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Il faut arrêter tous les chefs miliciens d’Ituri

La semaine dernière, le président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila a fait assigner à résidence à Kinshasa quatre chefs miliciens bien connus. Ces hommes sont accusés par les Nations Unies d’avoir planifié l’assassinat, dix jours plus tôt, de neuf soldats de maintien de la paix en Ituri, district du nord-est de la RDC livré à l’anarchie. Si ces assassinats sont choquants, il est encore plus odieux que ces responsables n’aient pas été arrêtés auparavant pour le massacre de dizaine de milliers de civils congolais.

Parmi les individus assignés à résidence figure Floribert Njabu, leader des FNI, un groupe armé accusé d’avoir tué les Casques bleus bangladais, ce qui nécessitera une enquête plus poussée. Quelles que soient cependant les conclusions de cette enquête, il est clairement établi que le FNI s’est rendu coupable, depuis 1999, de milliers de meurtres brutaux en Ituri. J’ai récemment enquêté sur une de ces attaques, perpétrée en 2003 dans la localité de Fataki. Les miliciens avaient alors spécifiquement visé les civils Hema, abandonnant le corps de certaines de leurs victimes dans les rues de la ville, les mains liées, des bâtons enfoncés dans le rectum et certaines parties du corps, les oreilles par exemple, mutilées.

De leur côté, les miliciens Hema de l’UPC, dirigés par Thomas Lubanga, ont également commis de terribles atrocités. Dans la riche ville aurifère de Mongbwalu et les villages alentours, ils ont massacré quelque 800 civils en 2002 et 2003, s’en prenant plus particulièrement aux citoyens Lendus. Après les combats, les miliciens UPC ont fouillé les maisons une à une à la recherche de civils Lendus qui furent arrêtés, torturés puis exécutés. Dans l’un de ces massacres, dans la localité de Kilo, les miliciens Hema ont tué leurs victimes Lendu – dont des femmes et des enfants – à coups de marteau sur la tête.

A-t-on réclamé justice pour ces crimes? Plus de 60.000 personnes ont été tuées dans le seul district de l’Ituri depuis 1999. Au lieu d’être punis pour ces atrocités, les principaux dirigeants des groupes armés d’Ituri ont été promus. En janvier, le président Kabila a élevé six de ces leaders d’Ituri au rang de général de la nouvelle armée congolaise. Ces promotions concernent Jérôme Kakwavu, Floribert Kisembo, Bosco Taganda et Germain Katanga, tous responsables notoires de groupes armés qui ont ordonné, toléré ou participé aux massacres de civils. Trente-deux autres miliciens issus de groupes armés responsables de violations massives des droits humains sur des civils doivent être prochainement promus commandants ou colonels. Le message est clair : commettre des atrocités sur les civils aide à décrocher une promotion au Congo.

L’assignation à résidence, la semaine dernière, de Lubanga et de Njabu et de deux nouveaux généraux Lendu pour l’assassinat des Casques bleus de l’ONU aura au moins apporté une lueur d’espoir en laissant penser qu’il peut y avoir un prix à payer pour de telles atrocités. Mais cette assignation se résume, pour ces criminels de guerre, à profiter du confort du Grand Hôtel de Kinshasa. Ils n’ont pour l’heure été inculpés d’aucun crime, ni officiellement mis en état d’arrestation. Et d’autres responsables militaires qui ont pris part aux massacres de civils congolais, mais ne sont pas suspectés du meurtre des soldats de l’ONU, sont toujours en liberté. De quelle justice parle-t-on ?

Devons-nous conclure de l’attitude du président Kabila que les vies des soldats de l’ONU ont davantage de valeur que celles des citoyens congolais ? La RDC a besoin de justice pour reconstruire sa société brisée. Le président Kabila doit agir maintenant et ordonner immédiatement des enquêtes et l’arrestation de tous les leaders de groupes armés installés au Grand Hôtel de Kinshasa et impliqués dans le massacre de civils. Pas seulement de ceux qui pourraient avoir tué des soldats sous mandat de l’ONU. Les familles des Casques bleus bangladais tués en Ituri méritent que justice leur soit rendue. Il en va de même pour les citoyens de RDC.

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