La condamnation en Russie d’un défenseur des droits de l’homme qui avait mis en lumière les violations commises en Tchétchénie est une entorse inacceptable à la liberté d’expression.
Le 3 février, un tribunal de Nijni-Novgorod a condamné Stanislav Dmitrievski, Président de l'association d'amitié russo-tchétchène et rédacteur en chef du journal de l’organisation Pravozachtchita, à deux ans de prison avec sursis sur la base d’une accusation d’ « incitation à la haine raciale ». Ces accusations découlent de la publication par Pravozachtchita de deux déclarations faites par les chefs rebelles tchétchènes Aslan Maskhadov et Ahmed Zakaev.
« Le procès de l’Etat contre Dmitrievski était politiquement motivé. Il devrait donc être disculpé, » affirme Holly Cartner, Directrice de la division Europe et Asie Centrale à Human Rights Watch. « La liberté d’expression est réellement en danger en Russie, et le procès contre Dmitrievski envoie un message très clair aux journalistes et aux défenseurs des droits de l’homme à travers toute la Russie, un message qui dit qu’il peuvent être poursuivis pour avoir fait leur travail. »
Human Rights Watch a eu accès aux deux déclarations qui ont motivé ces poursuites et n’y a rien trouvé qui soit contraire au droit international. Pravozachtchita a en effet publié dans son numéro d’avril-mai 2005 une déclaration de Mashkadov, le chef des rebelles tchétchènes qui fut plus tard assassiné par les forces russes. Cette déclaration appelait la communauté internationale a jouer le rôle de médiateur dans des négociations afin de mettre un terme au conflit. Dans un autre numéro, le journal a publié une déclaration par le représentant de Mashkadov, Zakaev, qui demandait instamment aux russes de ne pas réélire le Président Vladimir Poutine, sous-entendant que cette guerre était dans son intérêt.
Le procureur a initialement accusé Dmitrievski d’appels publics à des activités extrémistes, mais son bureau a ensuite requalifié les charges en « incitation à la haine ou l’inimitié ethnique, raciale et religieuse » (article 282 (b) du code pénal russe).
Dmitrievski a affirmé qu’il ferait appel de cette condamnation.
La condamnation de Dmitrievski s’inscrit plus largement dans un regain d’autoritarisme en direction de la société civile en Russie, notamment en ce qui concerne les organisations non-gouvernementales (ONG) qui reçoivent un financement étranger ou travaillent sur des problèmatiques sensibles.
Le gouvernement a commencé à harceler systématiquement les ONG travaillant sur les problèmes liés à la Tchétchénie après que Poutine aie fait preuve d’une grande virulence envers les ONG dans son discours sur l’Etat de la Nation de 2004. Depuis, les officiels n’ont cessé de lancer des procès sur la base de charges pénales douteuses contres les activistes, les menaçant, cherchant à faire fermer les ONG ou refusant de les enregistrer, et d’intimider les victimes qui osaient s’exprimer.
L’association d’amitié russo-tchétchène, qui a pour but d’éveiller les consciences concernant les violations des droits de l’homme en Tchétchénie et aide les victimes à obtenir réparation, avait subi de nombreuses pressions l’année dernière, quand le département de la justice de Nijni-Novgorod essaya sans succès de la liquider. Le fisc de Nijni-Novgorod réclamait 1 million de roubles de la part de l’organisation (environ 30 000 euros) en taxes impayées sur une subvention, que l’inspecteur a appelé « un profit ». L’organisation conteste ces accusations.
La condamnation de Dmitrievski à été prononcée la même semaine que la fermeture par le Ministre de l’intérieur russe, de l’ONG russe PEN Center, qui œuvre pour la liberté d’expression, fermeture effectuée sur la base d’accusations de taxes impayées. Les comptes en banque de l’ONG ont également été gelés. Le 27 janvier, une cour d’arbitrage moscovite déclara que le PEN Center russe devait au fisc l’équivalent de 125 000 euros de taxes impayées sur la location de ses bureaux.