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Procès de Charles Taylor : En Afrique aussi, "le temps de l'impunité est fini"

Interview de Géraldine Mattioli, experte chez Human Rights Watch

Spécialiste des questions de justice internationale pour l'ONG américaine Human Rights Watch, Géraldine Mattioli souligne que Taylor est le premier dirigeant africain à passer en procès.

Le FIGARO. - Charles Taylor est le premier dirigeant africain à passer devant des juges. Pensez-vous que ce procès est à même de faire évoluer les moeurs politiques sur le continent ?

Géraldine MATTIOLI. - Le procès représente une rupture avec le passé. Jamais jusqu'alors un dictateur africain n'avait dû répondre de ses actes. Cela démontre la détermination de certains de ne pas laisser réitérer ces crimes dans le futur. On espère que cela servira de signal fort, que le temps de l'impunité est désormais fini. On souhaite aussi que ça permette de rétablir la confiance dans la justice et dans l'avenir pour ces pays d'Afrique de l'Ouest.

N'est-il pas curieux que Taylor, despote libérien, soit jugé pour des actes commis en Sierra Leone ?

Pour les victimes du Liberia, il y a malheureusement une triste ironie dans ce procès. Taylor est inculpé par une cour qui est née d'un accord entre le gouvernement de Sierra Leone et l'ONU. Cette cour n'est compétente que pour les crimes commis dans ce pays entre 1996 et 2002. Les crimes commis au Liberia ne seront donc pas pour l'heure punis, pas plus que ceux qu'ont connus la Guinée et la Côte d'Ivoire, même s'il n'y a pas de doute qu'ils mériteraient de l'être. Il y a actuellement des initiatives en ce sens au Liberia, comme la mise en place d'une commission vérité et réconciliation. Cela prendra sans doute du temps. Mais il ne faut pas oublier que les chefs d'inculpation retenus contre Taylor comme le crime de l'humanité, l'enrôlement d'enfants soldats, l'esclavage sexuel sont très graves. L'accusation n'est certes que partielle, mais elle est représentative de ce que Taylor a commis dans son propre pays.

N'y a-t-il pas un risque en organisant ce procès à La Haye, sans trop évoquer les implications occidentales, qu'il soit ressenti en Afrique comme un jugement de « blancs » à l'égard d'un dirigeant « noir » ?

Je n'ai jamais été favorable à ce que les débats se tiennent à La Haye. Je peux comprendre les motifs de sécurité invoqués par le procureur pour siéger aux Pays-Bas. Mais cette délocalisation apporte aussi beaucoup d'inconvénients, dont le risque de voir ce procès perçu comme celui organisés par des étrangers. C'est pourtant très loin d'être le cas. Le tribunal spécial pour la Sierra Leone a des cours hybrides avec des magistrats internationaux et sierra-léonais. Ce n'est pas un tribunal européen.

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