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Philippines: Des groupes extrémistes prennent les civils pour cible

Plus de 1 700 morts et blessés dans des attentats à la bombe et enlèvements

(New York, le 30 juillet 2007)- Depuis 2000, des groupes islamistes violents ont tué ou blessé plus de 1 700 personnes dans des attentats à la bombe et d’autres attaques aux Philippines, a annoncé Human Rights Watch dans un nouveau rapport et reportage photo parus aujourd’hui. Les attaques, principalement perpétrées à Mindanao, Basilan, Jolo et d’autres îles du sud, comprennent aussi des enlèvements, des exécutions et des fusillades.

Le rapport de 28 pages, intitulé « Lives Destroyed: Attacks on Civilians in the Philippines» (« Vies détruites: Attaques sur des civils aux Philippines »), contient des témoignages personnels et des photos de sites touchés par des attentats, ainsi que des photos de victimes d’attaques et de leurs proches. Le rapport décrit comment ces attaques ont tué des enfants, des parents, des maris, des femmes, et ont causé des souffrances terribles aux survivants blessés et à leurs proches. Le groupe Abu Sayyaf (ASG) et le mouvement Rajah Solaiman (RSM), basés dans le sud des Philippines, ont été impliquées dans la plupart des attaques ou les ont-elles-mêmes revendiquées.

« Les groupes extrémistes armés ont répandu la terreur parmi les populations civiles aux Philippines », a déclaré John Sifton, chercheur senior sur le terrorisme et le contre-terrorisme à Human Rights Watch. « Ils ont fait exploser des bus transportant des travailleurs, des marchés alimentaires où les gens faisaient leurs courses, des aéroports où des personnes attendaient leurs proches, et des ferries transportant des familles entières. »

Depuis 2000, le nombre de victimes a dépassé celui des personnes tuées et blessées dans des attentats à la bombe pendant la même période en Indonésie, pays voisin (y compris les attentats de Bali en 2002). Ce nombre est considérablement plus important que celui des personnes tuées et blessées dans des attentats au Maroc, en Espagne, en Turquie, ou Royaume-Uni. L’ampleur de cette violence n’a cependant pas bénéficié d’une forte attention en dehors de la région.

Human Rights Watch a reproché au gouvernement philippin de ne pas avoir poursuivi les personnes responsables des attaques. Bien que de nombreux suspects aient été arrêtés depuis 2000 en rapport aux attentats à la bombe, Human Rights Watch a constaté que peu d’entre eux avaient eu un procès dans les règles, et que les poursuites dans certains cas avaient été retardées pendant plus de quatre ans.

Human Rights Watch a également critiqué l’adoption récente d’une nouvelle loi sur le contre-terrorisme « The Human Security Act » (« Loi sur la sécurité humaine »). Cette loi contient des dispositions dangereuses et trop larges qui violent les normes en matière de droits humains et élargit le champ de compétence du gouvernement de sorte qu’il puisse détenir indéfiniment des personnes suspectées de terrorisme. Human Rights Watch a déclaré que la législation pénale existante était plus que suffisante pour poursuivre les actes de terrorisme.

« Les Philippines n’ont pas besoin d’une nouvelle loi abusive dans le cadre du contre-terrorisme », a ajouté Sifton. « Le gouvernement ne fait pas usage des lois dont il dispose déjà, donc pourquoi aurait-il besoin de nouvelles dispositions législatives qui violent les droits humains ? »

Le rapport de Human Rights Watch fournit de nouvelles informations persuasives au sujet de nombreuses attaques commises ces dernières années. Il contient par exemple des interviews avec des survivants de l’attentat du 27 février 2004 ayant visé le Superferry 14, le, qui voyageait entre Manille et Mindanao. La bombe qui explosa juste en dehors du port de Manille a tué au moins 116 personnes. Parmi les morts, on comptait 15 enfants, dont six avaient moins de cinq ans. Au moins 12 familles ont perdu plusieurs proches, et au moins 10 couples mariés ont péri ensemble. Six des enfants tués dans l’explosion faisaient partie d’une équipe d’étudiants envoyés par des écoles du nord de Mindanao pour participer à un concours de journalisme à Manille.

Le rapport détaille également les attentats de la « Saint-Valentin », le 14 février 2005, à Manille et dans deux villes de Mindanao. Human Rights Watch a interviewé Mark Gil Bigbig, un étudiant de 31 ans, qui déjeunait dans un restaurant de General Santos City lorsqu’une bombe explosa à l’extérieur : « On était surpris… les gens criaient, ‘c’est une bombe !’ J’ai regardé par terre, et je pouvais déjà voir mon sang couler à mes pieds, et puis je me suis écroulé par terre. » Bigbig a souffert de nombreuses blessures aux jambes dues aux éclats d’abus et de verre. Aujourd’hui encore, deux ans après l’attentat, il ne peut toujours pas marcher sans bandages orthopédiques, ni béquilles.

Le rapport explique à quel point les survivants ayant des blessures physiques minimes ont souffert. Par exemple, Aurelia Espera, victime d’une attaque en 2003, raconta en pleurs à Human Rights Watch avoir vu les corps de ses deux enfants, dont l’un fut décapité, et celui de sa belle-mère : « Je ne pourrai jamais oublier, j’ai vu mes enfants étendus sur la rue. »

Les membres des groupes ASG et RSM ont été impliqués dans bon nombre de ces attaques ou ont ouvertement revendiqué celles-ci. L’ASG est un groupe islamiste extrémiste dont les membres sont issus de l’éclatement dans les années 90 des groupes d’insurgés de l’ethnie Moro existant de longue date et basés principalement dans les régions musulmanes du sud des Philippines (« Moro » est un terme philippin signifiant « musulman »). Le RSM, un groupe composé de personnes converties à l’Islam, est proche de l’ASG. Il est présumé que ces deux groupes cherchent à chasser les chrétiens hors de Mindanao et des îles Sulu, et de « restaurer » la loi islamique aux Philippines.

« Abu Sayyaf et Rajah Solaiman on commis des crimes à grande échelle”, a déclaré Sifton. « Ils ont intentionnellement bombardé des civils, enlevé des travailleurs ordinaires et les ont décapités, et ont extorqué de l’argent à des petites entreprises. »

L’ASG et le RSM ont tous deux des liens avec des membres anciens ou actuels de Jemaah Ismamiyah (JI), le violent groupe islamiste indonésien responsable des attentats de Bali en 2002. Des responsables du gouvernement philippin soutiennent que des membres du Front de libération islamique Moro (MILF) et du Front de libération national Moro (MNLF) ont, ces dernières années, abrité ou assisté des membres du ASG, du RSM et de JI.

Depuis 2003, les dirigeants du MILF et du MNLF semblent avoir rompu en grande partie leurs liens avec JI , condamné les violences à l’égard des civils (et particulièrement les attaques du ASG et du RSM), et fourni une assistance active aux forces militaires philippines lors d’opérations menées contre ces trois groupes. L’armée américaine participe activement à ces opérations.

Human Rights Watch a dit aujourd’hui qu’il est probable que des commandants « voyous » du MILF et du MNLF, ainsi que des « commandants perdus », ont continué à abriter et à assister des membres du ASG, du RSM et de JI à plusieurs reprises ces dernières années.

Human Rights Watch a appelé le MILF et le MNLF à continuer de condamner les attaques armées menées par l’ASG, le RSM et JI contre des civils, et à continuer de travailler avec les autorités pour appréhender les personnes responsables de ces attaques violentes.

« Les dirigeants Moro méritent de la reconnaissance pour s’être distancés des groupes armés qui attaquent les civils », a déclaré Sifton. « Mais ils doivent garantir qu’ils contrôlent leurs propres membres ».

Human Rights Watch a déclaré aujourd’hui que l’échec du gouvernement à poursuivre les personnes suspectées d’attaques a contribué à nourrir une culture propice à créer des théories de complots aux Philippines, particulièrement dans le sud. Des dirigeants Moro sceptiques et d’autres responsables politiques de l’opposition ont adhéré aux accusations selon lesquelles le gouvernement était lui-même responsables des attaques – des allégations pour lesquelles Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve. Human Rights Watch a exhorté le Départment philippin de la Justice à relancer les poursuites et à tenir des procès justes et publics.

Human Rights Watch a également appelé les États-Unis et d’autres pays intéressés à fournir une assistance dans les négociations de paix qui sont actuellement en cours entre le gouvernement philippin et les dirigeants Moro, afin de s’assurer que les accords entre le gouvernement philippin, le MILF et le MNLF soutiennent et promeuvent le respect des droits humains, y compris la protection de la population civile.

« Afin de mettre un terme aux attentats, aux enlèvements et aux autres violences, les gouvernements étrangers doivent accentuer la pression sur les leaders philippins – aussi bien à Manille qu’à Mindanao – pour qu’ils s’attèlent plus fortement à la protection de la vie des civils », a conclu Sifton.

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