuites nationales.[26] Même lorsqu'elle découle de renvois par les États, la procédure d'examen préliminaire peut encore offrir des occasions importantes de dissuader la commission de crimes, en particulier en faisant clairement comprendre que les crimes perpétrés par toutes les parties coupables de violences-y compris le gouvernement qui défère la situation-pourraient relever de la compétence de la CPI une fois qu'une enquête est ouverte.

Même en laissant à l'écart les facteurs propres aux situations, l'utilisation des examens préliminaires pour exercer une influence sur les autorités nationales ou les violateurs potentiels des droits humains n'est pas une tâche facile et exige d'agir avec énormément d'habileté et de prudence. Certes, le fait qu'une situation risque d'être soumise à la CPI incite, au départ, les autorités à faire cesser les crimes ou à ouvrir leurs propres enquêtes, mais cet effet de levier risque de s'émousser au fil du temps.

Comme il est noté plus haut, les longs délais que se donne le BdP ont parfois des explications, notamment le fait qu'il veuille laisser aux autorités nationales une certaine marge de manœuvre pour qu'elles ouvrent des enquêtes lorsqu'il existe une réelle perspective d'action en ce sens. Mais à mesure que s'écoule le temps, les autorités risquent aussi de se désensibiliser à toute action imminente de la CPI. De surcroît, compte tenu du nombre de situations en instance examinées simultanément par le BdP, les autorités nationales peuvent juger que les chances que leur situation soit sélectionnée pour faire l'objet d'une enquête ne justifient pas un changement d'attitude de leur part. Ce type de calcul est particulièrement susceptible de se produire lorsque les autorités nationales sont conscientes des capacités limitées dont dispose le BdP pour réaliser les nombreuses tâches dont il est chargé.

Afin de préserver l'effet de levier dans de telles circonstances, le BdP peut être tenté de médiatiser davantage un examen en cours. Mais cela comporte aussi d'importants désavantages.

Primo, le BdP risque de finir par s'écarter de sa tâche principale, à savoir un examen débouchant sur la décision d'ouvrir ou non une enquête. Il y a des limites aux ressources que le BdP devrait consacrer à faire connaître au public ses activités relatives à un examen préliminaire ou à mener des activités visant à améliorer les possibilités d'effets catalytiques ou dissuasifs.

Secundo, le BdP peut, dans certaines circonstances, altérer par inadvertance les efforts déployés au niveau national. Les déclarations publiques signalant que la CPI pourrait agir dans une situation déterminée sont susceptibles de générer une énorme attention, notamment au sein des communautés affectées et, à travers les médias, auprès du public en général. Dans les communautés affectées, les déclarations répétées soulignant que la CPI pourrait agir font inévitablement naître l'espoir qu'elle le fera. Surtout là où la volonté ou la capacité des autorités nationales à rendre la justice ne suscitent guère la confiance, cela peut dissuader ces communautés de s'atteler à exercer des pressions auprès de leurs gouvernements pour qu'ils honorent l'obligation qui leur incombe au premier chef de traduire en justice les criminels présumés.

Tertio, au fil du temps, l'inaction du BdP-soit parce qu'il doit encore mener à terme son examen, soit parce qu'il conclut qu'aucune enquête ne se justifie-peut porter atteinte à la crédibilité de la CPI et décevoir les espoirs légitimes de justice que nourrissent les communautés affectées. Elle peut également faire naître le sentiment généralisé que la CPI est comme un tigre de papier, atténuant le poids de futures déclarations concernant une possible action de la CPI.

À nos yeux, ces défis et risques sont inhérents à la tâche importante et ambitieuse que s'est fixée le BdP en cherchant à renforcer son rôle et son impact lors de la procédure d'examen préliminaire. La réponse à ces défis suppose d'une part une évaluation rigoureuse des facteurs qui permettront à l'intervention du BdP d'être plus ou moins réussie, et d'autre part, l'élaboration de stratégies visant à atténuer les risques là où des efforts sont déployés pendant un examen préliminaire pour catalyser les poursuites nationales ou dissuader la commission de crimes.

Le BdP a reconnu sur papier que les informations publiques fournies à propos des activités relatives aux examens préliminaires avaient également pour but de « remplir son mandat sans susciter d'attentes injustifiées quant au résultat de ses enquêtes ».[27] Dans la pratique, l'approche du BdP par rapport aux situations faisant l'objet d'une analyse a toutefois eu tendance à exacerber ce risque, tout en ne relevant pas de manière appropriée le défi qu'il s'est posé d'influencer les autorités nationales.

 

III. Lacunes dans l'approche du BdP par rapport à l'examen préliminaire

En dépit de l'engagement politique solide et louable qu'a pris le BdP d'utiliser l'examen préliminaire pour dissuader la commission de crimes et servir de catalyseur aux efforts de justice nationale, les lacunes que présente son approche actuelle limitent les chances de succès.

Cette section analyse quatre lacunes : (1) le manque de cohérence en fonction des situations, ou le manque apparent de cohérence, dans la façon d'être en prise avec les autorités nationales ; (2) les informations publiques limitées à propos de ses analyses ; (3) l'absence de délais clairs pour réaliser ses analyses et, dans certains cas, les années de procédure qui s'écoulent sans qu'aucune décision ne soit prise ; et (4) le fait d'exagérer parfois les perspectives d'action de la CPI, ce qui peut entraîner des implications sur le plan de la crédibilité et des procédures équitables.

A. Le manque apparent de cohérence dans la façon d'être en prise avec les autorités nationales

Comme indiqué plus haut, les différences objectives existant entre les situations peuvent  justifier, voire exiger, l'adoption d'approches différentes par le BdP. Néanmoins, les rapports qu'a engagés le BdP avec les diverses autorités nationales varient à tel point que son approche semble manquer de cohérence ou de stratégie claire.

Le BdP surveille les procédures nationales engagées en Guinée, en Géorgie et en Colombie, et cherche à encourager ce type de procédures, comme il l'a fait au Kenya. Mais selon certaines sources et informations publiques, l'action menée par le BdP auprès des autorités kényanes et guinéennes a été nettement plus intense et prononcée qu'en Géorgie ou en Colombie.

Au Kenya, le BdP a cherché à exercer des pressions accrues sur les autorités nationales tout au long de l'année 2009 après que des promesses d'enquêtes nationales eurent été faites sans se concrétiser par la suite. En février 2009, alors que le parlement kényan débattait de projets de loi relatifs à la création d'un tribunal spécial chargé des poursuites nationales, le BdP a publié une déclaration rappelant que les crimes commis dans le cadre des violences postélectorales faisaient l'objet d'une analyse.[28] En juillet 2009, le procureur a rendu public un accord conclu à La Haye entre son bureau et une délégation du gouvernement kényan, accord prévoyant que le Kenya engage des poursuites pour les crimes commis ou qu'il défère la situation à la CPI.[29]  Trois mois plus tard, aucun signe de poursuites nationales n'étant visible, le procureur a cherché à obtenir un renvoi de la situation par le Kenya, proposant une stratégie orientée sur trois axes : l'engagement de poursuites par la CPI à l'encontre des personnes portant la plus grande part de responsabilité, l'engagement de poursuites par les Kényans à l'encontre des autres responsables des violences, et la création par le Kenya d'une commission vérité.[30] Aucun renvoi ne s'étant produit, le procureur a déposé auprès de la chambre préliminaire, en novembre 2009, une demande d'autorisation pour ouvrir une enquête de la CPI.[31]

De la même façon, le BdP a cherché à maintenir la pression sur les autorités guinéennes. Il a effectué trois missions tout au long de l'année 2010 et une quatrième en 2011. Chaque mission a été marquée par des déclarations publiques, entre autres lors de conférences de presse, encourageant les autorités nationales à mener des enquêtes et des poursuites.[32] À quelques reprises, les représentants de la CPI ont interpellé les autorités guinéennes, précisant que « soit il [le gouvernement] engage des poursuites, soit nous le ferons ».[33] Les autorités guinéennes ont pris quelques mesures visant à ouvrir des enquêtes. Trois juges d'instruction ont été nommés début 2010. En juin 2010, deux individus se trouvaient en détention pour leur implication présumée dans les crimes perpétrés en septembre 2009. Depuis lors, une troisième personne a été inculpée de crimes en lien avec les meurtres et viols de septembre 2009, et le 19 janvier 2011, Interpol a publié une notice rouge (la notice rouge permet la diffusion au niveau international d'un mandat d'arrêt déjà délivré au niveau national pour demander l'arrestation de la personne recherchée aux fins d'extradition) à l'encontre d'Aboubacar Sidiki Diakité, alors chef de la Garde présidentielle, ou Bérets rouges, directement impliqué dans les crimes de septembre 2009.[34]

Peu d'informations ont cependant filtré à propos de l'évolution de l'enquête et rien n'indique que le gouvernement ait déployé des efforts pour localiser la centaine de corps dont se seraient débarrassées secrètement les forces de sécurité. Le BdP a salué à la fois les capacités techniques des juges d'instruction et l'indépendance dont ils font preuve en se soustrayant à toute ingérence gouvernementale. Dans la foulée de sa toute dernière mission, le BdP a fait une déclaration reconnaissant la coopération des autorités guinéennes et l'engagement du nouveau gouvernement à traduire en justice les criminels. Il a toutefois invité le gouvernement à redoubler d'efforts pour que les responsables soient amenés à rendre des comptes et a réitéré qu'il incombait à la CPI de prendre des mesures si le gouvernement n'agissait pas de la manière appropriée et dans un délai raisonnable.[35]

En Guinée, les responsables du BdP ont souligné que les poursuites nationales pouvaient devenir un exemple du respect par un État de son obligation de réprimer les crimes commis et, en ce qui concerne le Kenya, ils ont suggéré que le gouvernement pourrait s'ériger en exemple positif, soit en engageant des poursuites, soit en renvoyant la situation devant la CPI.[36]

Le BdP ne semble pas avoir adopté une approche aussi active en Géorgie ou en Colombie. En Géorgie, le BdP a effectué un total de cinq missions à ce jour. Bien que la seconde mission dans ce pays ait été accompagnée d'un communiqué de presse, il convient de noter qu'e le BdP a utilisé un langage moins direct que dans ses communiqués de presse rendant public le travail mené auprès des autorités nationales au Kenya et en Guinée. Le communiqué de presse a salué la bonne coopération des autorités géorgiennes et a déclaré qu' « il est impératif de mener des enquêtes sur les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde pour des crimes graves », sans s'engager à ce que la CPI agisse si les autorités nationales ne le faisaient pas.[37] Le BdP a également effectué deux missions en Russie dans le cadre de l'examen de la situation en Géorgie. Et le communiqué de presse qui a accompagné la seconde mission du BdP en Russie-se limitant à reconnaître la coopération des autorités russes-était encore moins incisif que celui relatif à la mission en Géorgie.[38] Nos recherches indiquent que ni la Géorgie, ni la Russie n'ont adopté de mesures significatives visant à traduire en justice les responsables de violations du droit international humanitaire et des droits humains perpétrées par leurs forces lors du conflit russo-géorgien de 2008 en Ossétie du Sud.[39]

En Colombie, le procureur a commencé par utiliser une rhétorique puissante mais a semblé faire marche arrière par la suite. L'action engagée par le BdP en Colombie-qui a débuté avant même que l'analyse du BdP eut été rendue publique en 2006-incluait notamment une lettre envoyée au gouvernement en mars 2005, réclamant des informations relatives à la Loi 975 (dite  « Loi Justice et Paix »), encore au stade de projet de loi à l'époque. Le BdP a donné suite à la lettre en envoyant des questions relatives à l'application de la loi et à l'enquête sur les complices des paramilitaires au sein de l'appareil politique. Le procureur a ensuite effectué deux visites (en 2007 et 2008) et a envoyé d'autres lettres requérant des informations à propos des procédures nationales. Les signes d'intérêt montrés par le procureur de la CPI à l'égard des procédures colombiennes ont été largement médiatisés dans la presse colombienne et sont peut-être l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement colombien n'a pas donné suite aux initiatives proposées pour octroyer une véritable immunité aux paramilitaires ou à leurs complices.[40]

Mais la perspective d'une enquête de la CPI en Colombie n'a pas été assortie d'efforts soutenus visant à presser les autorités colombiennes de poursuivre les individus les plus susceptibles d'être visés par des enquêtes de la CPI (à savoir des hauts responsables de l'État et les dirigeants rebelles considérés comme responsables des crimes les plus graves relevant de la compétence de la cour).[41] Des informations parues dans les médias en 2010 indiquent que le BdP a commencé à suivre de près les meurtres extrajudiciaires rapportés en Colombie (appelés les « faux positifs »),[42] mais aucun effort important du BdP n'a été déployé pour mettre publiquement en lumière les failles dans la mise en œuvre de la Loi Justice et Paix. Plutôt que d'intensifier réellement les pressions, le procureur a envoyé des messages équivoques. Lors d'une interview, il a déclaré que « la Colombie a appris, il me semble, et peut apporter des enseignements. Le concept de la Loi Justice et Paix est tout à fait intéressant, tout à fait unique. Il faut faire preuve de vigilance pour le mener à bien. Le défi que doivent relever les juges et les procureurs est de clore les affaires et de montrer que cela a fonctionné  ». Mais il a poursuivi, semblant minimiser l'importance d'une observation permanente : « Le fait que j'observe ne signifie rien de mal. C'est simplement quelque chose que vous savez aussi : qu'en Colombie, il y a encore un conflit armé ».[43] Le procureur n'a pris aucune décision officielle visant à mettre un terme à l'examen de la Colombie.[44]

Le manque de cohérence ou les approches apparemment incohérentes dans les différentes situations peuvent créer un certain nombre de problèmes. Primo, le manque de cohérence peut affaiblir l'effet de levier du BdP en donnant à entendre que seules certaines situations sont susceptibles de déboucher sur une intervention de la CPI. Secundo, il expose la CPI aux critiques selon lesquelles son intérêt à l'égard d'une situation déterminée est motivé par des facteurs politiques ou autres éléments non juridiques. Tertio, le sentiment que le BdP adopte une approche ad hoc dans le cadre des examens préliminaires risque de pousser les gens à douter du sérieux de l'analyse du BdP. Pris dans leur ensemble, ces facteurs peuvent mettre en péril la crédibilité de la CPI.

Étant donné que les différences objectives existant entre les situations nécessiteront des approches différentes et que les ressources limitées exigeront que le BdP prenne des décisions difficiles au moment de choisir les situations auxquelles il faut accorder la priorité, le BdP fera toujours l'objet d'accusations d'incohérence. Mais en élaborant une stratégie claire pour déterminer comment et s'il faut influencer les autorités nationales lors des examens préliminaires, le BdP pourra éviter des maladresses inutiles.

B. Des informations publiques limitées

En dépit de déclarations promettant qu'il le ferait, le BdP n'a pas systématiquement fourni d'informations publiques actualisées à propos des situations faisant l'objet d'un examen.

Toutes les situations faisant l'objet d'un examen sont aujourd'hui publiques et certaines informations concernant les développements dans ces situations sont reprises dans le bulletin hebdomadaire du BdP. Le BdP rend compte de ses activités et des développements politiques ou des déclarations de responsables gouvernementaux, ainsi que des rapports émanant des agences des Nations Unies et des organisations non gouvernementales. Dans ses bulletins d'information, il ne publie toutefois aucune évaluation de fond concernant les facteurs énoncés à l'article 53(1) dans les situations en cours d'analyse.

Lorsque le BdP a décidé de ne pas ouvrir d'enquêtes au Venezuela et en Irak en 2006, il a publié des rapports succincts détaillant son analyse.[45] Ces rapports ont été utiles pour expliquer les décisions du BdP et pour répliquer aux affirmations selon lesquelles le choix des situations par le BdP était sélectif. Par contre, dans aucune des autres situations, le BdP n'a publié de rapports comparables pour expliquer ses conclusions provisoires ou préliminaires par rapport aux facteurs énoncés à l'article 53(1).

Les opportunités de publier des rapports ne manquent pas. Comme noté précédemment, le BdP a indiqué qu'il évaluait les procédures nationales en Colombie, en Guinée et en Géorgie. Ces trois situations se trouveraient dès lors dans la Phase 3 de l'analyse, ce qui signifie que le BdP est déjà arrivé à la conclusion, dans le cadre de l'étape précédente, la Phase 2, qu'il existe une base raisonnable pour croire que des crimes relevant de la compétence de la CPI ont été commis.[46] Le BdP doit encore rendre publique son analyse concernant les crimes qui ont eu lieu.

Il faut noter que la pratique du BdP en matière de rapports intermédiaires pourrait changer bientôt : le BdP s'est maintenant engagé en principe à produire des rapports intermédiaires, et nous croyons comprendre qu'il se prépare à rendre publics prochainement des rapports intermédiaires sur les situations à l'examen, en commençant par la Colombie.

On ne soulignera jamais assez l'importance des rapports intermédiaires. Ils contribuent à montrer que le BdP mène une analyse sérieuse et peuvent inciter à engager des procédures nationales. Inversement, le fait que le BdP ne publie pas de rapports risque de jeter le doute sur l'état d'avancement de l'analyse. C'est particulièrement vrai dans les pays, tels que la Colombie, la Côte d'Ivoire et l'Afghanistan, où les examens sont en cours depuis longtemps.

Bien que le BdP ait récemment signalé qu'il se dirigeait vers l'ouverture d'une enquête en Côte d'Ivoire, cette annonce semble être liée aux violences qui ont suivi l'élection controversée organisée fin novembre 2010.[47] Pourtant, comme indiqué plus haut, le gouvernement ivoirien avait déposé une déclaration au titre de l'article 12(3) en 2003, et le BdP avait entamé son examen la même année, laissant filtrer peu d'informations depuis lors à propos de son analyse relative à de possibles crimes. Certes, les autorités ivoiriennes de l'époque bloquaient les efforts du BdP, mais des rapports intermédiaires auraient pu exposer au grand jour cet obstacle.

En l'absence de rapports pendant des périodes prolongées, la publicité que le BdP cherche à faire autour de ses analyses tend à les faire passer pour du bluff plutôt que pour des examens rigoureux visant à déterminer s'il convient d'ouvrir une enquête. Et ce sentiment risque de saper l'effet de catalyseur que l'examen pourrait exercer autrement.

Les effets potentiellement négatifs d'une publicité initiale suivie d'un silence peuvent également être très perceptibles lorsque de nouvelles situations sont annoncées sans guère d'explication. Comme indiqué plus haut, le BdP a récemment adopté une pratique consistant à rendre publiques toutes les situations faisant l'objet d'un examen, c'est-à-dire toutes les situations où des communications ont été reçues à propos de crimes qui ne peuvent être considérés comme ne relevant manifestement pas de la compétence de la CPI. Cela place la barre relativement bas pour l'annonce de nouvelles situations soumises à un examen ; l'annonce d'une nouvelle situation, sans plus, n'implique en rien que le BdP estime probablement que les critères de compétence et de recevabilité de la CPI seront réunis.

Or, les récentes annonces de nouvelles situations faisant l'objet d'un examen n'expliquent pas suffisamment ce fait. Par exemple, l'annonce faite par le BdP en décembre 2010 que la Corée du Sud était maintenant une situation à l'examen en raison d'attaques qui auraient été commises par la Corée du Nord sur le territoire sud-coréen a été très médiatisée, surtout en raison du caractère très public de l'annonce faite par le procureur au siège de l'ONU lors de la réunion annuelle des États parties à la CPI.[48] La nature limitée des crimes présumés en question-deux incidents qui pourraient constituer des crimes de guerre, le bombardement de l'île de Yeonpyeong le 23 novembre 2010 (qui a fait quatre morts) et le torpillage et naufrage d'un navire de guerre sud-coréen le 26 mars 2010 (qui a fait 46 morts)-diffère assez bien de celle des crimes qui faisaient alors l'objet des enquêtes de la CPI dans d'autres pays dont la situation était examinée par la cour. L'annonce a également été faite plusieurs mois après l'un des deux incidents, à un moment où une possible impasse avec la Corée du Nord faisait les gros titres de l'actualité.

Comme l'a indiqué le procureur dans sa déclaration, l'annonce a apparemment fait suite à des communications reçues par le BdP la semaine précédente, faisant état de possibles crimes de guerre commis en Corée du Sud. Et le procureur a choisi de faire son annonce dans le cadre de la mise à jour présentée aux États parties sur les situations faisant l'objet d'un examen préliminaire, soulignant que le BdP est tenu d'examiner si les critères juridiques énoncés dans le Statut de Rome sont remplis et justifient l'ouverture d'une enquête. Certes, annoncer publiquement que la Corée du Sud compte aujourd'hui parmi les situations faisant l'objet d'un examen est parfaitement compatible avec la nouvelle politique du BdP consistant à rendre publiques toutes les situations de cette nature, mais le moment choisi pour le faire et l'absence d'explications circonstanciées dans l'annonce à propos des procédures d'examen préliminaire ont néanmoins donné l'impression qu'il s'agissait d'une simple manœuvre du BdP pour affirmer l'importance de la CPI. Le BdP aurait pu faire son annonce en expliquant mieux sa procédure d'examen préliminaire-précisant qu'il rend aujourd'hui publiques toutes  les situations faisant l'objet d'un examen-évitant ainsi quelques-unes des impressions erronées qu'il a suscitées.

L'absence de rapports peut également déboucher sur des occasions manquées de déclencher des poursuites nationales. En présentant des conclusions préliminaires et en relevant la faiblesse des réactions au niveau national, le BdP peut attirer l'attention des autorités nationales sur les actions requises pour honorer leurs obligations nationales et peut fournir des informations importantes aux associations nationales et internationales de la société civile qui appuient ces actions. Dans ce sens, les rapports intermédiaires comptent peut-être parmi les outils les plus efficaces dont dispose le BdP pour encourager les procédures nationales.

C. L'absence d'échéancier pour l'examen préliminaire et pour les décisions relatives aux enquêtes

Comme expliqué ci-dessus, aucun délai n'a été légalement prescrit pour les examens préliminaires du BdP. Bien que cela ne constitue pas nécessairement un problème, cela en devient un lorsqu'une situation fait l'objet d'un examen préliminaire pendant des années sans que rien n'indique si le BdP a l'intention ou non d'ouvrir une enquête officielle.

Il existe parfois de bonnes raisons pour expliquer qu'un examen du BdP dans une situation donnée sera mené dans un délai quelque peu différent de celui réalisé dans une autre situation. Le temps nécessaire pour réaliser une analyse différera selon les faits propres à chaque situation, y compris s'il existe des procédures au niveau domestique, et quelle est leur pertinence et authenticité. Il différera également en fonction de la façon dont la situation a été portée à l'attention du BdP. Dans le cas d'un renvoi par un gouvernement ou par le Conseil de sécurité, tout porte à croire qu'une enquête officielle sera ouverte (le procureur doit donner suite à l'affaire à moins qu'il ne conclue qu'il n'y a pas de base raisonnable pour poursuivre) ; néanmoins, s'il examine l'opportunité d'ouvrir une enquête en vertu du pouvoir proprio motu qui lui est conféré à l'article 15, il doit présenter une demande à la chambre préliminaire accompagnée d'éléments justificatifs montrant qu'il y a une base raisonnable pour poursuivre.

La prise en compte des possibles effets catalytiques et dissuasifs des examens préliminaires peut également conduire à des différences justifiées sur le plan des échéanciers. Par exemple, le besoin de démontrer qu'une intervention de la CPI est possible peut signifier que, pendant une certaine période, il est préférable que le BdP ne prenne pas de décision sur l'opportunité d'ouvrir ou non une enquête, même si l'avancement de son analyse pourrait lui permettre de le faire. Les associations de la société civile et les partenaires internationaux peuvent être à même de se servir de l'examen en cours mené par le BdP pour s'employer à préconiser le déclenchement de procédures nationales. Cela a été le cas au Kenya, même si cela s'est soldé par un échec, où une campagne a été menée pour presser les autorités nationales de mettre sur pied un tribunal spécial national.[49]

Bien que les facteurs énumérés ci-dessus plaident en défaveur d'échéanciers non flexibles pour les phases d'examen préliminaire, il pourrait s'avérer utile que le BdP fournisse des orientations générales à propos de la durée probable de ses travaux d'analyse. Le BdP n'a pas fourni ces informations générales et a régulièrement examiné des situations pendant plusieurs années sans prendre de décision au sujet de l'ouverture d'une enquête. Par exemple, l'analyse du BdP sur la situation en Côte d'Ivoire remonte à 2003, tandis que des examens préliminaires en Colombie et en Afghanistan sont menés publiquement, respectivement depuis 2006 et 2007. Cela semble contredire des déclarations antérieures relatives à la politique du BdP qui, tout en reconnaissant que « l'imposition d'un échéancier rigide » ne serait pas praticable, promettaient que le BdP « tâchera d'effectuer les analyses aussi rapidement que possible pour prendre des décisions sur l'ouverture éventuelle d'une enquête en temps opportun ».[50]

L'ajout en peu de temps de nouvelles situations faisant l'objet d'un examen-comme ce fut le cas fin 2010 lorsque le Honduras, le Nigeria et la Corée du Sud ont tous, en l'espace de quelques semaines, été annoncés comme étant des situations faisant l'objet d'un examen-alors qu'aucune décision n'avait été prise concernant des examens préliminaires entamés depuis longtemps tend à diluer davantage l'impact des examens du BdP. Par ailleurs, prendre une décision dans une nouvelle situation avant de clore des examens en cours depuis une longue période risque de contribuer au sentiment que certains passent inopportunément  « avant leur tour » et que des facteurs autres que des analyses juridiques dictent où et quand le BdP choisit d'agir. Ce fut le cas, par exemple, lorsque le procureur a annoncé qu'il demanderait d'ouvrir une enquête au Kenya, prenant de vitesse les analyses entamées de longue date et toujours en cours en Colombie, en Afghanistan et en Côte d'Ivoire.[51]

Human Rights Watch estime que des lignes directrices générales relatives à un échéancier pour les différentes phases de l'examen préliminaire contribueraient à apporter une plus grande transparence aux examens du BdP. Ces lignes directrices, associées à des rapports intermédiaires sur l'état d'avancement d'analyses particulières, pourraient aider à répondre à la question de savoir pourquoi certaines situations ont avancé alors que d'autres ne l'ont pas fait, renforçant ainsi la crédibilité de l'examen du BdP et l'influence qu'il peut exercer sur les autorités nationales.

Nous estimons qu'il est tout aussi important que le BdP ait également une idée du moment où une situation faisant l'objet d'un examen devrait être suspendue ou clôturée. Le fait de laisser en souffrance des situations soumises à un examen pendant des périodes indéterminées ne permet pas de répondre aux attentes légitimes des communautés affectées et de ceux qui plaident pour que justice soit faite, et il limite la possibilité du BdP de se servir de ses examens préliminaires comme catalyseurs ou comme moyens de dissuasion.

Il est certain que la pression sur les autorités nationales est difficile à maintenir une fois que le BdP a pris la décision d'ouvrir ou non une enquête. Lorsqu'il décide de ne pas ouvrir d'enquête, « l'épée de Damoclès » disparaît ; et lorsqu'il annonce qu'il ouvre une enquête officielle, les autorités nationales peuvent décider qu'il n'est pas vraiment dans leur intérêt d'étendre la lutte contre l'impunité au-delà des quelques individus susceptibles d'être visés par les enquêtes de la CPI. Toutefois, le fait que le BdP estime qu'il n'y a pas matière à enquête de la CPI pourrait aussi contribuer à recentrer les efforts sur les solutions nationales, en particulier lorsque le public concerné est divisé entre ceux qui recherchent une option nationale et ceux qui favorisent l'option CPI. Toujours est-il que l'objectif premier des examens préliminaires aux termes du Statut de Rome est de prendre des décisions concernant les enquêtes. Le fait de laisser ces analyses indéfiniment en souffrance ou alors de s'écarter trop de ce mandat principal en vue de possibles effets catalytiques ou dissuasifs ne sert pas la crédibilité du BdP ou de la CPI.

L'une des raisons pour lesquelles certains examens préliminaires sont laissés en suspens peut être que le BdP considère que les critères juridiques entrant en ligne de compte pour l'ouverture d'une enquête sont réunis mais qu'il ne dispose pas à cet instant des ressources nécessaires pour poursuivre ou qu'il a jugé qu'une annonce faite à ce moment précis mettrait en péril la sécurité des victimes, des témoins ou du personnel du BdP.

Une déclaration antérieure de politique générale du BdP a effectivement reconnu le rôle joué par les contraintes sur le plan des ressources : « [E]n raison des ressources limitées du Bureau du Procureur, il est impossible d'enquêter immédiatement sur chaque situation. Il faudra établir des priorités en fonction des facteurs énoncés à l'article 53. Dans le cadre d'une telle analyse, le Procureur peut encore surveiller ce qui se passe, en faire un suivi auprès des États concernés, encourager des procédures nationales véritables, et se préparer à ouvrir une éventuelle enquête là où cela s'avère nécessaire. »[52]

Cette reconnaissance des moyens limités n'apparaît plus dans les déclarations actuelles de politique générale du BdP, mais il n'en demeure pas moins que les ressources dont dispose la cour-fixées sur une base annuelle par les États parties à la CPI-limitent effectivement sa capacité d'agir. Comme nous le recommandons plus loin, lorsque ce type de contraintes joue dans les décisions relatives aux situations faisant l'objet d'un examen, le BdP devrait reconnaître ouvertement ce fait, conférant aux prises de décision du BdP une transparence et une crédibilité accrues. De leur côté, les États parties à la CPI devraient veiller à ce que la cour soit dotée des ressources nécessaires pour mener à bien son mandat.

D. Des déclarations publiques qui exagèrent la probabilité d'une action de la CPI ou suscitent des inquiétudes quant aux procédures équitables

Dans ses déclarations publiques sur les situations faisant l'objet d'un examen, le BdP a parfois mis en avant la probabilité d'une action de la CPI qui semblait exagérée par rapport aux éléments qu'il rendait publics à propos de la substance de son analyse et de ses conclusions. Par ailleurs, à une occasion au moins, en nommant un suspect potentiel, une de ces déclarations pouvait susciter des inquiétudes en matière de procédures équitables. Bien que ces déclarations percutantes soient clairement destinées à exercer une influence maximale sur les autorités nationales (et peuvent en fait y parvenir à court terme), au fil du temps, elles risquent de porter atteinte à la crédibilité des analyses du BdP et d'avoir l'effet inverse.

Lorsque des violences ont éclaté en Côte d'Ivoire dans la foulée de l'élection présidentielle et du refus du président sortant Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à son rival, Alassane Ouattara, le procureur de la CPI a publié une déclaration précisant ce qui suit : « Tout d'abord, je tiens à être clair : je n'ai pas encore ouvert une enquête. Cependant, s'il se trouve que des crimes graves relevant de ma compétence ont été commis, je le ferai. Si par exemple, la violence éclatait à la suite des discours de M. Charles Blé Goudé [partisan de Gbagbo], il pourrait faire l'objet de poursuites. De plus, une attaque contre le personnel ou les forces de maintien de la paix des Nations Unies pourrait faire l'objet d'autres poursuites ». La déclaration faisait alors allusion à la possibilité qu'un État africain défère la situation au BdP, concluant en ces termes : « La violence n'est donc pas une option. Les leaders qui planifient des violences finiront à La Haye. »[53]

Cette menace directe d'action de la CPI à l'encontre d'un individu désigné nommément pourrait conduire certains observateurs à douter de l'impartialité de toute enquête ultérieure, quel que soit le fond de l'affaire. Elle pourrait soulever la question de savoir si le procureur a enquêté « tant à charge qu'à décharge », comme l'exige le Statut de Rome.[54] Ladite déclaration présuppose aussi que les critères énoncés à l'article 53 seraient remplis, permettant au procureur de la CPI d'ouvrir une enquête, mais le BdP n'apporte aucun élément à l'appui de cette appréciation, ne faisant aucune mention des conclusions du BdP basées sur les faits tels qu'ils étaient sur le terrain fin décembre 2010.

De même, un commentaire fait dans la presse par une responsable du BdP juste avant la première mission du BdP en Guinée en février 2010 assurait : « Il n'y a pas d'alternative : soit il [le gouvernement] engage des poursuites, soit nous le ferons ».[55] Cette déclaration, qui visait probablement à inciter les autorités guinéennes à mettre en place des procédures nationales pour donner suite à leur promesse de le faire en octobre 2009[56], semble indiquer que le BdP était déjà convaincu qu'il pourrait ouvrir une enquête officielle en vertu des critères énoncés à l'article 53. Cependant, le commentaire garde le silence sur un important point du Statut de Rome, le critère de gravité. Ce critère de gravité-l'une des composantes de la recevabilité aux termes de l'article 17-exige non seulement que des crimes relevant de la compétence de la CPI aient été commis, mais que ces crimes soient suffisamment graves pour mériter de retenir l'attention de la cour. Bien que des crimes graves aient, semble-t-il, été perpétrés en Guinée, les critères énoncés à l'article 17 méritent discussion.[57] Il aurait été utile que la déclaration contienne certains éléments démontrant que le critère de gravité était rempli ; la crédibilité du BdP s'en serait d'ailleurs trouvée renforcée. Et si le BdP n'était pas encore arrivé à cette conclusion, sa crédibilité et son analyse auraient été mieux servies s'il avait évité tout commentaire donnant à penser que c'était le cas.

Comme expliqué plus haut, faire en sorte que la perspective d'une intervention de la CPI reste crédible tout en veillant aussi à gérer les attentes constitue l'un des défis inhérents à tout effort visant à utiliser l'examen préliminaire pour inciter à des poursuites nationales ou pour dissuader la perpétration de crimes. Cela doit être fait dans le respect de normes professionnelles élevées et des droits des éventuels suspects à des procédures équitables.[58] Dans le cas des déclarations publiques, assurer cet équilibre peut s'avérer être un exercice difficile.

En ce qui concerne le Kenya, la toute première déclaration publique du BdP était modérée, relevant que la CPI était compétente à l'égard du Kenya compte tenu de son statut d'État partie, et que le BdP surveillait et examinait avec attention les crimes présumés avoir été commis, sans toutefois s'engager par rapport à une action de la CPI.[59] Néanmoins, à mesure que l'examen se poursuivait, des responsables du BdP ont commenté dans les médias le fait que la CPI interviendrait si les autorités nationales n'agissaient pas,[60] amplifiant les attentes par rapport à une enquête de la CPI. Ces attentes s'étaient déjà trouvées renforcées par la consigne donnée par la Commission  Waki, indiquant que si les autorités nationales n'ouvraient pas d'enquête sur les violences postélectorales, Kofi Annan-président du groupe de personnalités de l'Union africaine chargé de servir de médiateur pour trouver une issue à la crise-remettrait sous scellés une liste d'auteurs présumés des violences au procureur de la CPI aux fins d'enquête.

Le chassé-croisé qui a eu lieu tout au long de l'année 2009 entre les promesses du BdP d'agir si les autorités nationales ne le faisaient pas et les contre-promesses du gouvernement de tenir des procès nationaux a été décrit par un important représentant de la société civile kényane comme « le jeu du premier qui se dégonfle. Ou du premier qui ose. Qui va cligner des yeux le premier ? Qui va mettre l'autre au pied du mur ? »[61].  Le fait que le procureur ait fini par demander l'ouverture d'une enquête a justifié les déclarations antérieures du BdP. Néanmoins, cela montre qu'il est difficile de trouver le juste  équilibre entre l'utilisation légitime de déclarations publiques et de commentaires dans la presse visant à intensifier la pression sur les autorités nationales, tout en ne préjugeant pas de la situation ou en ne faisant pas de promesses que la CPI ne pourra pas tenir.

Les affirmations émises pratiquement sans réserve à propos de la possibilité d'une action de la CPI ne contribuent guère à préserver ce juste équilibre. Pareilles déclarations gonflent les attentes tout en nuisant à la crédibilité de l'examen lui-même, faisant naître un sentiment de « manœuvres » de la part du BdP qui n'est pas propice à exercer un effet de levier sur les autorités nationales et qui risque de soulever des inquiétudes quant aux procédures équitables lorsque des individus sont cités nommément. Dans ce dernier cas, cela ne favorise pas davantage le sentiment que le BdP fait preuve d'impartialité, ce qui peut avoir de larges implications pour la crédibilité de la cour, outre le fait que cela limite la capacité du BdP à exercer une véritable influence sur les autorités nationales des pays dans lesquels des situations sont examinées.

 

IV. Recommandations

L'utilisation, par le Bureau du Procureur, des examens préliminaires pour concourir à catalyser les poursuites nationales et à dissuader la commission de crimes s'est avérée être un outil important pour promouvoir la justice internationale. Bien que ces effets soient d'une importance secondaire par rapport à l'objectif premier qui est d'arriver à prendre une décision sur l'opportunité d'ouvrir ou non une enquête de la CPI, ils offrent toutefois d'énormes possibilités d'accroître l'impact positif de la CPI. Comme expliqué plus haut, cela comporte des défis majeurs. Primo, la probabilité de succès dans toute situation donnée est tributaire de variables qui sont en grande partie indépendantes de la volonté du BdP. Secundo, exercer au maximum un effet de levier sur les autorités nationales exige d'agir avec énormément d'habileté et de prudence afin de préserver la crédibilité d'une action éventuelle de la CPI tout en ne créant pas trop d'attentes qui ne pourraient être rencontrées. Tertio, toute action publique du BdP doit tenir compte des droits des suspects potentiels à des procédures équitables.

Les efforts déployés par le BdP pour mettre en œuvre sa politique ont souvent été loin de répondre à ces défis. Une approche plus rigoureuse est nécessaire de la part du BdP. Il s'agirait de mieux appréhender la meilleure façon et le meilleur moment d'utiliser une publicité accrue autour des examens préliminaires et d'autres mesures pour directement servir de catalyseur aux poursuites nationales ou dissuader la commission de crimes. Nous recommandons vivement au procureur, avant qu'il ne termine son mandat, d'élaborer une stratégie à cette fin. Cette stratégie aiderait le BdP à axer ses ressources limitées sur les situations où la probabilité d'un impact auprès des autorités nationales est la plus grande, assurant une mise en œuvre plus efficace et plus cohérente. Elle renforcerait la crédibilité et la légitimité du BdP et l'aiderait à mener à bien son principal mandat consistant à mener des enquêtes et des poursuites.

Human Rights Watch formule les recommandations suivantes au BdP pour développer cette stratégie :

•Tirer les enseignements de la pratique mise en œuvre à ce jour

L'approche actuelle du BdP par rapport aux situations faisant l'objet d'un examen reflète le développement progressif d'une politique générale au cours de ses premières années d'activités. Le BdP a acquis une expérience suffisante pour tirer certains enseignements concernant l'efficacité des efforts qu'il a déployés à la fois pour contribuer à catalyser les poursuites nationales et pour dissuader la commission de futurs crimes.  Chaque situation sera différente-toute évaluation devrait prendre en considération ces différences-et chemin faisant, la réponse et l'engagement du BdP devront absolument s'adapter aux particularités du paysage national. Toujours est-il qu'une évaluation des pratiques mises en œuvre à ce jour pourrait aider à fournir certaines indications sur les types de pression qui ont donné lieu à des résultats positifs, dans quels types de circonstances, ainsi que les endroits où des actions supplémentaires ou différentes du BdP auraient pu se révéler plus efficaces.

•Veiller à ce que les déclarations publiques du BdP fournissent un contexte suffisant et respectent le droit à des procédures équitables

L'annonce publique signalant qu'une situation fait l'objet d'un examen peut fortement attirer l'attention. Cela peut être souhaitable et approprié dans le cadre d'une stratégie visant à maximaliser l'influence exercée sur les autorités nationales. Mais lorsque des informations insuffisantes sont fournies-par exemple, pour replacer dans son contexte une décision annonçant une nouvelle situation soumise à examen ou pour étayer des affirmations fortes concernant une future action de la CPI-ces déclarations risquent en fait de saper l'efficacité du BdP. Le fait de citer nommément des suspects avant l'ouverture d'une enquête peut également susciter des inquiétudes quant au respect du droit à des procédures équitables. Le BdP devrait rédiger soigneusement ses déclarations publiques afin d'éviter ce type de résultats. Il pourrait, par exemple, exposer plus clairement sa politique d'annonce publique de situations faisant l'objet d'un examen une fois qu'il franchit le cap de la Phase 1 pour passer à la Phase 2. Cela pourrait contribuer à modérer les attentes en matière d'action immédiate et aider à parer au sentiment que ces annonces sont le reflet d'une position politisée du BdP plutôt que l'expression d'une nécessaire transparence. De même, les déclarations devraient veiller à se confiner au stade auquel se trouve l'examen du BdP.

•Utiliser les rapports intermédiaires pour accroître la rigueur, la transparence et l'imputabilité des responsabilités

Nous avons souligné à plusieurs reprises la difficulté pour le BdP de procéder avec habilité et prudence pour contribuer à inciter les autorités nationales à agir en mettant en avant l'éventuelle action de la CPI tout en évitant de créer des attentes auxquelles la CPI ne pourra au final pas répondre, portant ainsi atteinte à sa crédibilité. Certes, il s'agit-là d'un véritable défi pour lequel il n'existe aucune réponse facile, mais nos observations donnent à penser qu'une transparence accrue des activités relatives aux examens préliminaires du BdP serait utile en ce sens. Nous recommandons plus précisément que le BdP instaure une pratique consistant à diffuser des rapports périodiques détaillant son évaluation des critères énoncés à l'article 53 ainsi les mesures prises pour influencer les autorités nationales à propos d'une situation faisant l'objet d'un examen.

Ces rapports permettraient, de diverses façons, de renforcer l'efficacité de la politique du BdP et de résoudre certains des problèmes que nous avons identifiés plus haut dans l'approche actuelle du BdP. Primo, ces rapports-en démontrant de façon plus crédible que l'analyse du BdP progresse et en pointant les lacunes à combler là où des procédures nationales sont engagées-renforceraient l'effet de levier exercé sur les autorités nationales. La société civile et d'autres parties prenantes engagées dans la lutte contre l'impunité pourraient notamment faire usage de ces rapports pour presser les autorités à agir. Secundo, les rapports informeraient périodiquement les communautés affectées de l'état d'avancement des examens du BdP, contribuant à gérer les attentes, même lorsqu'aucune décision finale n'a été prise quant à l'ouverture  d'une enquête. Tertio, une fois qu'une décision a été prise, ces rapports fourniraient une base pour comparer l'analyse du BdP à celles qu'il mène dans d'autres situations, contribuant à éviter tout sentiment de partialité dans la sélection des situations. Quarto, ces rapports offriraient au BdP l'occasion de faire part avec franchise des considérations extrajudiciaires -telles que les contraintes en matière de ressources ou les problèmes de sécurité-qui empêchent dans certains cas le BdP d'ouvrir des enquêtes, donnant ainsi l'impression que les critères énoncés à l'article 53 sont appliqués de manière cohérente.

S'ils venaient à être produits systématiquement, ces rapports pourraient renforcer la légitimité générale des travaux d'examen préliminaire du BdP, réduisant au minimum les accusations de bluff et de manœuvres. Bien que cet aspect revête en soi une réelle importance, il s'avère également essentiel de faire planer une menace crédible de future action de la CPI, dont dépend toute chance de catalyser les poursuites nationales ou de dissuader la commission de crimes. La confidentialité, les droits des accusés à des procédures équitables, ainsi que le bien-être et la sécurité des victimes et des témoins, constituent des limites qu'il conviendrait que le BdP respecte au moment de considérer les éléments de son analyse qu'il peut et devrait rendre publics, mais il y a encore beaucoup d'autres choses que le BdP peut faire pour tenir le public au courant de l'état d'avancement de ses examens préliminaires.

•Fournir une orientation générale sur la durée probable des examens préliminaires

La longueur de l'analyse du BdP effectuée dans le cadre de plusieurs situations, sans aucune limite de durée, a porté atteinte à la crédibilité de ses examens préliminaires. À nos yeux, des rapports intermédiaires contribueraient à démontrer que ces examens se poursuivent et seraient l'occasion d'expliquer pourquoi une décision n'a pas encore été prise. Nous estimons qu'il faudrait par ailleurs élaborer un calendrier approximatif pour les examens préliminaires, qui donnerait une idée du nombre de mois (ou une fourchette de mois) que dureraient les différentes phases dans des circonstances normales et qui identifierait les facteurs susceptibles de ralentir ou d'accélérer l'analyse. Même si des échéanciers fixes ne seraient probablement pas réalistes ni propices à des effets catalytiques ou dissuasifs et que la durée de l'examen diffèrera en fonction de chaque situation, ce type de calendrier approximatif, associé à des rapports intermédiaires, concourrait à orienter et à influencer les attentes.

 


[1] La compétence de la Cour pénale internationale (CPI) peut être déclenchée de l'une des trois manières suivantes : les États parties à la CPI ou le Conseil de sécurité des Nations Unies peuvent déférer un ensemble spécifique d'événements-appelé situation-au procureur de la CPI, ou le procureur de la CPI peut chercher à ouvrir une enquête de sa propre initiative (« proprio motu ») avec l'autorisation d'une chambre préliminaire de la CPI. Voir Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Statut de Rome), Doc. ONU A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art. 13. Néanmoins, quelle que soit la manière dont la compétence de la cour est déclenchée,  le Bureau du Procureur (BdP) analyse en premier lieu les renseignements dont il dispose concernant une situation afin de déterminer s'il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête officielle. Ce processus est connu sous le nom d' « examen préliminaire ». Nous analysons les facteurs qui guident la décision du procureur aux termes du Statut de Rome, le traité instituant la CPI, plus loin, dans la partie I. À l'heure actuelle, neuf situations font l'objet d'un examen préliminaire. Ces « situations faisant l'objet d'un examen » sont : l'Afghanistan, la Géorgie, la Côte d'Ivoire, la Colombie, la Corée du Sud, le Honduras, la Guinée, le Nigeria et Gaza. Dans deux autres situations-l'Irak et le Venezuela-, le BdP a décidé de ne pas entreprendre d'enquête à la suite de l'examen préliminaire, tandis que six autres situations ont été retenues pour l'ouverture d'une enquête : la République démocratique du Congo, le Darfour, l'Ouganda, la République centrafricaine, le Kenya et la Libye.

[2]Par exemple, l'arrestation de Thomas Lubanga du chef d'enrôlement et de conscription d'enfants soldats a sensibilisé au fait que l'utilisation d'enfants comme participants  dans le cadre d'un conflit était illégale ; des chefs de milices et des dirigeants rebelles en République démocratique du Congo et en République centrafricaine ont confié aux chercheurs de Human Rights Watch qu'ils ne voulaient pas finir comme Lubanga ou à La Haye. Voir Human Rights Watch, Making Kampala Count: Advancing the Global Fight against Impunity at the ICC Review Conference, mai 2010, https://www.hrw.org/en/reports/2010/05/10/making-kampala-count-0, pp. 71-72. Mais ces effets sont vraisemblablement atténués lorsqu'il n'y a pas de perspective d'arrestation. Le gouvernement congolais s'est mis en défaut d'arrêter le co-accusé de Lubanga, Bosco Ntaganda, un ex-chef rebelle intégré dans l'armée congolaise au grade de général. Le gouvernement affirme que son arrestation nuirait au processus de paix dans l'est du Congo. Human Rights Watch a recueilli des informations concernant une vague de recrutements forcés, y compris d'enfants, effectués entre septembre et décembre 2010 par Ntaganda et des officiers qui lui sont fidèles, montrant une réitération des crimes pour lesquels Ntaganda est recherché par la CPI depuis 2006. « RD Congo : Des officiers de l'armée dirigeant des unités parallèles ainsi que des rebelles enrôlent de force des jeunes », communiqué de presse de Human Rights Watch, 20 décembre 2010, https://www.hrw.org/fr/news/2010/12/20/rd-congo-des-officiers-de-l-arm-e-.... Par ailleurs, des dirigeants de l'Armée de résistance du Seigneur sous le coup de mandats d'arrêt de la CPI depuis 2005-qui n'ont pas encore été appréhendés en partie parce qu'il est difficile de les approcher vu qu'ils opèrent dans des zones reculées du Congo-continuent de perpétrer des atrocités à l'encontre des civils, notamment des meurtres d'une extrême brutalité et des enlèvements en République démocratique du Congo et en République centrafricaine. Voir, par exemple, « RCA/RD Congo : La LRA mène une campagne massive d'enlèvements », communiqué de presse de Human Rights Watch, 11 août 2010, https://www.hrw.org/fr/news/2010/08/11/rcard-congo-la-lra-m-ne-une-campag....

[3] Bureau du Procureur, Cour pénale internationale (BdP), « Document de politique générale relatif aux examens préliminaires (PROJET) », 4 octobre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/E278F5A2-A4F9-43D7-83D2-6A2C9CF5D7D7... (consulté le 26 avril 2011), para. 86 (« Projet de document de politique générale »).

[4] BdP, « Bulletin d'information hebdomadaire », numéro 82, 5-11 avril 2011, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/DA36410D-5E1F-4AE6-B3F7-3EDFD14ACACC... (consulté le 26 avril 2011), p. 4.

[5] BdP, « Projet de document de politique générale », para. 86. Selon le BdP, « la question des intérêts de la justice constitue un élément potentiel de pondération pouvant justifier une décision de ne pas donner suite. Ainsi, le Procureur n'est pas tenu d'établir qu'il est dans l'intérêt de la justice de procéder à une enquête. Au contraire, le Bureau en mènera une à moins que des circonstances spécifiques fournissent de bonnes raisons de penser qu'il n'est pas dans l'intérêt de la justice de le faire ». Ibid., para. 73. Le BdP a publié un document de politique générale séparé expliquant en détail sa compréhension du terme « intérêts de la justice ». Voir BdP, « Policy Paper on the Interests of Justice », septembre 2007, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/772C95C9-F54D-4321-BF09-73422BB23528... (consulté le 26 avril 2011) ; voir également Human Rights Watch, Policy Paper: The Meaning of "The Interests of Justice" in Article 53 of the Rome Statute, juin 2005, https://www.hrw.org/node/83018.

[6] Étant donné qu'au stade précédant l'enquête, il n'y a pas encore d' « affaire » au sens strict « qui se rapporterait à des actes criminels spécifiques et des auteurs présumés », le procureur a interprété la mention de la recevabilité de « l'affaire »  à l'article 53(1)(b) comme exigeant d'examiner la recevabilité « d'affaires potentielles qui pourraient résulter de l'enquête [de son bureau] au vu des informations dont il dispose ». BdP, « Projet de document de politique générale », para. 52. Cette approche a été confirmée par une chambre préliminaire de la CPI dans une décision majoritaire autorisant le procureur à ouvrir une enquête au Kenya. Voir Situation en République du Kenya, ICC-01/09, Décision relative à la demande d'autorisation d'ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en République du Kenya rendue en application de l'article 15 du Statut de Rome, 31 mars 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1051647.pdf (consulté le 26 avril 2011), paras. 48-50.

[7] BdP, « Règlement du Bureau du Procureur » ICC-BD/05-01-09, 23 avril 2009, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/FFF97111-ECD6-40B5-9CDA-792BCBE1E695... (consulté le 26 avril 2011), norme 29. Bien que cette norme se rapporte spécifiquement aux communications reçues au titre de l'article 15, nous supposons que la même procédure est appliquée aux examens préliminaires découlant de renvois par le Conseil de sécurité ou par des États. La manière dont le BdP procède à ses examens semble avoir changé au fil du temps. Les premières déclarations relatives à la politique du BdP n'identifiaient que trois phases d'analyse-la première consistant en « un premier examen des communications », la deuxième étant « une analyse plus poussée des faits et du bien-fondé juridique des communications retenues », et la troisième consistant en « une analyse et une planification plus poussée » pour « les situations les plus graves ». Cette troisième phase aurait même pu conduire à l'élaboration d'un plan d'enquête et à la constitution d'une équipe commune au sein du BdP (c'est-à-dire une équipe composée de membres du personnel des trois divisions du BdP, à savoir la Division des enquêtes, la Division des Poursuites et la DCCC). Voir BdP, « Renvois et communications », annexe au document intitulé « Communications relatives à certaines questions de politique concernant le Bureau du Procureur », septembre 2003, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/278614ED-A8CA-4835-B91D-DB7FA7639E02... (consulté le 26 avril 2011), p. 7.

[8] BdP, « Presentation to the New York Working Group », 14 avril 2011, document non publié en possession de Human Rights Watch, p. 4. La situation en Côte d'Ivoire a récemment été assignée  à la Chambre préliminaire II en prévision de la requête que le procureur a l'intention de soumettre afin d'obtenir l'autorisation d'ouvrir une enquête. « La situation en Côte d'Ivoire assignée à la Chambre préliminaire II », communiqué de presse de la CPI, 20 mai 2011, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/ne... (consulté le 28 mai 2011).

[9] Statut de Rome, article 53(1).

[10]Ibid.

[11]BdP,  « Projet de document de politique générale », paras. 83-85.

[12]Ibid., para. 94. En vertu de l'article 93(10) du Statut de Rome, un État peut demander l'assistance de la cour (entre autres la transmission d'éléments de preuve) aux fins de mener des enquêtes ou des procès au niveau national concernant des crimes relevant de la compétence de la cour ou des crimes graves au regard du droit interne de cet État.

[13]Ibid., para. 89. Ce faisant, le Bureau « aura, entre autres, à l'esprit les questions de sécurité, de bien-être et de protection de la vie privée des personnes qui ont fourni les renseignements ou d'autres personnes exposées à des risques en raison de ces renseignements ». Ibid.

[14] Néanmoins, il ne semble pas y avoir d'approche homogène quant au moment où l'examen d'une situation est rendu public. Dans le cas de la Géorgie, du Kenya, de la Guinée et de la Corée du Sud, le BdP a déclaré publiquement qu'il suivait de près les allégations de crimes (au Kenya et en Géorgie, le BdP a par la suite signalé que ces déclarations étaient à considérer comme des annonces publiques de l'examen qu'il avait entamé dans ces situations) dans les jours ou les semaines qui ont suivi les premières informations faisant état de crimes présumés. Voir « Le Procureur de la Cour Pénale Internationale : les crimes de guerre présumés commis sur le territoire de la République de Corée font l'objet d'un examen préliminaire », 6 décembre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/46A212DA-6CDC-48F7-8F9A-DF5FB5B8BBD5... (consulté le 26 avril 2011) (l'examen comprend des incidents survenus en mars et en novembre 2010) ; « le Procureur de la CPI confirme que la situation en Guinée fait l'objet d'un examen préliminaire », communiqué de presse du BdP, 14 octobre 2009, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/structure%20of%20the%20court/office%20o... (consulté le 26 avril 2011) ( massacre dans le stade survenu le 29 septembre 2009) ; « Prosecutor's statement on Georgia », communiqué de presse du BdP, 14 août 2008, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/86CCD94E-B221-4F61-B977-091B86A8707C... (consulté le 26 avril 2011) (le conflit armé en Ossétie du Sud a débuté le 7 août 2008) ; « Déclaration du Bureau du procureur relative aux événements survenus au Kenya », 5 février 2008, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/9CA17069-34D6-42A6-A8EB-ACB3496F6B9C/0/ICCOTPST20080205FRA.pdf

(consulté le 26 avril 2011) (les violences postélectorales ont débuté fin décembre 2007). Mais en ce qui concerne le Nigeria et le Honduras, l'annonce rendant publiques ces situations en cours d'examen préliminaire est venue un an ou plus après les informations faisant état de crimes présumés. Voir BdP, « Bulletin d'information hebdomadaire », numéro. 64, 16-22 novembre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/E38711EB-ED1A-49F8-8765-F1E7C96A4F36... (annonçant que le Honduras et le Nigeria étaient de nouvelles situations faisant l'objet d'un examen depuis le 18 novembre 2010, mais que l'examen portait sur les allégations de crimes commis depuis 2004 au Nigeria et depuis le coup d'État de juillet 2009 au Honduras). Ceci peut simplement être le reflet de l'évolution continue de la politique générale du BdP et de sa décision assez récente de rendre publiques toutes les situations faisant l'objet d'un examen préliminaire. Cela peut également signifier que le BdP n'a reçu de communications relatives à ces crimes qu'un certain temps après leur commission.

[15] Ces bulletins d'information hebdomadaires sont disponibles sur http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Structure+of+the+Court/Office+of+the+Pr...

[16] BdP, « Stratégie en matière de poursuites 2009-2012 », 1er février 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/66A8DCDC-3650-4514-AA62-D229D1128F65... (consulté le 26 avril 2011), paras. 38-39 ; voir également BdP, « Projet de document de politique générale », paras. 89-90.

[17] Voir, par exemple, BdP, « Stratégie en matière de poursuites 2009-2012 ». para. 17 (le Bureau « fournir[a] aux instances judiciaires nationales qui en font la demande au titre de l'article 93-10 des renseignements  ..., sous réserve de mesures de protection crédibles pour les juges ou les témoins et de toute autre limite en matière de sécurité ; mettr[a] en commun des bases de données de documents non confidentiels ou relatives à des formes de criminalités »).

[18]Ibid., para. 39.

[19]Ibid., paras. 17, 38. La « communauté internationale » semble inclure les personnes « prenant part à des médiations politiques, comme les envoyés spéciaux de l'ONU et autres, de manière à ce qu'elles puissent appuyer des activités nationales ou régionales s'inscrivant en complément de celles du Bureau ; et « les organisations chargées du développement et des conférences de bailleurs de fonds afin d'encourager l'appui aux efforts visant à ce que les auteurs de crimes rendent des comptes ». Ibid., para. 17.  

[20]Ibid., para. 40.

[21] Ibid., para. 17.

[22] Voir, par exemple, Human Rights Watch, Une Cour pour l'Histoire : Les premières années de la Cour pénale internationale à l'examen, juillet 2008, https://www.hrw.org/fr/reports/2008/07/11/une-cour-pour-l-histoire, p. 71.

[23]Voir Human Rights Watch, Selling Justice Short: Why Accountability Matters for Peace, juillet 2009, https://www.hrw.org/en/reports/2009/07/07/selling-justice-short-0, pp. 124-25.

[24]Voir Human Rights Watch, « Nous avons vécu dans l'obscurité » : Un agenda des droits humains pour le nouveau gouvernement guinéen, 24 mai 2011, https://www.hrw.org/fr/reports/2011/05/24/nous-avons-v-cu-dans-l-obscurit-0, pp. 23-27. 

[25] BdP, « Bulletin d'information hebdomadaire », 19-25 octobre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/111A878E-C79C-4197-B260-24ABDC186C3C... (consulté le 4 mai 2011), p. 5 ; voir également « Déclaration à la presse de Mme Fatou Bensouda, Procureur adjoint », Conakry, 10 novembre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/CA25A385-5AED-4B24-A001-69D3D188B291... (consulté le 4 mai 2011). 

[26] Néanmoins, le procureur de la CPI évaluera encore la recevabilité de façon séparée. Par exemple, dans la situation en République centrafricaine, le BdP a expliqué que son examen préliminaire exigeait d'attendre un arrêt de la Cour de Cassation centrafricaine avant de poursuivre, voir BdP, « Projet de document de politique générale », para. 85, bien que la situation ait été déférée par le gouvernement au BdP aux fins d'enquête et de poursuites.

[27] BdP, « Stratégie en matière de poursuites 2009-2012 », para. 39.

[28] « ICC Prosecutor reaffirms that the situation in Kenya is monitored by his office », 11 février 2009, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/06455318-783E-403B-8C9F-8E2056720C15... (consulté le 26 avril 2011).

[29]« Kenyan High-Level Delegation meets ICC Prosecutor », communiqué de presse du BdP, 3 juillet 2009, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/situations%20and%20cases/situations/sit... (consulté le 26 avril 2011).

[30] « Le Procureur de la CPI plaide pour une stratégie orientée sur trois axes pour que justice soit faite au Kenya », communiqué de presse du BdP, 30 septembre 2009, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/situations%20and%20cases/situations/sit... (consulté le 26 avril 2011).

[31] Ce n'est qu'après que cette enquête eut débouché sur des requêtes aux fins de délivrance de citations à comparaître à l'encontre de six personnes accusées dans deux affaires, et alors que le gouvernement kényan contestait la recevabilité des affaires, que ledit gouvernement a prétendu qu'il menait des enquêtes visant de hauts responsables. Voir lettre de S. Amos Wako,  Procureur général à Matthew Iteere, Commissaire de police, 14 avril 2011, annexe 1 à Affaire Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, ICC-01/0901, « Filing of Annexes of Materials to the Application of the Government of Kenya Pursuant to Article 19 of the Rome Statute », 21 avril 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1062626.pdf (consulté le 3 mai 2011) (donnant pour instruction au commissaire de police d'accélérer les enquêtes et de mener des enquêtes au sujet des personnes nommées par la CPI). Au moment où la chambre préliminaire de la CPI a autorisé l'ouverture d'une enquête au Kenya, elle a établi qu'aucune procédure nationale appropriée n'avait été engagée concernant les types d'infractions et les individus de haut niveau susceptibles d'être visés par l'enquête de la CPI. La chambre a également constaté que les renseignements qu'elle avait reçus faisaient apparaître « certaines défaillances ou une réticence » de la part du gouvernement kényan s'agissant de régler la question des violences électorales en général.  Voir Situation en République du Kenya, ICC-01/09, « Décision relative à la demande d'autorisation d'ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en République du Kenya rendue en application de l'article 15 du Statut de Rome », 31 mars 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1051647.pdf (consulté le 28 mai 2011).

[32]« La CPI se prononçant sur les évènements du 28 septembre: ‘si nul résultat tangible n'est atteint, le Bureau du Procureur prendra ses responsabilités' », Le Jour, 2 avril 2011, http://www.lejour.info/index.php?option=com_content&view=article&id=2176... 28-septembre-qsi-nul-resultat-tangible-nest-atteint-le-bureau-du-procureur-prendra-ses-responsabilitesq- &catid=3:societe&Itemid=4 (consulté le 20 avril 2011) ; « Déclaration à la presse de Mme Fatou Bensouda, Procureur adjoint  », Conakry, 10 novembre 2010 ; « Déclaration à la Presse Guinéenne », 24 mai 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/E8ECD7CD-963E-403F-8E64-DA7FAAE595E5... (consulté le 26 avril 2011) ; « Mission du BdP en Guinée : Déclaration de Mme Fatou Bensouda, Procureur adjoint de la Cour pénale internationale  », 19 février 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/25184FEE-1BCF-48EF-B358-B7F9D3F5FCA9...  (consulté le 26 avril 2011).

[33] « ICC prosecutor to Guinea for massacre probe », Agence France-Presse, 15 février 2010, http://www.rnw.nl/international-justice/article/icc-prosecutor-guinea-ma... (consulté le 1er juin 2011) [Traduction de Human Rights Watch]. Nous analysons plus loin, dans la partie III.D, l'importance d'étayer des déclarations aussi percutantes promettant une action de la CPI afin d'éviter tout risque de générer des attentes exagérées qui seront déçues par la suite si la CPI n'agit pas.

[34] Voir Human Rights Watch, Un lundi sanglant : Le massacre et les viols commis par les forces de sécurité en Guinée le 28 septembre, ISBN: 1-56432-584-9, décembre 2009, https://www.hrw.org/fr/reports/2009/12/16/un-lundi-sanglant-0, p. 107 ; Conseil de sécurité de l'ONU, Rapport de la Commission d'enquête internationale chargée d'établir les faits et les circonstances des événements du 28 septembre 2009 en Guinée, S/2009/693, 18 décembre 2009, http://www.unhcr.org/refworld/docid/4b4f49ea2.html (consulté le 20 septembre 2010), paras. 229-35.

[35] Voir Human Rights Watch, « Nous avons vécu dans l'obscurité », pp. 23-27. Comme expliqué plus en détail dans « Nous avons vécu dans l'obscurité », Human Rights Watch estime que l'obligation de traduire en justice les auteurs des violences de septembre 2009 incombe au premier chef aux autorités nationales guinéennes, en vertu du principe de complémentarité.  Human Rights Watch a cependant identifié plusieurs défis majeurs qui menacent la capacité de garantir que les enquêtes et poursuites nationales seront menées de manière équitable, impartiale, indépendante et efficace. Parmi ces défis figurent notamment certaines faiblesses qui marquent profondément le système judiciaire, les conditions de sécurité insuffisantes pour le personnel judiciaire, l'absence de programme de protection des témoins, l'existence de la peine de mort, ainsi que l'absence de loi nationale au sein du code pénal guinéen interdisant les crimes contre l'humanité et la torture. Afin de garantir la justice pour les crimes internationaux graves perpétrés en 2009, les autorités guinéennes devraient s'attaquer à ces défis dans les plus brefs délais et de façon crédible. Human Rights Watch estime que la Guinée et ses partenaires internationaux devraient s'employer à faire en sorte que l'enquête et le procès des responsables des violences de 2009 progressent et que des améliorations bien nécessaires soient apportées au système judiciaire et au cadre législatif sur lequel il repose.

[36] Voir « Mission du BdP en Guinée : Déclaration de Mme Fatou Bensouda, Procureur adjoint de la Cour pénale internationale », 19 février 2010 ; « De l'avis du Procureur de la CPI, le Kenya peut être un exemple pour le monde », communiqué de presse du BdP, 18 septembre 2009, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pr... (consulté le 26 avril 2011). Le fait que le procureur insiste pour que le Kenya soit « un exemple pour le monde » a été critiqué par certains responsables kényans qui ont perçu cette exhortation comme une admonestation déplacée. Un tract censé être le premier numéro de « ICC Watch » - et distribué lors du sommet de l'Union africaine (UA) en janvier 2011 alors que certains responsables kényans faisaient campagne afin de s'assurer le soutien d'autres nations africaines pour demander au Conseil de sécurité de l'ONU un sursis dans la procédure d'enquête de la CPI - a décrit cette déclaration du procureur comme étant une confirmation de « l'image de ‘tribunal voyou'  que donne une CPI dominée par le style militant et les déclarations avides de publicité propres au Bureau du Procureur ». Voir « ICC Watch », vol. 1, no. 1, 2011, en possession de Human Rights Watch, p. 2. Alors qu'à première vue, la déclaration du procureur semblait destinée à encourager plutôt qu'à condamner les autorités nationales, la réaction qu'elle a suscitée démontre que le BdP opère dans des contextes sensibles et il convient dès lors de souligner à quel point il est important de prêter une attention toute particulière au contenu des déclarations publiques. Nous analysons ce point en détail plus loin, dans la partie III.D.

[37]  « Aucune impunité pour les crimes commis en Géorgie : la délégation du Bureau du Procureur conclut sa deuxième visite en Géorgie dans le cadre de l'examen préliminaire de la situation », communiqué de presse du BdP, 25 juin 2010, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/structure%20of%20the%20court/office%20o... (consulté le 26 avril 2011). Comme nous l'analysons plus loin dans la partie III.D, le BdP devrait évidemment s'abstenir de toute déclaration promettant une action de la CPI s'il n'est pas arrivé à la conclusion que les critères de la CPI relatifs à la compétence et à la recevabilité sont remplis.

[38] « Le Bureau du Procureur conclut sa deuxième visite dans la Fédération de Russie dans le cadre de l'examen préliminaire de la situation en Géorgie », communiqué de presse du BdP, 4 février 2011, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/structure%20of%20the%20court/office%20o... (consulté le 26 avril 2011). 

[39]Human Rights Watch, Rapport mondial 2011 (New York: Human Rights Watch, 2011), chapitres relatifs à la Géorgie et la Russie. En 2008, les autorités géorgiennes ont ouvert une enquête sur les violations du droit international humanitaire et des droits humains. Il s'agit d'une enquête générale portant sur toutes les violations commises par toutes les parties. Les autorités affirment que, dans le cadre de cette enquête, elles ont interrogé des milliers de victimes et de témoins. L'enquête a toutefois opéré peu de progrès. Les autorités prétendent qu'elles ne sont pas en mesure de mener une enquête exhaustive sur les attaques aveugles ou disproportionnées, en raison du fait que la Géorgie n'a pas accès à l'Ossétie du Sud. Pourtant, si le gouvernement géorgien est sérieux quand il parle de lutte contre l'impunité, il devrait enquêter pour savoir comment a été prise la décision d'utiliser des armes frappant sans discrimination, telles que les armes à sous-munitions, et devrait réclamer des comptes à ceux qui ont ordonné des attaques aveugles ou y ont été impliqués en vertu de leur responsabilité de commandement. Une enquête de cette nature n'exigerait pas d'avoir accès à l'Ossétie du sud.

[40] Voir Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 107-08.

[41] Voir en général Human Rights Watch, Smoke and Mirrors: Colombia's demobilization of paramilitary groups, 31 juillet 2005, https://www.hrw.org/en/reports/2005/07/31/smoke-and-mirrors-0 ; Breaking the Grip? Obstacles to Justice for Paramilitary Mafias in Colombia, 16 octobre 2008, https://www.hrw.org/en/reports/2008/10/16/breaking-grip-0 ; Paramilitaries' Heirs: The New Face of Violence in Colombia, 3 février 2010, https://www.hrw.org/en/reports/2010/02/03/paramilitaries-heirs-0.

[42]« Corte Penal Internacional indaga por la libertad de militares de los 'falsos positivos' », El Tiempo.com, 2 mai 2010, http://www.eltiempo.com/archivo/documento/CMS-7691492 (consulté 26 avril 2011).

[43] Edulfo Pena, « ‘Colombia puede ofrecer su experiencia': fiscal jefe de la CPI », El Tiempo.com, 6 décembre 2010, (consulté le  11 mai 2011) [Traduction de Human Rights Watch].

[44] Plus loin, dans la partie III.C, nous analysons la décision difficile à prendre concernant le moment de clore une situation faisant l'objet d'un examen.

[45]« Réponse du BdP concernant les communications reçues à propos du Venezuela », 9 février 2006, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/4E2BC725-6A63-40B8-8CDC-ADBA7BCAA91F... (consulté le 26 avril 2011) ; « Réponse du BdP concernant les communications reçues à propos de l'Irak », 9 février 2006, http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Structure+of+the+Court/Office+of+the+Pr... (consulté le 26 avril 2011).

[46] Cela ne signifie toutefois pas que le BdP a établi que ces crimes étaient suffisamment graves pour justifier une enquête de la CPI. L'estimation de la « gravité » est une composante de la recevabilité, évaluée parallèlement à l'existence de procédures nationales dans le cadre de la Phase 3.

[47] Edith M. Lederer, « AP Interview: International Criminal Court prosecutor to ask judges to open Ivory Coast probe », Associated Press, 2 mai 2011, http://www.newser.com/article/d9mvmtp00/ap-interview-international-crimi... (consulté le 1er juin 2011).

[48] Le procureur a mentionné l'ouverture de la situation lors de son discours inaugural à l'Assemblée des États parties. « Discours de M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la Cour pénale internationale, à la neuvième session de l'Assemblée des États parties », New York, 6 décembre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/F7EB40D9-77A5-456C-BFAD-4724D442DB18... (consulté le 3 mai 2011), p.5.

[49] La perspective d'une possible enquête à Gaza-dans l'attente d'une décision établissant si la déclaration déposée par l'Autorité palestinienne au titre de l'article 12(3) peut conférer une compétence à la cour-a également contribué à entretenir le débat sur la lutte contre l'impunité au niveau national. Cela a ajouté à la pression qui pèse sur Israël et sur le Hamas pour mener des enquêtes crédibles, pression exercée au départ par les rapports de suivi du secrétaire général de l'ONU et les comités d'experts à propos du rapport publié par la Mission d'établissement des faits sur le conflit à Gaza (commission Goldstone). Cela doit toutefois encore se traduire par l'imputabilité des responsabilités. À ce jour, le Hamas n'a mené aucune enquête criminelle. Bien que l'armée israélienne ait mené des dizaines d'enquêtes criminelles, voir Corps des procureurs  militaires des Forces de défense d'Israël, « 101 with the Deputy Military Advocate for Operational Affairs », article daté du 9 mars 2011, http://www.mag.idf.il/163-4544-en/patzar.aspx (consulté le 19 mai 2011), l'état d'avancement de bon nombre de ces enquêtes demeurait peu clair en mars 2011, soit plus de deux ans après le conflit de décembre 2008-janvier 2009. Voir Kenneth Roth, « Gaza: The Stain Remains on Israel's War Record », The Guardian, 15 avril 2011, https://www.hrw.org/en/news/2011/04/05/gaza-stain-remains-israels-war-record (consulté le 3 mai 2011).

[50]BdP, « Renvois et communications », p. 3.

[51] Cet effet n'est peut-être pas aussi prononcé lorsque des enquêtes sont ouvertes suite à un renvoi par un État ou par le Conseil de sécurité, car dans ces circonstances, le Statut de Rome oblige le BdP à ouvrir une enquête à moins qu'il n'y ait pas de base raisonnable pour poursuivre. Cela peut expliquer pourquoi les examens avancent plus vite dans ces situations par rapport à celles qui restent en souffrance suite à des communications reçues au titre de l'article 15. Comme indiqué plus haut, cela peut également amoindrir la flexibilité dont peut jouir le BdP pour chercher à déclencher des poursuites nationales ou à dissuader la commission de crimes dans le cadre du processus d'examen préliminaire.

[52]BdP, « Renvois et communications », pp. 1, 4. 

[53]« Déclaration du Procureur de la CPI sur la situation en Côte d'Ivoire », communiqué de presse du BdP, 21 décembre 2010, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pr... (consulté le 27 avril 2011).

[54] Statut de Rome, art. 54(1)(a).

[55] « ICC prosecutor to Guinea for massacre probe », Agence France-Presse, 15 février 2010, http://www.rnw.nl/international-justice/article/icc-prosecutor-guinea-ma... (consulté le 1er juin 2011). [Traduction de Human Rights Watch] 

[56] « Un ministre guinéen en visite à la CPI - Le Procureur demande des informations à propos des enquêtes nationales sur les violences survenues le 28 septembre », communiqué de presse du BdP, 21 octobre 2009, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/structure%20of%20the%20court/office%20o... (consulté le 27 avril 2011).

[57] En dépit de la gravité des crimes qui auraient été commis en Guinée, si on les compare à l'ampleur des crimes faisant l'objet des enquêtes de la CPI en cours au moment de l'annonce faite en février 2010 (dans la région du Darfour au Soudan, en République démocratique du Congo, en Ouganda et en République centrafricaine), on peut légitimement se poser la question de savoir si les événements survenus en Guinée répondent au critère de gravité. Le BdP a établi des critères qu'il utilise pour évaluer la gravité dans BdP, « Projet de document de politique générale », paras. 67-72.

[58] Voir Principes directeurs de l'ONU applicables au rôle des magistrats du parquet, Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, 27 août au 7 septembre 1990, Doc. ONU A/CONF.144/28/Rev.1 at 189 (1990), art. 13(b) et (c) (« Dans l'exercice de leurs fonctions, les magistrats du parquet ... protègent l'intérêt public, agissent avec objectivité, prennent dûment en considération la position du suspect et de la victime et ... ne divulguent rien de ce qui leur est communiqué, sauf si l'exercice de leurs fonctions ou les besoins de la justice l'exigent. »).

[59] « Déclaration du Bureau du Procureur relative aux événements survenus au Kenya », 5 février 2008.

[60] Voir, par exemple, Ben Agina, « The Hague beckons, says Annan », The Standard, 1er avril 2009 ; « ICC may try Kenya violence suspects: prosecutor », Agence France-Presse, 3 juillet 2009.

[61] L. Muthoni Wanyeki, « We Remember, And Have Evidence », The East African, 9 novembre 2009, http://allafrica.com/stories/200911090793.html (consulté le 31 mai 2011).

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.