(New York) - L'annonce du gouvernement soudanais d'expulser dix organisations d'aide internationale met en danger la vie de plus d'un million de personne au Darfour, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le Soudan a l'obligation au regard du droit international humanitaire de s'assurer que l'aide parvient aux personnes dans le besoin en période de conflit.
Le gouvernement soudanais a annoncé les expulsions peu de temps après que la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d'arrêt contre le président Omar Al-Bachir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour. Human Rights Watch a appelé le gouvernement à réémettre immédiatement les licences permettant aux organisations d'opérer et à faciliter le travail de toutes les organisations humanitaires apportant leur aide au Soudan.
« La réponse du président Al-Bachir à l'annonce de son inculpation pour crimes au Darfour n'est rien de moins que des représailles à l'encontre les millions de personnes qui vivent dans cette région du Soudan » a déclaré Georgette Gagnon, Directrice de la division Afrique au sein de Human Rights Watch. « Le gouvernement soudanais doit annuler cette décision immédiatement, ou les civils du Darfour vont une fois de plus souffrir des conséquences des politiques abusives de Khartoum. »
L'on estime que les dix agences expulsées, parmi lesquelles figurent Oxfam, Médecins Sans Frontières, Save the Children, CARE et International Rescue Committee, apportent entre 50 et 70 pour cent du total de l'aide humanitaire au Darfour, en termes de nourriture, d'eau et d'aide médicale. D'autres programmes menés par la plupart d'entre-elles dans d'autres régions du Soudan sont aussi affectés. Leur départ pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour plus d'un million de personnes.
Human Rights Watch a appelé les gouvernements et institutions régionales concernées, en particulier ceux entretenant des relations fortes avec le Soudan, comme la Chine et l'Union africaine, à faire pression sur Khartoum pour qu'il révoque ces expulsions immédiatement. Dans le cas où le Soudan se refuserait à le faire, les Nations unies, l'Union africaine et les gouvernements doivent prendre des mesures rapides et décisives, y compris l'imposition de sanctions ciblées à l'encontre d'Omar Al-Bachir et de son ministre des affaires humanitaires, Ahmed Haroun.
Le 4 mars 2009, la CPI, à la Haye, a annoncé l'émission d'un mandat d'arrêt contre Omar Al-Bachir retenant sept charges de crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour. Dans les heures qui ont suivi, les dix organisations internationales ont reçu des lettres de la Commission de l'Aide Humanitaire (CAH) du gouvernement leur annonçant la révocation des licences leur permettant d'opérer au Soudan. Dans la soirée, des officiels de la CAH ont commencé à visiter les bureaux de ces organisations, au Darfour et dans la capitale Khartoum, et à saisir des biens, y compris des téléphones et des ordinateurs. Au moins une organisation s'est vue donner 24 heures seulement pour évacuer tout son personnel international du Soudan ; d'autres ont rappelé à Khartoum leur personnel basé au Darfour et dans d'autres régions du Soudan. Leur personnel au Darfour a également été harcelé et menacé par des officiers de la sécurité nationale.
Malgré les assurances des autorités soudanaises au cours des derniers mois, y compris de la part de la CAH, selon lesquelles elles continueraient à faciliter le travail des organisations humanitaires, il apparait que ces expulsions étaient planifiées bien avant que le mandat d'arrêt n'eut été émis. Le 1er mars, des officiers de la CAH à Khartoum ont déclaré à six de ces organisations que, pour des « raisons de sécurité », elles devaient temporairement faire revenir à Khartoum leur personnel international basé au Darfour en prévision de la décision de la CPI.
Au regard du droit international, le gouvernement du Soudan a la responsabilité première de fournir protection et aide humanitaire aux quatre millions de personnes affectées par le conflit au Darfour. Si le gouvernement est incapable ou n'est pas disposé à fournir cette assistance, comme c'est le cas au Darfour, alors il est dans l'obligation d'autoriser un accès libre à des organisations humanitaires indépendantes et impartiales. Priver des populations spécifiques d'une aide nécessaire peut être vu comme des représailles illégales ou une forme de punition collective, qui constituent des violations du droit international.
« Qu'un gouvernement soutienne ou non les charges contre Béchir, tous les gouvernements doivent rejeter la tentative honteuse de Khartoum de revanche contre des civils qui n'ont déjà que trop souffert » a déclaré Georgette Gagnon. « Les Etats doivent faire passer le message que Khartoum ne peut pas jouer avec la vie de millions de personnes. »