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RD Congo : Lettre aux membres du groupe de travail du Conseil de Sécurité sur les enfants et les conflits armés

Vos Excellences :

Alors que vous examinez le nouveau rapport du Secrétaire général sur les enfants et des conflits armés en République démocratique du Congo (S/2008/693), Human Rights Watch souhaiterait profiter de cette occasion pour vous apporter des informations supplémentaires et des recommandations concernant les violations commises à l'encontre des enfants  au cours de la récente escalade du conflit dans l'Est de la RDC.

Fin août, l'armée congolaise (FARDC) et le groupe rebelle dirigé par Laurent Nkunda, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), ont repris des combats intenses. L'armée congolaise a parfois été appuyée par des milices pro-gouvernementales, notamment la Coalition des Patriotes résistants congolais (PARECO) et d'autres groupes Maï Maï, ainsi que par un groupe armé rwandais, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), dont certains leaders ont participé au génocide de 1994. Le CNDP a bénéficié du soutien actif ou passif du Rwanda, ce qui lui permet par exemple de recruter des combattants, dont déjà au moins 30 enfants, sur le territoire rwandais.

Des centaines de civils ont été tués, et d'autres exactions ont été commises, à savoir des viols, des pillages et le recrutement d'enfants soldats. Plus d'un million de personnes sont actuellement déplacées, loin de leurs foyers, pour la seule province du Nord Kivu. Elles reçoivent une assistance limitée de la part des agences humanitaires, qui souvent ne peuvent parvenir jusqu'aux personnes nécessiteuses en raison des combats.

Au-delà de la recrudescence des affrontements dans l'Est des Kivus, l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) a aussi repris ses attaques et ses enlèvements d'enfants dans la province Orientale.

Le rapport du Secrétaire général contient des informations cruciales sur les violations contre les enfants en RDC durant la période juin 2007 - septembre 2008. Pour compléter son important report, nous apportons ci-après des informations supplémentaires à propos des violations contre les enfants qui ont eu lieu depuis la fin du mois d'août, afin d'éclairer vos discussions et délibérations.

Recrutement et utilisation d'enfants soldats :

Toutes les parties au conflit dans le Nord Kivu ont recruté des civils par la force, dont des enfants, et les ont obligés à servir comme soldats. Le recrutement forcé s'est intensifié au cours de ces derniers mois alors que les parties, en particulier le CNDP et les milices pro-gouvernementales Maï Maï, essayaient de remplacer les combattants tués au combat. Par crainte d'être recrutés de force, de nombreux jeunes hommes et garçons fuient leurs foyers et dorment la nuit dans la brousse ou à proximité des bases de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC).

Sur la base de renseignements fiables reçus par Human Rights Watch, nous estimons qu'au moins 175 enfants ont été recrutés de force pour le service armé depuis la fin août 2008, et selon nos informations il y aurait de nombreux autres cas. Ces enfants ont été envoyés sur les lignes de front ou utilisés comme porteurs, gardes, ou esclaves sexuels.

Un grand nombre d'enfants recrutés récemment sont des « re-recrues » qui sont déjà passées par des programmes de démobilisation. Les efforts de démobilisation dans l'Est de la RDC échouent souvent à réinsérer les anciens enfants soldats dans leurs communautés du fait que les programmes de soutien à la réinsertion sont trop courts, et que peu de soutien, voire aucun, n'est apporté aux anciens enfants soldats après qu'ils ont quitté les centres de transit et qu'ils retournent dans leurs familles et leurs communautés.

Pour l'Est de la RDC, Human Rights Watch a reçu les informations fiables suivantes faisant état de recrutement récents :

CNDP : Dans certaines zones des territoires de Rutshuru et de Masisi, le CNDP et d'autres groupes armés ont fait du porte-à-porte pour forcer de jeunes garçons et des adultes - âgés de 14 à 40 ans - à aller sur les lignes de front, sans aucun entraînement militaire préalable. Au cours de la semaine du 9 novembre, des rapports ont documenté le recrutement forcé de centaines de civils par le CNDP, en particulier à Kitchanga, Kiwanja, Rutshuru et Rubare. Dans certains cas, des familles qui refusaient de remettre un de leur membre ont été obligées de payer 200 $ US ou de fournir une reconnaissance de dette pour ce montant.

A mi-septembre, le CNDP et la milice rivale PARECO ont recruté par la force environ 50 enfants et des dizaines d'adultes, juste devant le camp de personnes déplacées de Ngungu (territoire Masisi). Certaines de ces familles s'étaient réfugiées à Ngungu quelques jours plus tôt après les affrontements entre le CNDP et le PARECO dans des villages voisins. L'une des personnes recrutées a indiqué à Human Rights Watch que le CNDP avait recruté des garçons et des hommes âgés de 12 à 40 ans. Les recrues ont été sévèrement battues et informées qu'elles transporteraient des munitions pour les soldats du CNDP. Cependant, une fois parvenues à Murambi, elles ont reçu des uniformes militaires et un entraînement aux armes. De nouvelles recrues rejoignaient le groupe chaque jour. (Voir le témoignage joint.)

Le CNDP a aussi recruté des enfants dans plusieurs écoles des territoires de Rutshuru et de Masisi. En octobre, 13 élèves ont été recrutés de force dans une école entre Shasha et Kirotshe. Un enfant a tenté de s'échapper, mais le CNDP l'a abattu alors qu'il s'enfuyait. Les autres sont toujours avec le CNDP.

Maï-Maï : Les agences de protection de l'enfance signalent que 36 enfants ont été recrutés pour le service militaire par une milice pro-gouvernementale Maï Maï en territoire du Rutshuru dans l'Est du Congo fin octobre 2008.  Il est possible que ces enfants aient été impliqués dans l'attaque des Maï Maï contre Kiwanja le 4 novembre, où des témoins ont indiqué avoir vu au moins 30 enfants - et peut-être davantage - parmi les combattants. Le groupe Maï Maï PARECO a aussi recruté des enfants soldats.

Armée de résistance du Seigneur : L'Armée de résistance du Seigneur (« Lord's Resistance Army », ou LRA) a enlevé des dizaines d'enfants entre septembre et novembre dans le nord-est du Congo. Les 17 et 18 septembre, la LRA a attaqué plusieurs villages simultanément, enlevant au moins 45 enfants à Kiliwa et Duru. Les 19 et 20 octobre, des rebelles de la LRA ont tué au moins six personnes et en ont enlevé 17 autres (d'âges inconnus de Human Rights Watch) pour transporter leur butin. Le 1er novembre 2008, les forces de la LRA ont attaqué Dungu, la capitale du district du Haut-Uélé, dans la province Orientale. Selon des sources locales, les combattants de la LRA ont enlevé au moins 36 garçons et 21 filles après les affrontements au cours desquels trois soldats du gouvernement congolais ont été tués. 

FARDC : L'armée congolaise a aussi recruté des enfants pour transporter et distribuer des armes pour diverses unités dans le territoire de Masisi, en particulier dans des zones difficiles à atteindre pour des véhicules. Certains de ces garçons sont des combattants PARECO, qui gardent quelques-unes des armes qu'ils sont censés remettre à l'armée congolaise. Des éléments de l'armée congolaise ont aussi donné des armes aux combattants Maï Maï, dont des enfants, dans la région du Grand Nord aux environs de Lubero et Beni.  

Violence sexuelle :

Des centaines de milliers de femmes et de filles ont été violées depuis que la guerre en RDC a commencé en 1996, fréquemment par des membres des forces de sécurité ou de groupes armés. Le Secrétaire général signale que de juin 2007 à juin 2008, l'ONU a recensé 5517 cas de violence sexuelle contre des enfants en Ituri, et dans les Kivus, représentant 31 pour cent du nombre total de victimes de violence sexuelle. Les viols commis par des membres de toutes les parties au conflit armé se poursuivent, et notamment les incidents récents suivants :

FARDC :  Le 29 octobre 2008, des soldats de l'armée congolaise fuyant devant l'avance du CNDP se sont livrés à des pillages dans Goma, tuant au moins 20 civils, dont cinq enfants, blessant plus d'une dizaine d'autres civils, et pillant des magasins tout comme des maisons. Ils ont aussi violé plus d'une dizaine de femmes et de filles alors qu'ils fuyaient en traversant Goma en direction de Sake et Minova.

CNDP : Les troupes de Nkunda ont utilisé le viol pour intimider et instiller la peur parmi la population civile durant leur prise de contrôle de Rutshuru et Kiwanja le 29 octobre et après. Grâce aux entretiens menés auprès de survivantes de viols, de leurs familles et autres témoins, Human Rights Watch a pu établir que les soldats du CNDP avaient violé au moins 16 femmes et filles dans leurs maisons et leurs fermes, et sur les routes, dans les deux villes, au cours du mois qui a suivi la prise de contrôle par le CNDP. Une jeune fille de 16 ans a été violée par un soldat du CNDP dans une ferme à proximité de Rutshuru alors qu'elle essayait de fuir vers Goma le 29 octobre. (Voir le témoignage joint.) Des soldats du CNDP auraient aussi violé au moins six femmes et filles à l'intérieur du camp de déplacés près de la base de la MONUC à Kiwanja le 27 novembre.

FDLR : Egalement au Nord Kivu, des combattants des FDLR ont perpétré des viols et d'autres exactions. Un témoin a décrit à Human Rights Watch un incident survenu en avril 2008 et au cours duquel huit combattants des FDLR ont violé sept filles et jeunes femmes, âgées de 16, 17 et 18 ans, près du village de Buhuga sur le territoire de Rutshuru. Le groupe  a été enlevé à 2 h de l'après-midi et n'a été relâché qu'à 4 h le lendemain après-midi.  (Voir le témoignage joint.)

Recommandations :

Human Rights Watch soutient fermement les recommandations du Secrétaire général contenues dans son rapport du 10 novembre 2008, et souligne en particulier les recommandations suivantes :

  • Toutes les parties au conflit devraient immédiatement cesser toutes les violations à l'encontre des enfants, à savoir les meurtres et les mutilations, les enlèvements, le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats, les violences sexuelles, le refus d'accès humanitaire et les attaques contre des écoles et des hôpitaux ;
  • Le gouvernement de la RDC devrait mener à bien l'engagement qu'il a pris de préparer un plan d'action concret, en temps limité, pour mettre fin au recrutement et à l'utilisation d'enfants soldats, et démobiliser tous les enfants se trouvant dans ses rangs;
  • Toutes les autres parties au conflit armé, notamment le CNDP, les FDLR et les Maï Maï devraient immédiatement mettre fin à tout recrutement d'enfants et préparer des plans d'action pour démobiliser tous les enfants se trouvant dans leurs rangs et empêcher tout recrutement ultérieur d'enfants ;
  • Le gouvernement congolais, les agences de protection de l'enfance et les bailleurs de fonds internationaux devraient faire de la démobilisation et de la réinsertion des enfants soldats, y compris des filles liées à des groupes armés, une priorité dans le programme de paix de l'Est du Congo. Ils devraient aussi soutenir les programmes basés sur la communauté qui proposent un soutien et un suivi à long terme pour les anciens enfants soldats et les associent à d'autres jeunes de la communauté ;
  • Le gouvernement devrait intensifier ses efforts pour combattre l'impunité par les enquêtes et les poursuites menées en cas de crimes contre les enfants.

Nous soutenons les recommandations du Secrétaire général selon lesquelles le gouvernement devrait développer une stratégie nationale globale pour empêcher, combattre et traiter la violence sexuelle, et nous suggérons que le groupe de travail pourrait appeler spécifiquement à :

  • La mise en œuvre de la résolution 1794 (paragraphe 15) du Conseil de sécurité demandant aux autorités congolaises de créer un mécanisme de contrôle dans l'armée congolaise pour éliminer les officiers supérieurs présentant des antécédents de graves atteintes aux droits humains, notamment des violences sexuelles ;
  • Une aide supplémentaire des bailleurs de fonds pour le projet pilote existant d'un tribunal mobile composé de juges, de procureurs et autres magistrats qui se rende dans des zones rurales pour juger spécifiquement les crimes de viol ;
  • La création d'une «chambre mixte» (incluant des membres internationaux) au sein du système judiciaire congolais qui jugerait les crimes les plus graves tels que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, notamment les crimes de viol.

De plus, nous exhortons le Conseil de sécurité à :

  • Demander instamment à la MONUC, aux membres du Conseil de sécurité et aux gouvernements de la région à travailler ensemble pour appréhender les dirigeants de la LRA qui sont recherchés par la Cour pénale internationale ;
  • Demander à la MONUC et au HCR de publier rapidement les rapports sur les graves violations des droits humains, notamment les exactions contre les enfants et les cas de violence sexuelle.
  • Appeler toutes les parties au conflit et les acteurs internationaux à coopérer avec les enquêtes de la Cour pénale internationale (CPI) en Ituri et dans les Kivus, notamment en exécutant le mandat d'arrêt en suspens de la CPI contre Bosco Ntaganda, le chef d'état-major militaire de Laurent Nkunda, en relation avec des crimes relatifs aux enfants soldats qui auraient été commis en Ituri en 2002-2003.
  • Encourager le gouvernement congolais à adopter une législation pour mettre en œuvre le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui comprend les crimes relatifs au recrutement d'enfants comme soldats et leur utilisation pour participer aux hostilités qui ne sont pas actuellement pris en compte par le droit pénal congolais ;
  • Inviter instamment les bailleurs de fonds internationaux à apporter un soutien suffisant aux équipes de la MONUC chargées de la protection de l'enfance afin de surveiller et de signaler les violations des droits de l'enfant ;
  • Appeler le gouvernement de la RDC à rompre les liens entre les forces armées congolaises et les combattants des FDLR et à respecter son engagement au regard de l'accord de novembre 2007 portant sur le désarmement des FDLR ;
  • Demander au Comité du Conseil de sécurité concernant la RDC-créé conformément à la résolution 1533 (2004)-d'imposer, en accord avec les résolutions 1539, 1612 et 1807 (para 13d) du Conseil de sécurité, des mesures ciblées, telles que des embargos sur les armes, des restrictions en matière de voyage, des gels des avoirs et autres mesures selon les besoins contre les parties au conflit armé, spécifiquement pour le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats en violation des règles internationales.

Human Rights Watch observe qu'en juillet 2006, le Conseil de sécurité (Résolution 1698) a décidé que les leaders en RDC qui recrutaient ou utilisaient des enfants soldats devraient être soumis à des restrictions durables en matière de voyage ainsi qu'au gel de leurs avoirs, et qu'en octobre 2007, le groupe de travail du Conseil de sécurité a informé le président du comité des sanctions sur la RDC de sa préoccupation au sujet des violations persistantes commises par des personnes nommées dans le rapport du Secrétaire général (S/AC.51/2007/17). La Résolution 1807 du 31 mars 2008 a réitéré que les individus et entités qui recrutaient ou utilisaient des enfants dans des conflits armés en violation du droit international applicable devaient être soumis à des restrictions en matière de voyage et au gel de leurs avoirs. Cependant, nous observons que sur les 22 individus et entités actuellement soumis à des restrictions en matière de voyage et au gel de leurs avoirs selon la résolution 1596, aucun n'est désigné spécifiquement pour le recrutement ou l'utilisation d'enfants soldats.

Depuis 2002, quatre des parties mentionnées ci-dessus - les FARDC, les FDLR, les Maï Maï et la LRA - ont été régulièrement désignées, dans chacun des rapports transmis par le Secrétaire général au Conseil de sécurité au sujet des enfants et des conflits armés, comme responsables de violations des normes internationales interdisant le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats. De ce fait, elles figurent parmi les 14 « auteurs chroniques de violations » dans le monde qui ont été identifiés dans tous les rapports du Secrétaire général, et méritent ainsi l'action la plus énergique du Conseil de sécurité.

Nous vous remercions de votre attention.

Veuillez croire, Vos Excellences, à l’expression de notre profond respect,

Steve Crawshaw, Directeur de plaidoyer auprès de l’ONU

Jo Becker, Directrice de campagne à la Division des droits de l'enfant


Annexe : Déclarations

Tous les noms ci-dessous sont des pseudonymes.

Anthony :

Anthony est l'un de la cinquantaine d'enfants et des dizaines d'adultes recrutés de force à la mi septembre par les forces rivales, le CNDP et la milice PARECO, à proximité même du camp de personnes déplacées de Ngungu (territoire Masisi). Sa famille s'était réfugiée à Ngungu quelques jours plus tôt après que le CNDP et la milice PARECO se soient affrontés dans leur village natal de Numbi.

« Cinq soldats du CNDP m'ont arrêté sur la route en plein jour. Ils m'ont envoyé avec un groupe important d'autres hommes et garçons, qui avaient entre 12 et 40 ans, à Murambi où ils disaient que nous allions porter des caisses de munitions pour les soldats rebelles. Ils nous ont tellement battus que nous n'avons pas pu résister. Quand nous sommes arrivés à Murambi, ils ne nous ont pas ordonné de transporter des caisses, et au lieu de ça ils nous ont donné des uniformes militaires et nous ont montré comment nous servir des armes. Puis au bout de trois jours, ils nous ont tous mis dans une prison souterraine. Nous y sommes restés pendant quatre jours, et de nouvelles recrues nous rejoignaient chaque jour. Le quatrième jour, ils nous ont fait sortir de la prison et nous ont emmenés à Karuba. Cette nuit-là, j'ai réussi à m'échapper avec deux autres recrues, et nous avons couru tout le long du chemin jusqu'à Ngungu. Les autres qui sont restés derrière ont été envoyés à Kitchanga pour un entraînement militaire. »

Quand Anthony et les deux autres hommes sont arrivés à Ngungu, ils se sont réfugiés à la base de la MONUC. Comme beaucoup de combattants qui choisissent de déposer les armes ou qui échappent au recrutement forcé, ils ont ensuite été remis aux autorités congolaises qui les ont envoyés à la prison du renseignement militaire à Goma (connue sous le nom de T2) comme point de transit avant d'être placés dans des camps de démobilisation. Les détenus de cette prison sont souvent incarcérés pendant des semaines ou des mois sans chef d'accusation et sont soumis à des traitements cruels et dégradants ; certains sont torturés. Au bout de cinq jours à la T2 sans manger, Anthony a réussi à s'échapper de la prison et il a à nouveau cherché refuge à la base de la MONUC à Goma.

« Je veux retourner chez nous à Numbi », a affirmé Anthony. « Mais j'ai peur. Si les soldats du CNDP me trouvent, ils me tueront. »

Marie :

Marie est une jeune fille de 16 ans qui a été violée par un soldat du CNDP dans une ferme à l'extérieur de Rutshuru le 29 octobre, juste après que le groupe eut pris le contrôle de la ville.

« Le jour où le CNDP est arrivé à Rutshuru, ils ont pillé mon quartier et ont abattu deux garçons, alors j'ai décidé de fuir à Goma. J'ai traversé en courant les fermes situées aux abords de Rutshuru et j'ai rencontré deux soldats tutsis armés de fusils et de lances. Ils m'ont interceptée dans une ferme. J'étais seule. Un des soldats parlait kinyarwanda et l'autre swahili. Ils m'ont dit : « Nous allons te tuer ». Puis ils ont appuyé un couteau sur mon bras. Je leur ai dit : « Non, s'il vous plaît, pardonnez-moi ». Alors ils ont dit : « Le seul moyen pour que nous te pardonnions, c'est de te violer ». Ils ont déchiré mes vêtements avec le couteau. Un des soldats m'a violée de 16 à 19 heures. Il y avait du sang partout. Ensuite, quand le second a voulu commencer, des coups de feu ont retenti à proximité et ils sont partis en me disant que si je m'enfuyais, ils me tueraient. Après cela, j'ai réussi à m'échapper et j'ai pu arriver jusqu'à Kibati [un grand camp de déplacés situé à l'extérieur de Goma]. J'ai encore très mal mais je n'ai pas de médicaments et il n'y a personne ici pour me soigner. »

Liliane :

Liliane vit dans un camp de déplacés à Rutshuru. Elle a été violée alors qu'elle était retournée dans son village pour aller chercher à manger.

« Une fois, quand j'ai essayé de retourner dans mon village, les FDLR m'ont retenue et m'ont violée. Ils m'ont amenée sur le bord de la route, près du village de Buhuga. Il y avait huit combattants des FDLR. J'étais avec sept autres filles. Nous avons toutes été violées. Les autres filles étaient de mon village, mais elles ne vivent pas dans ce camp. Ils nous ont prises à 2 h de l'après-midi et ils nous ont laissées partir le lendemain à 4 h de l'après-midi. Nous avons passé la nuit avec eux puis ils nous ont laissées partir. Un soldat m'a violée ; il y avait un soldat pour chaque fille. Ils nous ont gravement maltraitées. Ils nous ont menacées avec leurs armes, mais ils ne s'en sont pas servi contre nous. J'avais 17 ans quand c'est arrivé. Les autres filles avaient 16, 17 et 18 ans. Nous sommes toutes allées à l'hôpital à Rutshuru après ça. J'ai étudié jusqu'à la sixième, mais je ne peux pas étudier maintenant que je suis déplacée. Je veux juste que les FDLR et le CNDP s'en aillent pour pouvoir rentrer à la maison et continuer ma vie. »

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