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Afghanistan : La réduction de l’aide et les abus des talibans compromettent la santé des Afghans

Pour répondre aux besoins, il est essentiel de s’attaquer à la crise économique et aux violations persistantes des droits humains

Une femme afghane tenait son jeune fils âgé d'un an, qui avait failli mourir de malnutrition, à l'hôpital de Mirbacha Kot, en Afghanistan, le 24 octobre 2021. © 2021 AP Photo/Bram Janssen
  • La réduction de l’aide étrangère a gravement nui au système de santé afghan, et a exacerbé la malnutrition et les maladies résultant de soins médicaux inadéquats.
  • Les restrictions imposées par les talibans aux femmes et aux filles ont entravé leur accès aux soins de santé, portant atteinte à leur droit à la santé ; les interdictions en matière d’éducation mèneront à une pénurie de personnel de santé féminin à l’avenir.
  • Les envoyés spéciaux qui se réuniront à Doha le 18 février 2024 devraient condamner les abus commis par les talibans, tout en soutenant l’apport de fonds destinés au système de santé et aux services essentiels tels que les banques, la gestion de l’eau et l’électricité.

(New York) – La forte réduction de l’aide étrangère au système de santé publique afghan, ainsi que les graves abus commis par les talibans à l’encontre des femmes et des filles, ont fragilisé le droit à la santé de millions de personnes afghanes, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. La crise des soins de santé a rendu la population afghane de plus en plus vulnérable à la malnutrition et aux maladies graves.

Le rapport de 38 pages, intitulé « “A Disaster for the Foreseeable Future”: Afghanistan’s Healthcare Crisis » (« “Un désastre pour les années à venir” : La crise des soins de santé en Afghanistan »), décrit comment l’effondrement de l’économie afghane après la prise du pouvoir par les talibans en août 2021 a gravement endommagé les infrastructures de santé du pays. Les décisions des donateurs de réduire l’aide humanitaire ont encore affaibli l’accès aux soins de santé, déstabilisé l’économie et aggravé l’insécurité alimentaire, tandis que politiques et pratiques abusives des talibans ont considérablement exacerbé la crise. L’interdiction de l’éducation pour les femmes et les filles a bloqué la plupart des formations destinées aux futures travailleuses du secteur de la santé, ce qui mènera à une pénurie de personnel dans ce secteur dans un avenir proche.

« La réduction de l’aide étrangère au développement, ainsi que les violations des droits par les talibans en Afghanistan, ont provoqué une crise sanitaire catastrophique qui touche de manière disproportionnée les femmes et les filles », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch. « Les talibans ont sévèrement entravé la capacité des femmes à fournir des soins de santé ou à y accéder elles-mêmes, tandis que le coût des traitements et des médicaments met les soins hors de portée de nombreux Afghans. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec des responsables de l’aide humanitaire afghans et étrangers, des professionnels de santé et des personnes à la recherche de soins dans 16 des 34 provinces d’Afghanistan entre février 2023 et janvier 2024.

Lors de la réunion d’envoyés spéciaux de plusieurs clés organisée par les Nations Unies et qui se tiendra le 18 février, les gouvernements devraient faire pression sur les dirigeants talibans pour qu’ils mettent fin aux restrictions qui entravent l’accès de la population aux soins de santé, notamment les interdictions qui concernent l’éducation et l’emploi des femmes. Les envoyés spéciaux devraient également s’attaquer aux problèmes structurels qui ont miné la stabilité économique de l’Afghanistan, notamment ceux qui touchent à la gestion de l’eau, à l’approvisionnement en électricité et au système bancaire.

Au cours des deux dernières décennies, le gouvernement afghan a dépendu de l’aide internationale au développement fournie par les donateurs pour financer des services essentiels tels que les soins de santé primaires, même si les Afghans payaient de leur poche la majeure partie de leurs frais de santé. La contribution du précédent gouvernement au système public de soins de santé primaires était négligeable, ce qui a rendu le système vulnérable et l’a placé au bord de l’effondrement une fois que l’aide s’est tarie. De leur côté, les autorités talibanes n’ont alloué que peu de fonds aux soins de santé, et les organisations humanitaires se sont efforcées de combler le vide en raison des réduction de financement qui menacent ce secteur vital.

Si les Afghans vivant dans la pauvreté ont toujours eu des difficultés à accéder aux soins de santé en raison de leur coût, un nombre croissant d’entre eux ont aujourd’hui du mal à payer pour se nourrir et sont souvent incapables de prendre en charge le prix des médicaments et des transports pour se rendre là où sont délivrés les services de santé.

Un homme de 54 ans qui souffre d’une infection rénale a déclaré : « Depuis que les talibans ont pris le pouvoir, le prix de mes médicaments a presque doublé. C’est trop pour quelqu’un qui n’a pas de travail ».

Les Nations Unies estiment que 23,7 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population afghane, auront besoin d’une aide humanitaire en 2024. Si les agences humanitaires apportent une aide vitale, elles ne peuvent remplacer tous les services essentiels qui dépendaient auparavant du soutien des donateurs.

Comme l’a déclaré un responsable de Mercy Corps en septembre 2023, « la réponse humanitaire en Afghanistan ne peut tout simplement pas suivre le rythme de l’aggravation de la situation du pays ».

L’interdiction par les talibans de l’emploi des femmes au sein des agences humanitaires a aggravé la crise, en créant des obstacles supplémentaires à la fourniture équitable de l’aide et en privant les femmes et leurs familles de revenus. Les règles strictes concernant le hijab et le mahram (tuteur masculin) ont empêché les femmes de se déplacer pour travailler ou se faire soigner.

Un médecin de Samangan a déclaré : « Les talibans nous ont demandé de ne traiter aucune patiente qui n’est pas accompagnée d’un mahram ou qui ne porte pas un hijab intégral ».

Les personnes handicapées sont parmi les plus touchées par la crise des soins de santé en Afghanistan. En raison de décennies de conflit et de soins de santé maternelle médiocres, l’Afghanistan compte l’une des plus importantes populations de personnes handicapées au monde. L’insuffisance de l’aide a fait en grande partie disparaître les rares services destinés aux personnes handicapées, notamment ceux qui concernent la réadaptation physique et le soutien à la santé mentale.

Un conseiller basé à Kaboul a déclaré que « même avant la prise de pouvoir par les talibans, il y avait peu de donateurs pour fournir des services de santé mentale dans les grandes villes. Aujourd’hui, la plupart de ces services ont disparu, alors que les gens en ont encore plus besoin ». Les politiques restrictives imposées par les talibans entravent encore davantage l’accès aux services pour les femmes et les filles handicapées.

« La crise économique sans précédent que traverse l’Afghanistan place des millions de personnes dans des conditions qui mettent leur vie en danger », a déclaré Fereshta Abbasi. « La situation exige plus qu’une aide humanitaire d’urgence, elle requiert des efforts durables pour éviter un nouveau déclin économique et soulager les immenses souffrances de la population afghane ».

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