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(La Haye, le 9 avril 2009) Hier soir, le Sénégal a pris  l'engagement « solennel » devant la Cour internationale de Justice (CIJ) de maintenir sur son territoire l'ancien dictateur tchadien, Hissène Habré, jusqu'à ce que la plus haute juridiction des Nations unies rende une décision sur le fond d'une plainte déposée par la Belgique contre le Sénégal.

Cette promesse du Sénégal a été formulée à l'issue de trois jours d'audiences devant la CIJ qui a été saisie par la Belgique en demande d'indication de mesures conservatoires pour assurer qu'Hissène Habré n'échappe pas à la justice en fuyant son pays d'accueil. Mardi, la Belgique avait déclaré  qu'elle accepterait une telle déclaration.


L'engagement du gouvernement sénégalais a été salué par les victimes de l'ancien dictateur tchadien qui est accusé de crimes contre l'humanité et de torture systématique pendant son régime de 1982 à 1990.

« C'est un grand soulagement pour les victimes », a déclaré Djimadoumadji Ngarketé, plaignant belge d'origine tchadienne qui a assisté aux audiences. « Mais le Sénégal doit concrètement engager des poursuites contre le bourreau du peuple tchadien. Nous attendons depuis 18 ans, des centaines de victimes sont déjà décédées ». 

« Avec cette promesse du Sénégal, le risque qu'Hissène Habré se réfugie dans un Etat de non droit semble être écarté », a déclaré Reed Brody  de Human Rights Watch qui travaille aux côtés des victimes depuis 10 ans et qui a suivi les 3 jours d'audiences. «Le Sénégal a une occasion historique d'organiser un procès équitable pour Hissène Habré et de démontrer qu'un Etat africain est capable de juger des crimes commis en Afrique contre des victimes africaines».

A l'issue du premier jour d'audience ce lundi, Christopher Greenwood, juge à la CIJ, a demandé au Sénégal s'il acceptait de s'engager solennellement à maintenir Hissène Habré sur son territoire pendant toute la durée de la procédure devant la Cour. Il a également demandé à la Belgique si une telle déclaration satisfaisait sa demande en mesures conservatoires. Le lendemain, la Belgique a indiqué à la Cour qu'elle accepterait une telle déclaration du Sénégal. Hier, la délégation sénégalaise, par l'intermédiaire de Demba Kandji, directeur des affaires criminelles et des grâces au Ministère de la justice, a donné « l'assurance solennelle» que la République sénégalaise « ne permettra pas à M. Habré de quitter le Sénégal tant que la présente affaire est pendante devant la Cour ».

«Nous invitons solennellement le Président de la République Abdoulaye Wade à ne plus s'interposer et à laisser la justice sénégalaise faire son travail et à exprimer elle-même ses problèmes de budget et de financement à la communauté internationale», a déclaré Alioune Tine, Président de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO). « Le gouvernement du Sénégal doit maintenant laisser la justice instruire la plainte que les victimes ont déposée il y a 7 mois à Dakar ».

Pour rappel, le 19 février dernier, la Belgique a porté plainte contre le Sénégal devant la CIJ, plainte qui vise à mettre un terme au feuilleton politico-judiciaire qui dure depuis près de 10 ans au Sénégal où l'ancien dictateur tchadien s'est réfugié  depuis sa chute en 1990. La Belgique demande à la Cour d'ordonner au Sénégal de juger ou d'extrader Hissène Habré, tel que le lui a enjoint le Comité des Nations Unies contre la torture dans une décision de mai 2006. Mais, à la différence du Comité, les décisions de la Cour sont contraignantes et si les Etats ne s'y conforment pas, ils risquent des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies.

En outre, la Belgique a demandé à la Cour d'ordonner des mesures conservatoires suite aux déclarations du Président Wade, menaçant de faire en sorte qu'Hissène Habré «abandonne le Sénégal» s'il n'obtenait pas rapidement de la Communauté internationale l'intégralité du financement pour l'organisation du procès. Les fonds nécessaires ont été estimés à plus de 27 millions d'euros par les autorités sénégalaises alors que le plan de travail sur lequel doit nécessairement reposer le budget n'a toujours pas été élaboré.


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