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Rwanda : Une cour d’appel confirme la peine prononcée contre un militant

Les juges n’ont pas tenu compte des preuves de la défense ni des erreurs commises par le tribunal d’instance inférieure

(New York) - Une cour d’appel a confirmé la peine de 19 ans d’emprisonnement prononcée contre un militant rwandais des droits humains suite à des accusations liées au génocide, se mettant ainsi en défaut de rectifier les erreurs commises par un tribunal d’instance inférieure qui a violé la loi rwandaise et les normes relatives au procès équitable, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

La cour, qui a rendu sa décision à l’encontre de François-Xavier Byuma le 18 août, fait partie d’un système judiciaire novateur connu sous le nom de gacaca, mis en place pour juger quelque 818 000 personnes accusées d’avoir participé au génocide de 1994 perpétré contre les Tutsis au Rwanda.

La loi qui a instauré la gacaca exige le désistement des juges qui, dans le passé, ont eu un conflit avec un accusé, reflétant le principe selon lequel pour qu’un procès soit équitable, le juge doit être indépendant et impartial. Lors de la procédure menée par le tribunal d’instance inférieure, le président de la juridiction gacaca, Fraridhi « Saudi » Imanzi, avait eu un conflit avec Byuma mais il ne s’est pas désisté lorsqu’il a été prié de le faire. Au lieu de cela, il a entrepris de juger l’affaire aux côtés de quatre autres juges.

« Pour que les tribunaux gacaca rendent la justice, les juges doivent être indépendants et impartiaux, et vus comme tels », a souligné Alison Des Forges, conseillère principale à la division Afrique de Human Rights Watch. « La cour d’appel est censée garantir cette indépendance et cette impartialité mais dans ce cas précis, elle semble avoir failli à cette obligation ».

Byuma, qui dirige une organisation de défense des droits des enfants connue sous le nom de Turengere Abana, avait enquêté antérieurement au sujet d’allégations selon lesquelles Imanzi avait violé une jeune fille. Imanzi avait été arrêté et interrogé pendant une courte période mais il n’a jamais été poursuivi pour viol.

Se fondant sur la déposition de témoins, le tribunal avait reconnu Byuma coupable, entre autres chefs d’accusation, de l’agression d’une Tutsie pendant le génocide. Au moins un des témoins avait pourtant déclaré, lors d’une déposition faite au tribunal il y a quatre ans, qu’une autre personne était coupable de l’agression.

La cour d’appel a autorisé Byuma à se défendre et à présenter le compte rendu d’audience établissant qu’un témoin à charge avait déclaré, lors d’une déposition antérieure, qu’une autre personne avait commis le crime. Byuma a également été autorisé à expliquer que certains des témoins à décharge qu’il souhaitait voir cités à comparaître n’avaient pas été entendus par le tribunal d’instance inférieure. Il a en outre fait valoir que le tribunal n’avait pas concilié les contradictions entre les éléments de preuve présentés. Après avoir entendu ces arguments, la cour d’appel a néanmoins décidé de confirmer le verdict de culpabilité rendu par le tribunal d’instance inférieure.

La cour d’appel n’a pas précisé les raisons de sa décision et elle n’a offert aucune explication mettant en lumière la façon dont elle avait concilié l’exigence d’impartialité avec le fait qu’un juge du tribunal d’instance inférieure avait, dans le passé, eu un conflit avec Byuma.

Byuma a annoncé qu’il présenterait une demande de réexamen de l’arrêt. Aux termes de la loi rwandaise, un réexamen de l’affaire n’est possible que lorsqu’un arrêt gacaca contredit un arrêt rendu par un tribunal ordinaire ou lorsque de nouveaux éléments de preuve sont mis au jour. Les sessions antérieures ont été enregistrées sur cassettes vidéo, simplifiant tout réexamen des audiences gacaca.

« Les gens font confiance aux tribunaux quand ils sont équitables et vus comme tels », a souligné Des Forges. « Lorsqu’une cour d’appel rend une décision qui ne se fonde sur aucun raisonnement et qu’elle semble ne tenir aucunement compte des preuves et des erreurs de procédure commises lors d’un procès antérieur, ce sont les efforts consentis pour instaurer l’État de droit au Rwanda qui en pâtissent. Les autorités gacaca devraient se servir des enregistrements vidéo disponibles pour procéder à un réexamen de l’affaire et faire en sorte que les procédures appropriées soient suivies ».

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