(New York) - La police et les autorités judiciaires rwandaises doivent garantir une application rapide et efficace de la loi pour traiter les meurtres récents de participants au système judiciaire pour le génocide connu sous le nom de gacaca, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.
Le rapport de 20 pages : « Meurtres dans la partie est du Rwanda, » décrit de façon détaillée deux incidents survenus fin novembre au cours desquels 13 personnes ont été tuées. Le 19 novembre, Frédéric Murasira, rescapé du génocide, a été tué au centre commercial de Mugatwa dans l’est du Rwanda. Dans les heures qui ont suivi, des habitants d’un village voisin où résident des rescapés du génocide ont tué huit habitants de Mugatwa qui n’avaient apparemment joué aucun rôle dans le meurtre. Au nombre des victimes se trouvaient des enfants de trois, six, huit et 13 ans, ainsi que deux femmes et un homme de 70 ans. Un suspect s’est rendu à la police et a été arrêté pour le meurtre de Murasira, et plusieurs autres personnes ont été détenues pour les meurtres commis en représailles.
« Les meurtres de rescapés du génocide coûtent des vies humaines et sont une menace pour l’exécution de la justice, » a déclaré Alison Des Forges, conseillère principale pour l’Afrique à Human Rights Watch. « La façon de traiter cette menace, c’est une application rapide et efficace de la loi, et non des meurtres commis en représailles. Ceux-ci ont été rares dans le passé, mais s’ils deviennent plus fréquents, ils pourraient encourager un nouveau cycle de violence. »
Les juridictions gacaca, créées pour poursuivre les crimes commis au cours du génocide de 1994, ont jugé des suspects dans tout le Rwanda depuis le mois de juillet. Depuis lors, les groupes de rescapés ont lancé des avertissements à propos des agressions contre des rescapés et des témoins.
Le suspect dans le meurtre du rescapé du génocide, après avoir été emprisonné sur la base d’accusation de génocide, a été provisoirement relâché dans l’attente de son procès devant une juridiction gacaca. L’oncle de la victime est un juge gacaca qui se serait semble-t-il apprêté à faire de nouvelles accusations contre le suspect.
Des autorités rwandaises ont dit que 16 rescapés du génocide avaient été tués en 2005 et sept en 2006. Mais les groupes de rescapés évaluent leur nombre à une vingtaine par an au cours des dernières années.
Dans un second incident, un juge gacaca a été tué dans le district de Rwamagana le 23 novembre. La police a rapidement arrêté trois suspects. L’un d’entre eux, demi-frère de la victime, aurait tenté sans succès de convaincre le juge assassiné d’abandonner les charges de génocide qui pesaient contre lui.
La police a tiré sur les trois suspects et les a tués le soir même de leur arrestation. Selon les autorités de police, les policiers auraient agi en état de légitime défense au cours d’une tentative de fuite avortée. Les indices relevés sur les lieux et les déclarations des témoins font penser que les trois hommes ont pu être victimes d’une exécution extrajudiciaire. Une enquête de police sur ces morts qui a semble-t-il innocenté les policiers laisse un certain nombre de questions non résolues.
« Une enquête efficace et indépendante sur ces morts des detenus est essentielle, » a déclaré Des Forges. « Dans toute société, les morts survenues sous la garde de représentants des forces d’ordre doivent être soumises à l’examen le plus minutieux. Les policiers tout comme les citoyens doivent rendre compte des crimes qu’ils auraient commis. »