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CPI/RDC : Un deuxième suspect accusé de crimes de guerre devra faire face à la justice à La Haye

La Cour devrait élargir le champ de son enquête afin de mettre en examen de hauts responsables de la région

(New York) - Bien que la seconde arrestation d'un accusé de crimes de guerre dans la situation en République démocratique du Congo (RDC) représente une avancée importante pour la Cour pénale internationale, le Procureur devrait poursuivre et élargir le champ de son enquête afin de mettre en examen les responsables politiques et militaires de la région des Grands Lacs qui ont soutenu les seigneurs de guerre locaux. 
 
Ce matin, la Cour pénale internationale (CPI) a levé les scellés dont faisait l'objet un mandat d'arrêt à l'encontre du Général Germain Katanga, l'ancien commandant de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), la branche armée de la milice Front nationaliste et intégrationniste (FNI). Le groupe, d'ethnie Lendu, est considéré responsable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis dans la région de l'Ituri au nord-est du Congo. Le mandat d'arrêt visant Germain Katanga énumère neuf chefs d'accusation, dont trois pour crimes contre l'humanité et six pour crimes de guerre, en relation avec son rôle dans des meurtres, des pillages, la réduction en esclavage sexuel, et l'utilisation d'enfants soldats pendant et après l'attaque du village de Bogoro. Katanga a été remis par les autorités congolaises hier et transféré à la CPI.  
 
« Nous nous félicitons des chefs d'accusation retenus à l'encontre de Germain Katanga, haut commandant d'une milice ethnique en Ituri, » a déclaré Param-Preet Singh, juriste dans le programme Justice Internationale à Human Rights Watch. « La FRPI, en collaboration avec le FNI, a commis des crimes atroces contre des civils d'ethnie Hema ainsi que contre d'autres civils. Les victimes méritent justice pour ce qu'elles ont subi. »  
 
L'arrestation de Katanga survient 18 mois après la remise et le transfert à la CPI de Thomas Lubanga, le premier accusé de la Cour et ancien chef de l'Union des patriotes congolais. Lubanga est accusé d'avoir procédé à la conscription, au recrutement, et à l'utilisation d'enfants soldats pendant le conflit en Ituri. Le procès de Lubanga devrait commencer au début de l'année prochaine et sera le premier dans l'histoire de la CPI.  
 
Lors d'un récent entretien avec un chercheur de Human Rights Watch, Katanga a révélé que sa milice avait bénéficié d'un soutien financier et militaire régulier de la part de hauts responsables à Kinshasa et en Ouganda. Il a également déclaré avoir participé à des réunions pendant lesquelles ce soutien était discuté. Ces allégations concordent avec d'autres informations recueillies par Human Rights Watch et avec la lettre publique de Floribert Njabu, président du FNI, publiée en février 2007, et dans laquelle il dénonce l'implication de hauts responsables du gouvernement.  
 
« Le procureur devrait également poursuivre les responsables politiques à Kinshasa, à Kampala et à Kigali qui ont armé et soutenu les milices actives en Ituri, » a affirmé Singh. « Si elle prétend vraiment aborder le problème de l'impunité au Congo, la CPI ne doit pas se limiter à mettre en examen des seigneurs de guerre locaux. »  
 
Katanga, Njabu et d'autres sont détenus en RDC depuis mars 2005. Ils ont été accusés de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité conformément à la loi congolaise, mais n'ont pas encore été jugés. Leur détention prolongée sans procès contrevient à la loi congolaise.  
 
« Les autorités congolaises doivent agir rapidement afin de traduire en justice ceux qui sont accusés de crimes internationaux, » a ajouté Singh. « Ceci implique non seulement une pleine coopération avec la CPI mais aussi de conduire des procès diligents et équitables pour les suspects actuellement détenus au Congo. »  
 
En avril 2004, le gouvernement de transition congolais a saisi la CPI des crimes commis sur son territoire. Le procureur a annoncé le 23 juin 2004 l'ouverture de l'enquête en RDC.  
 
Contexte  
 
Germain Katanga était un haut commandant militaire de la FRPI et du FNI, deux groupes armés étroitement liés et établis fin 2002 afin de promouvoir les intérêts de l'ethnie Lendu, l'une des principales ethnies de l'Ituri. Le FNI était principalement composé des Lendu du nord de l'Ituri, tandis que la FRPI comptait des ressortissants du groupe ethnique Ngiti, connus parfois comme les Lendu du sud. Katanga est Ngiti.  
 
Sous la direction de Floribert Njabu, le FNI s'est joint provisoirement à la FRPI afin de lutter contre l'Union des patriotes congolais, un groupe Hema que les Lendu considéraient comme leur ennemi. En 2004, suite à une lutte de pouvoir au sein de leur alliance, les deux groupes se sont séparés.  
 
Le FNI ainsi que la FRPI ont reçu des soutiens financiers et militaires de la part de l'Ouganda et, à partir de fin 2002, du gouvernement central à Kinshasa qui tentait de se trouver de nouveaux alliés dans l'est du Congo. Lors de leur occupation du Congo en 2003, les forces ougandaises ont mené des opérations militaires conjointes avec le FNI et la FRPI. En 2002 et 2003, le FNI et la FRPI ont également bénéficié d'entraînements et de soutiens militaires d'un groupe rebelle national, le RCD-ML, mené à l'époque par l'actuel ministre des Affaires Etrangères, Mbusa Nyamwisi.  
 
Depuis six ans, Human Rights Watch rassemble des centaines de témoignages afin de mieux documenter les violations des droits humains perpétrées par tous les groupes armés en Ituri, y compris celles commises par le FNI et la FRPI. Selon les témoins, Katanga a participé et dirigé en tant que commandant plusieurs massacres, dont ceux de Bunia, de Komanda et de Bogoro commis en 2002 et 2003. Il a ordonné, toléré ou participé personnellement aux massacres, aux meurtres, à la torture, aux viols, aux mutilations et au recrutement d'enfants soldats.  
 
En décembre 2004, le président Joseph Kabila a signé un décret qui nommait de nombreux chefs de groupes armés en Ituri aux postes de généraux dans l'armée congolaise. Katanga figurait parmi ceux nommés. Il n'a été procédé à aucun contrôle pour vérifier si Katanga convenait pour remplir ces fonctions. Après l'arrestation de Katanga par les autorités congolaises en mars 2005, le FRPI a poursuivi ses activités sous la direction de Cobra Matata, un proche collaborateur de Katanga. Le groupe a continué de commettre des violations graves des droits humains, y compris l'arrestation illégale et la torture de responsables locaux. Certains de ces responsables furent ensuite exécutés. Depuis 2006, la FRPI a accepté de désarmer et d'incorporer ses combattants dans l'armée nationale. Cobra Matata a été nommé au grade de colonel. Encore une fois, il n'a été procédé à aucun contrôle pour vérifier si Matata était acceptable pour remplir ces fonctions.

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