La crise politique au Zimbabwe a forcé des millions de personnes à fuir leurs maisons, a incité les autorités à commettre de nombreux abus et a isolé le pays du reste de la région - sa population étant littéralement impuissante à demander réparation.
La crise politique au Zimbabwe a forcé des millions de personnes à fuir leurs maisons, a incité les autorités à commettre de nombreux abus et a isolé le pays du reste de la région - sa population étant littéralement impuissante à demander réparation.
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Les journalistes étrangers sont rarement autorisés à entrer dans le pays. Human Rights Watch est l’une des rares organisations capables de brosser un tableau de la détérioration de la situation du pays. En outre, l’avenir de ce pays d’Afrique australe s’annonce morose.
Quelque trois millions de réfugiés zimbabwéens ont fui vers l’Afrique du Sud voisine, menaçant ainsi la stabilité de toute la région. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé, l’espérance de vie des Zimbabwéens est la plus courte au monde : elle a été divisée par deux en sept ans, passant de 69 ans en 2000 à 35 ans aujourd’hui. Le Programme alimentaire mondial indique que près de 4 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide alimentaire, et que le taux d’inflation au Zimbabwe, de l’ordre de 7 000 pour cent, est l’un des plus élevés au monde.
Ces données consternantes illustrent la chute du Zimbabwe, alors que ce pays était un pôle brillant de l’Afrique australe après son indépendance du régime colonial anglais. Mais malgré ces chiffres, la communauté internationale semble incapable de trouver une solution afin d’améliorer la situation. En outre, les statistiques, aussi mauvaises soient-elles, n’aident pas beaucoup le litigant à obtenir une réparation juridique, suite aux abus des autorités ou à l’incapacité électorale du gouvernement. C’est ce travail d’avocat qu’Arnold Tsunga a entrepris.
Arnold Tsunga, une « personne-clé » au Zimbabwe selon les chercheurs de Human Rights Watch, est le directeur exécutif de Zimbabwe Lawyers for Human Rights (Avocats zimbabwéens pour les Droits humains), une organisation qui représente les victimes de violations de droits humains et qui se bat pour le respect des droits humains devant les tribunaux zimbabwéens.
Au Zimbabwe, les dissidents politiques payent les lourdes conséquences des défaillances du système juridique.
C’est en 2002, après une prise de conscience, qu’Arnold Tsunga a décidé de tirer un trait sur sa carrière d’avocat d’affaires pour devenir un important défenseur des droits humains. Il se rendait chez un client, avec des collègues, quand, sur la route, une femme affolée a arrêté sa voiture. Alors qu’il parlait avec la femme, des soldats se sont approchés du groupe et ont commencé, sans explication, à frapper toutes les personnes à portée de main. Le groupe fut ensuite traîné jusqu’au bureau de police, et M. Tsunga et les gens qui l’accompagnaient ont été de nouveau battus. S’adressant au commandant du bureau de police, M. Tsunga demanda que quelqu’un endosse la responsabilité de cette brutalité délibérée.
Cependant, « en rentrant à la maison, j’ai réalisé qu’un avocat ne peut s’asseoir et se taire dans ce type d’environnement juridique défaillant », a-t-il expliqué. Dans l’après-midi, la vie d’Arnold Tsunga a pris un nouveau tournant. Contrairement à sa femme qui n’a pas été surprise par sa décision, ses collègues lui ont conseillé de faire marche arrière. « Ils pensaient que je commettais une grosse erreur », a rapporté M. Tsunga, lors d’un entretien téléphonique, depuis son bureau au Zimbabwe.
Mais ils n’ont pas réussi à dissuader Arnold Tsunga, qui a passé les quatre dernières années à réclamer justice pour les victimes du régime autoritaire de Robert Mugabe.
Dans un article publié dans le Wall Street Journal en 2006, M. Tsunga a expliqué ses motivations et son travail.« Après avoir travaillé pendant plusieurs années comme avocat d’affaires à Mutare, j’ai été enlevé, torturé et menacé pour la simple raison que je défendais des personnes qui se trouvaient sur la route de M. Mugabe. Mes collègues et moi avons été arrêtés et traînés devant les tribunaux, parce que nous tentions de répertorier les violations et de constituer des dossiers retraçant les mauvais traitements commis par le gouvernement. Certaines personnes me demandent pourquoi je m’entête à utiliser le système juridique quand je sais que les dés sont pipés. A leur question, je réponds qu’un semblant de système juridique est toujours en place et que certains juges courageux continuent de faire respecter la loi. Mais ils ne disposent que de très peu de liberté pour remplir leurs fonctions et ils ont besoin d’un grand soutien afin de continuer à faire ce qui est juste. »
En outre, M. Tsunga occupe le poste de secrétaire exécutif de la Société de droit du Zimbabwe, de président de l’Association zimbabwéenne pour les droits humains et de dépositaire d’une station de radio privée, « la Voix du Peuple ». Chacune de ces organisations a été visée et persécutée par le gouvernement du Zimbabwe. Arnold Tsunga craint que ces vagues d’oppression, qui ont déjà duré plus qu’il ne redoutait, puissent amorcer un regain de violence meurtrière.
« Je pensais qu’un certain retour à la normale s’opèrerait au Zimbabwe, après une période d’une ou deux années. Mais la capacité du gouvernement à persévérer est une véritable surprise », a déclaré M. Tsunga. « Si le pays continue sur cette lancée, une grave violence menace réellement de se répandre largement dans le pays », a-t-il prévenu.
Arnold Tsunga accuse directement M. Mugabe. « Robert Mugabe avait acquis beaucoup de crédibilité comme libérateur », a-t-il estimé. « Mais entre 2000 et 2002, nous avons réalisé que nous avions rationalisé ses tendances totalitaires. M. Mugabe est le principal responsable des abus systématiques qui sont perpétrés dans le pays. Il est maintenant le symbole du mal. » Pour Arnold Tsunga, c’est la capacité de M. Mugabe à « alimenter le mal » qui est vraiment choquante.
Mais il ne voit pas la politique comme un champ d’action pour sa bataille contre M. Mugabe. « Je n’ai pas d’ambitions politiques, mais j’ai un important sens du service communautaire », a-t-il confié. « Je suis motivé et non déprimé par ce qui se passe autour de moi. Plus le système tente d’humilier les défenseurs des droits humains, plus il essaie de voler la dignité des personnes, plus je suis motivé pour contribuer à changer la situation de ce pays. »
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