La semaine dernière, les talibans ont ordonné l'interdiction d'Internet dans plusieurs provinces du nord de l'Afghanistan. Le 30 septembre, ils ont complètement coupé l'accès à Internet, tant mobile que par fibre optique, dans tout le pays.
Les talibans affirment que cette interdiction vise à « prévenir l'immoralité ». En Afghanistan, les autorités utilisent depuis longtemps le prétexte de la « moralité » comme un outil d'oppression appliqué principalement envers les femmes et les filles, qui sont traditionnellement considérées comme les garantes de la dignité, de la fierté et de l'honneur de leur famille. Les femmes et les filles afghanes ont été définies essentiellement dans le cadre de leur relation aux hommes : en tant que mère, sœur, épouse ou fille d'un homme. Lorsque les talibans parlent d'« immoralité », cela signifie souvent pour eux une « immoralité » causée, perçue ou encouragée par les femmes, ou parfois la corruption de certains hommes provoquée par des femmes.
L'interdiction d'Internet est un nouveau moyen pour les talibans de contrôler les femmes et les filles. Depuis leur prise de contrôle de l'Afghanistan en août 2021, les talibans ont déjà sévèrement restreint l’accès des femmes aux espaces physiques ou elles pourraient exprimer une résistance, qu’il s’agisse des rues, des universités ou des lieux de travail.
En conséquence, les femmes qui ont accès à Internet s'en servent pour résister à ce que de nombreux experts appellent « l'apartheid de genre » imposé par les talibans. Les militantes utilisent Internet pour documenter les abus et entrer en contact avec d’autres activistes à l'étranger, alors que la communauté internationale accorde moins d’attention aux abus.
L’Internet offre également aux filles et aux femmes un moyen de poursuivre leur éducation, les talibans leur ayant interdit de poursuivre leur scolarité au-delà de la sixième année. Pour beaucoup d’entre elles, la perte d’accès aux cours en ligne est une source d'immense détresse. Les organisations qui proposent des cours en ligne craignent que les élèves et étudiantes afghanes ne perdent ainsi leur dernier moyen d'accéder à l'éducation, et de maintenir un contact avec le monde extérieur.
Une amie que j’ai connue au lycée, « Meena » (pseudonyme), gérait jusqu’à récemment un site de vente de vêtements en ligne en Afghanistan. « Les talibans imposeraient un apartheid numérique de genre, s'ils trouvaient un moyen de couper l'accès à Internet uniquement pour les femmes », m'a-t-elle dit la semaine dernière. Meena a ajouté que la perte d'accès à Internet lui ferait perdre des sources de revenus essentielles, nuirait à son autonomie et à son identité, et couperait ses liens avec d’autres personnes en Afghanistan, ainsi qu’à l'étranger.
Je n'ai pas réussi à joindre à nouveau Meena depuis que les talibans ont complètement déconnecté le pays.
Les coupures d’Internet imposées par les talibans ne visent pas seulement à contrôler politiquement la société afghane ; elles reflètent également un acte délibéré d'autoritarisme patriarcal. Elles nuisent aux femmes et aux filles qui étaient déjà systématiquement réduites au silence, sapant davantage encore leur capacité à étudier ou à percevoir un revenu ; elles ébranlent leur sentiment d'identité et d'appartenance à une communauté, et toute possibilité de mobiliser la résistance féministe.
Les talibans devraient d’urgence de lever leur interdiction d’Internet, qui constitue lien vital des Afghanes avec le monde extérieur.
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