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RD Congo : Éviter une injustice flagrante

Des ONGs de droits humains affirment que la cour a bafoué les droits fondamentaux des accusés dans le procès pour le meurtre de Maheshe

Plusieurs organisations internationales et congolaises de défense des droits humains ont affirmé être très préoccupées par les violations des normes internationales en matière de procès équitable qui ont caractérisé le procès de quatre hommes accusés du meurtre du journaliste congolais, Serge Maheshe, et leur recours en appel. « Le procès devant un tribunal militaire et la procédure d’appel ont été marqués par une protection totalement inadéquate des droits les plus fondamentaux des accusés », ont déclaré Human Rights Watch, Amnesty International, Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (France) et une coalition de 18 groupes congolais de défense des droits humains, dans une déclaration commune publiée aujourd’hui. « Le procès pour le meurtre de Serge Maheshe a été caractérisé par des intimidations, des injustices et l’incapacité d’établir la vérité sur les faits qui se sont produits, » a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse à la division Afrique de Human Rights Watch. « La cour d’appel militaire semble bien disposée à répéter les erreurs flagrantes du tribunal de première instance qui a condamné les quatre accusés. » La semaine dernière, une cour d’appel militaire à Bukavu a mis fin à trois mois d’audience pour le procès en appel de quatre hommes condamnés pour le meurtre, le 13 juin 2007, de Maheshe, responsable de l’antenne de la radio Okapi à Bukavu, une radio soutenue par les Nations unies. La cour a annoncé qu’elle ferait connaître son verdict le 21 mai. En août 2007, un tribunal militaire a reconnu les quatre hommes coupables et les a condamnés à mort pour le meurtre de Maheshe. Deux de ces accusés, Serge Muhima et Alain Mulimbi, étaient des proches amis de la victime et étaient avec lui lorsqu’il a été tué. Deux autres hommes, Freddy Bisimwa Matabaro et Mughisho Rwezangabo (aussi connu sous le nom de Mastakila) ont initialement reconnu avoir commis le meurtre, impliquant les amis de Maheshe comme étant les instigateurs du crime. Ils sont ensuite revenus sur leurs aveux, affirmant qu’ils leur avaient été extorqués par les magistrats militaires sous la contrainte et avec la promesse d’une rémunération. Pendant tout le procès initial et celui en appel, la cour militaire n’a pas assuré le respect des droits des quatre accusés, notamment en empêchant leurs avocats d’interroger de façon approfondie les témoins, en les privant du temps nécessaire pour préparer leur défense et en refusant que soient traduites les procédures dans une langue maîtrisée par les accusés. Ces droits, essentiels à un procès équitable, notamment en appel, sont garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que le Congo a ratifié en 1977. Ainsi, à plusieurs occasions, le Président de la Cour d’appel a empêché les avocats d’interroger les témoins ou a insisté pour répondre lui-même aux questions. Les avocats de la défense n’ont pas eu la possibilité de mettre en évidence les omissions flagrantes de l’enquête, en particulier concernant le rôle possible des soldats du gouvernement dans le meurtre. Les accusés ont été interrogés en l’absence de leurs avocats et la cour ne les a pas informés de leur droit à rester silencieux. Une traduction en swahili n’a pas été mise à disposition à chaque étape du procès pour les deux accusés qui ne parlaient pas suffisamment bien le français, langue dans laquelle se sont déroulées les procédures. La traduction n’a souvent été offerte que lorsque ces personnes étaient directement interrogées. Au cours des audiences, les observateurs congolais et internationaux, ainsi que les avocats des accusés ont été menacés et harcelés. Un message écrit envoyé par téléphone aux observateurs affirmait : « Tu paieras cher de ton propre sang l’issue de ce procès que tu as tant discrédité » Un autre affirmait : « Vous êtes un cadavre vivant. » Les avocats de la défense ont reçu des messages leur déconseillant de poursuivre toute piste pouvant impliquer des soldats du gouvernement. La coalition de défense des droits humains s’interroge sur la compétence du tribunal militaire pour juger des suspects civils accusés d’infractions au droit commun, en violation de l’article 156 de la nouvelle constitution du Congo. Les organisations ont également exprimé leur opposition de principe à la peine de mort comme constituant, dans ce cas précis, une violation de la vie et un châtiment cruel, inhumain et dégradant. « L’injustice flagrante de ces procédures est un tort considérable infligé aux accusés et au système judiciaire congolais, » a déclaré Erwin van der Borght, directeur de la division Afrique d’Amnesty International. « Les observateurs ont la responsabilité de dénoncer les violations flagrantes des normes en matière de procès équitable et ne devraient pas être menacés parce qu’ils font leur travail. » A la fin des plaidoiries, le ministère publique a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve quant à la culpabilité des amis de Maheshe, Mulimbi et Muhima, et il a appelé la cour à se prononcer en faveur d’un acquittement. Il a demandé à la cour de maintenir la condamnation et la peine de mort pour les deux autres, sous le chef d’inculpation de « meurtre visant à faciliter un vol. » Selon le droit congolais, la partie civile a le droit de s’adresser à la cour. Un avocat représentant la veuve de Maheshe, Cathy Sangara, a demandé à la cour de maintenir la condamnation et la peine de mort contre les quatre hommes. Mais le 9 mai et lors d’un entretien antérieur à la radio, Sangara a désavoué son avocat. Elle a écrit à la cour demandant que les affirmations avancées par son avocat ne soient pas retenues parce qu’elle estime que des zones d’ombre significatives demeurent quant à la culpabilité des hommes condamnés. Le juge a refusé de prendre en considération la lettre, affirmant qu’il n’avait reçu qu’une photocopie, inacceptable pour être versée au dossier. Il a également interdit aux avocats de la défense de lire la lettre à haute voix à la cour ou de commenter cet envoi, comme l’exige le principe du contradictoire. Le 14 mai, l’Union européenne a exprimé sa préoccupation suite aux graves irrégularités observées pendant les audiences et aux menaces proférées à l’encontre des défenseurs des droits humains et des avocats. Elle a exhorté les tribunaux congolais à garantir aux accusés un procès équitable. Le 6 mars 2008, la mission des Nations unies de maintien de la paix au Congo, la MONUC a publié une critique détaillée des audiences en première instance et fournit de nombreux exemples attestant de l’absence d’équité dans les procédures. La coalition d’organisations de défense des droits humains a exprimé des inquiétudes quant à la gestion du cas Maheshe dès le début de l’affaire. Le procureur, la police et le tribunal n’ont pas enquêté de façon approfondie sur ce crime, s’appuyant essentiellement sur les confessions de deux des accusés, qui se sont ultérieurement rétractés. Ils n’ont pas examiné les allégations d’implication de soldats du gouvernement dans le meurtre. Ils ont également négligé des moyens d’investigation fondamentaux, notamment des analyses balistiques et une autopsie de la victime. Aucune vérification n’a été faite pour savoir si l’arme présentée à la cour comme étant celle du crime pouvait encore fonctionner ou si elle correspondait aux balles trouvées sur le lieu du crime. La cour n’a pas saisi l’offre d’expertise et d’équipement juridiques de la MONUC. « Les protestations congolaises et internationales contre le manque de respect des règles d’un procès équitable pendant le procès en première instance et celui en appel sont totalement justifiées, » a déclaré Van Woudenberg. « La mémoire de Serge Maheshe, qui a combattu toute sa vie pour la vérité, ne doit pas être salie par cette parodie de justice. » En observant le procès pour le meurtre de Maheshe, les organisations de défense des droits humains de la coalition sont exclusivement motivées par le respect des normes nationales et internationales en matière de procès équitable, par la recherche de la vérité et la lutte contre l’impunité pour les crimes commis contre des défenseurs des droits humains et des journalistes. Ce groupe d’organisations internationales et congolaises de défense des droits humains réunit : Amnesty International, Human Rights Watch, Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (France), et une coalition de 18 groupes congolaises de défense des droits humains.

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