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Burundi : Les détentions d’opposants politiques portent atteinte aux droits humains

37 personnnes dont le militant politique Alexis Sinduhije ont été détenues

(Bujumbura) – La détention du militant politique Alexis Sinduhije et de 36 autres personnes par la police burundaise le 3 novembre 2008 témoigne des obstacles croissants au libre exercice des droits civils et politiques au Burundi, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Sinduhije, ancien journaliste de radio réputé, tente depuis le mois de février de former un parti politique d’opposition, le Mouvement pour la sécurité et la démocratie (MSD).

Les détentions font suite au harcèlement incessant des leaders de plusieurs partis opposés au parti dominant, le Conseil National pour la Défense de la Démocratie – Forces de Défense de la Démocratie (CNDD-FDD).  
 
« Il semble que le parti au pouvoir fasse appel aux forces de l’ordre pour réduire au silence les voix dissidentes », a indiqué Alison Des Forges, conseillère senior pour l’Afrique à Human Rights Watch.  
 
Des dizaines de policiers armés de Kalachnikovs ont pénétré au siège du MSD peu après midi le 3 novembre, déclarant qu’ils avaient des informations selon lesquelles une réunion illégale s’y déroulait. Un mandat de perquisition qui selon eux légitimait leur intrusion a été délivré deux heures plus tard ; il ne portait aucun numéro d’enregistrement et mentionnait un autre lieu – la résidence de Sinduhije – comme l’endroit à perquisitionner. Il portait comme chef d’accusation contre Sinduhije : « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Les policiers ont fouillé et confisqué plusieurs documents, dont l’un selon eux contenait « des éléments subversifs ». Ils ont procédé à l’arrestation de toutes les personnes se trouvant sur les lieux, dont des militants politiques, une réceptionniste et un chauffeur qui a été relâché par la suite.  
 
Lorsqu’une chercheuse de Human Rights Watch présente au moment de la perquisition et des arrestations a interrogé les policiers à propos des irrégularités, ceux-ci ont répondu qu’ils ne faisaient « qu’exécuter les ordres » donnés par le Commissaire de la police régionale, David Nikiza, qui avait délivré le mandat de perquisition.  
 
Interrogé au sujet de ces irrégularités, le porte-parole de la police, Pierre Chanel Ntarabaganyi, a répondu que le parti était lui-même illégal et que de ce fait la perquisition et les détentions consécutives étaient justifiées.  
 
Le ministre de l’Intérieur, Venant Kamana, a refusé d’enregistrer le MSD comme parti politique, prétextant qu’un parti ne peut pas inclure la « sécurité » parmi ses objectifs parce que la sécurité est du ressort exclusif de l’Etat.  
 
Mis en détention le 3 novembre, Sinduhije et les autres étaient toujours incarcérés dans plusieurs cachots de la ville au soir du 4 novembre, sans qu’aucune charge n’ait été officiellement retenue contre eux. Des policiers ont interrogé Sinduhije, en présence de son avocat, sur des déclarations contenues dans les documents confisqués et critiquant les politiques de développement du Président Peter Nkurunziza. Ils ont laissé entendre que pareilles déclarations pourraient entraîner une accusation « d’outrage envers le Chef de l’Etat ». Ils l’ont aussi interrogé sur ses tentatives pour recruter des membres du parti parmi les jeunes, dont certains anciens combattants de forces rivales au cours des 10 ans de guerre civile.  
 
Deux autres membres du MSD ont été arrêtés la semaine dernière dans la province de Cankuzo, l’un pour distribution présumée de cartes du parti, l’autre pour avoir en sa possession une de ces cartes.  
 
Ntarabaganyi, le porte-parole de la police, a dit à une chercheuse de Human Rights Watch que Sinduhije et les autres avaient été arrêtés pour avoir organisé une réunion non autorisée. Une ordonnance ministérielle promulguée début octobre 2008 exige que les partis politiques obtiennent une autorisation officielle pour tenir des réunions plutôt que d’informer simplement les autorités de leur intention de se réunir, comme c’était le cas auparavant. Le droit burundais n’exige pas des groupes autres que les partis politiques qu’ils obtiennent une autorisation pour des réunions.  
 
D’autres partis ont aussi été en butte au harcèlement. Depuis fin septembre 2008, la police a arrêté au moins 25 membres de l’UPD-Zigamibanga, parti opposé au CNDD-FDD. La plupart ont été arrêtés dans la province de Ngozi sur la base d’accusations de participation à une réunion non autorisée et ont été relâchés après avoir payé une amende, mais deux autres ont été incarcérés dans la province de Kayanza sur la base d’accusations d’insultes au Président Peter Nkurunziza après qu’ils aient critiqué sa politique en matière d’éducation au cours d’une conversation privée.  
 
La plupart des autorités locales aux niveaux des communes et des provinces sont des membres du CNDD-FDD. Avant même la promulgation de la nouvelle ordonnance, certains d’entre eux usaient de leur autorité ou de celle de la police pour faire obstacle aux réunions politiques ou pour interrompre les conférences de presse données par des partis de l’opposition tels que le Front pour la démocratie du Burundi (Frodebu), l’Alliance démocratique pour le renouveau (ADR) et le CNDD (parti différent du CNDD-FDD).  
 
Le Burundi a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ces deux traités exigent du Burundi qu’il protège pleinement le droit à ne pas être soumis à la détention arbitraire et le droit à la liberté d’association. Pour éviter la détention arbitraire, les personnes arrêtées parce que soupçonnées d’avoir commis un délit pénal doivent être informées des charges qui pèsent contre elles le plus rapidement possible, avoir accès à un avocat et à des visites, et être présentées rapidement devant une autorité judiciaire ayant le pouvoir d’ordonner leur mise en liberté.  
 
« Utiliser la police pour réduire la dissidence et décourager l’activité politique pacifique viole les droits des Burundais et affaiblit l’Etat de droit », a rappelé Alison Des Forges. « Les autorités devraient promptement relâcher Sinduhije et les autres personnes détenues arbitrairement, et permettre aux Burundais d’exercer pleinement leurs droits civils et politiques. »  

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