Skip to main content

Guinée : Les autorités doivent libérer ou inculper le défenseur des droits humains Mouctar Diallo

Les détentions arbitraires ordonnées par le gouvernement militaire vont à l’encontre de ses obligations légales

(Dakar) - Le gouvernement militaire guinéen devrait immédiatement libérer le défenseur des droits humains Mouctar Diallo ou porter des accusations précises contre lui, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Mouctar Diallo est détenu par les militaires depuis le 26 novembre 2009 pour des raisons qui semblent être d'ordre politique. Les détentions préventives arbitraires et prolongées vont à l'encontre des obligations incombant à la Guinée en vertu du droit international et de la législation guinéenne.

Diallo, âgé de 58 ans, est responsable de la promotion et de la protection pour l'Observatoire national de la démocratie et des droits humains (ONDH), une institution nationale indépendante. Il a été arrêté par les gendarmes de l'unité d'élite spécialisée dans la  Lutte Anti-drogue et le Grand Banditisme, qui est dirigée par le capitaine Moussa Tiégboro Camara, un fonctionnaire du gouvernement influent. Des sources militaires ont indiqué aux journalistes que Diallo avait été arrêté pour avoir donné un entretien à la radio Voice of America le lendemain du massacre du 28 septembre à Conakry, au cours duquel plus de 150 opposants au régime ont été abattus dans le grand stade de la ville et des douzaines de femmes ont été violées par les forces de sécurité.

« Rien ne semble légitimement justifier la détention de Mouctar Diallo, encore moins son arrestation par l'unité en charge des crimes graves du grand banditisme et de la lutte anti-drogue  », a indiqué Corinne Dufka, chercheuse senior pour l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch. « Ceci ressemble à une nouvelle tentative du gouvernement militaire guinéen visant à faire taire les voix de l'opposition. »

Le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) a pris le pouvoir après un coup d'État sans effusion de sang en décembre 2008, suite au décès du président Lansana Conté, qui avait dirigé la Guinée d'une main de fer depuis de nombreuses années. Depuis lors, le CNDD a renforcé son contrôle sur les affaires politiques du pays, n'a toujours pas tenu sa promesse d'organiser des élections libres et équitables , et a régulièrement et violemment réprimé l'opposition. Les auteurs de ces abus continuent de bénéficier d'une impunité quasi totale.

À plusieurs reprises au cours de l'année, le responsable du coup d'État, le capitaine Moussa Dadis Camara, a levé puis rétabli une interdiction prohibant l'activité politique et syndicale. Il a également interdit les communications par SMS et les discussions politiques dans des émissions de radio. Immédiatement après les actes de violence le 28 septembre qui ont eu lieu dans le stade, les forces de sécurité ont arrêté des douzaines de manifestants et les ont emprisonnés dans des camps militaires autour de Conakry. Un grand nombre de ces manifestants ont été maltraités voire torturés.

Aucune des personnes détenues depuis les violences du 28 septembre, y compris Diallo, n'a été traduite devant un juge pour des accusations formelles, ce qui constitue une violation à la fois du droit international et du droit guinéen. Conformément à l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé et ratifié par la Guinée, tout individu arrêté doit être informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et traduit dans le plus court délai devant un tribunal. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si aucun chef d'accusation n'est retenu, l'article 60 du Code guinéen de procédure pénale de 1998 fixe la durée de détention maximale avant d'être présenté aux autorités judiciaires à 48 heures. Une prolongation de 48 heures supplémentaires, soit 96 heures ou quatre jours au total, n'est permise que sur ordre du ministère public ou du juge d'instruction. L'article 6 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, également ratifiée par la Guinée, interdit les détentions arbitraires.

Il est difficile de savoir si Mouctar Diallo, qui souffre d'hypertension et de diabète, reçoit des soins médicaux en détention. Son épouse, Djenabou Diallo, a été autorisée à lui rendre visite uniquement pour lui apporter à manger.

« Il semble que Mouctar Diallo n'ait rien fait d'autre que de parler à la presse avec sincérité sur un épisode dramatique qui a entaché l'histoire de la Guinée », a insisté Dufka. « Si les autorités détiennent réellement des preuves qu'il a commis un délit, qu'elles les présentent dans le cadre d'un chef d'accusation ; sinon, elles devraient le libérer sans plus attendre. »

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.

Région/Pays