L’armée congolaise doit empêcher toute violence supplémentaire entre ses factions rivales qui a causé des pertes civiles non nécessaires, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Hier, les forces de sécurité dans la ville de Goma, à l’Est du pays ont tiré au mortier contre des soldats basés dans un quartier très peuplé, tuant deux enfants et blessant 10 autres civils.
La violence entre les factions de l’armée survient à un moment où les forces de sécurité dans tout le pays sont en état d’alerte depuis plusieurs semaines. Les partis d’opposition ont appelé à des manifestations massives pour forcer le gouvernement congolais de transition à se retirer le 30 juin, à la date limite initialement fixée en 2003 par l’Accord de Sun City.
Dans les villes du pays, les forces de sécurité ont répondu aux manifestations en ayant recours à une force qui n’était pas nécessaire, tuant au moins quatre manifestants. Les partis d’opposition affirment que 24 manifestants ont été tués.
Hier à Goma, la police militaire a fait usage d’une force non sélective et disproportionnée en tentant de désarmer l’escorte du chef d’état major de la région militaire. La police militaire a tiré au mortier en direction de la maison du chef d’état major, située dans un quartier très peuplé. Deux jeunes enfants ont été tués dans une maison voisine et 10 autres civils ont été blessés dont cinq enfants, deux d’entre eux sont dans un état critique. Plusieurs habitations ont été endommagées lors des échanges de feu qui ont duré une heure pendant laquelle les deux parties ont tiré de façon répétée avec des fusils d’assaut.
« Les soldats ont tiré au mortier sur un quartier résidentiel très peuplé, » a déclaré Alison Des Forges, conseillère à la Division Afrique de Human Rights Watch. « Le gouvernement congolais doit enquêter sur ce recours à une force non sélective et disproportionnée et traduire cette affaire en justice. »
A Goma, la branche locale du principal parti d’opposition a annulé une marche prévue hier, redoutant que les forces opposées à la paix ne s’accaparent cette manifestation pacifique. Cependant, les mesures spéciales de sécurité sont restées en place dans la ville, ajoutant à la tension existante entre les différentes factions de l’armée.
L’échec à intégrer des douzaines d’anciens groupes armés dans une armée nationale véritablement unifiée fait peser une menace majeure sur le processus de transition au Congo. A Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, la police militaire et l’escorte du chef d’état major sont issus de factions qui étaient opposées les unes aux autres lors de la guerre du Congo. En décembre, au moins 100 civils ont été tués et des dizaines de femmes et de filles violées au Nord-Kivu, au cours des combats entre les mêmes factions.
Pendant des mois, les partis d’opposition ont appelé à des manifestations le 30 juin, puisant dans l’insatisfaction populaire liée à la lenteur avec laquelle sont planifiées les élections et d’autres tâches critiques à l’ordre du jour du gouvernement de transition.
Ailleurs dans le pays, les actions de protestation prévues par l’opposition ont pu être mises en oeuvre mais ont été rapidement écrasées par les forces de sécurité. Dans la capitale congolaise, Kinshasa, les forces de sécurité ont tué au moins deux manifestants hier. Le principal parti d’opposition a affirmé que 10 personnes avaient été tuées. La police avait érigé des barricades autour de la ville pour empêcher le mouvement des manifestants. Un observateur international a vu la police poursuivre un petit groupe de manifestants non armés et leur tirer dessus alors qu’ils avaient déjà été dispersés par des gaz lacrymogènes. Environ 450 manifestants ont été arrêtés. A Tshikapa, dans la province du Kasai oriental, les partis d’opposition ont affirmé qu’au moins six manifestants avaient été tués hier.
Le 25 juin, des patrouilles mixtes de la police et de l’armée ont tué quatre manifestants à Mbuji-Mayi, la capitale de la province du Kasai occidental et bastion du principal parti d’opposition. Selon les observateurs des Nations unies, les forces de sécurité ont eu recours à une force disproportionnée contre des manifestants non armés. Dans la nuit de mercredi, deux autres personnes au moins ont été tuées à Mbuji-Mayi et neuf personnes ont été blessées.
« Les événements autour du 30 juin mettent en évidence que la violence et les abus contre les droits humains sont encore possibles pendant la période pré-électorale au Congo, » a déclaré Des Forges. « Le gouvernement congolais et les forces de sécurité portent la responsabilité finale en matière de prévention de la violence. Les forces de sécurité ne doivent pas avoir recours à une force disproportionnée lorsqu’elles répondent aux manifestations de civils non armés. »
Les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois exigent que les responsables de l’application des lois, dans l’exercice de leurs fonctions, évitent autant que possible d’avoir recours à la force. Lorsque le recours à la force est inévitable, les responsables de l’application des lois en useront avec modération et leur action sera proportionnelle à la gravité de l’infraction. L’usage des armes à feu contre des personnes n’est possible que dans certaines circonstances afin de préserver des vies humaines. L’objectif légitime doit être atteint avec le minimum de dommages et de victimes et en respectant le principe de préservation de la vie humaine.
Dans certaines villes, des manifestations et des marches anniversaires ont eu lieu sans incident violent. L’anniversaire du 30 juin marque les deux ans du processus de transition congolais ainsi que les 45 ans de l’indépendance du pays.