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COP28 : L’accord sur les combustibles fossiles ne tient pas compte de l’urgence

Les gouvernements devraient prendre des mesures urgentes à l’égard du climat et protéger les droits

Le complexe d’Al-Ruwais, aux Émirats arabes unis, comprenant une raffinerie et des usines pétrochimiques. Une flamme était visible au-dessus d’une torchère où brûlaient des gaz résiduaires, le 14 mai 2018. © 2018 Christophe Viseux/Bloomberg via Getty Images

(Beyrouth, 14 décembre 2023) – La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, COP28, a finalement abouti à la reconnaissance de la nécessité d’une transition hors des énergies fossiles, mais sans parvenir à un consensus sur un engagement clair assorti de délais pour l’élimination des combustibles fossiles, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch ; or, ceux-ci sont le principal moteur de la crise climatique.   

« Le fait que les combustibles fossiles soient enfin cités dans le communiqué final d’une conférence COP est une reconnaissance tardive que ce secteur est le principal facteur responsable de la crise climatique », a déclaré Richard Pearshouse, directeur de la division Environnement et droits humains de Human Rights Watch. « Toutefois, les gouvernements ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur un engagement urgent et assorti de délais, dont le monde aurait besoin pour faire face à la crise climatique et protéger les droits humains. »

Le texte de l’accord publié par Global Stocktake, l’un des résultats les plus importants de cette conférence, invite les pays à amorcer la « transition hors des énergies fossiles », mais il ne va pas jusqu’à les engager à abandonner les combustibles fossiles et comprend d’importantes lacunes, qui permettent au secteur des énergies fossiles de continuer à polluer. Si c’est la première fois, depuis l’adoption de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques il y a trente ans, qu’une décision mentionne explicitement les « combustibles fossiles », le texte est loin d’être suffisant, au vu de ce qu’il est nécessaire de faire pour limiter le réchauffement climatique à une augmentation de 1,50 C et éviter les pires effets de la crise climatique, a déclaré Human Rights Watch.

Les combustibles fossiles sont le principal moteur de la crise climatique et peuvent engendrer de graves violations des droits humains, à tous les stades de leur exploitation. Les communautés en première ligne en font les frais depuis longtemps. Éliminer les énergies fossiles est un impératif au regard des droits humains, a déclaré Human Rights Watch. L’Agence internationale de l’énergie reconnaît qu’il ne peut y avoir de nouveaux projets d’exploitation de combustibles fossiles si les pays veulent atteindre les objectifs climatiques actuels, et éviter les conséquences les plus néfastes de la crise climatique. Mais les États ont largement échoué à agir, ce qui aura des répercussions dévastatrices sur la planète et sur la santé humaine.

Peu avant la tenue de la COP28, plus de 80 pays avaient soutenu un appel en faveur d’un abandon des énergies fossiles. Pendant des années, un mouvement international de plus en plus large, composé de communautés en première ligne, de peuples autochtones, d’organisations de la société civile, de défenseurs de l’environnement, de travailleurs, de scientifiques, de prestataires de santé, de défenseurs des droits humains et d’autres, ont exhorté les États à protéger les droits et à s’engager enfin pour une élimination progressive, équitable, rapide, complète et financièrement viable de toutes les énergies fossiles.

Mais de nombreux États ont au contraire prôné et soutenu le développement des combustibles fossiles. Pendant la COP28, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) aurait appelé ses membres et ses alliés à « rejeter proactivement tout texte ou formule ciblant l’énergie, c’est-à-dire les combustibles fossiles, plutôt que les émissions ».

La criminalisation de la liberté de réunion, le verrouillage de l’espace civique et la répression des critiques par les Émirats arabes unis ont limité la participation effective des activistes et des défenseurs des droits humains aux négociations sur le climat. Human Rights Watch a récemment documenté la pollution atmosphérique toxique liée à l’industrie des combustibles fossiles aux EAU, qui contribue de manière non négligeable aux décès et maladies évitables enregistrés dans le pays.

Les militants du climat n’ont pas été autorisés à défiler à l’extérieur de l’enceinte officielle de la COP28, car les manifestations sont illégales aux EAU. Les actions de plaidoyer et les manifestations ont également été sévèrement entravées dans la « zone bleue » administrée par l’ONU, avec des restrictions sans précédent de la liberté d’expression de la part du Secrétariat de la CCNUCC. Par exemple, une action visant à attirer l’attention sur la détention de défenseurs des droits humains dans le pays hôte a été retardée plusieurs fois et les organisateurs ont été informés de nouvelles restrictions portant sur son contenu quelques minutes seulement avant son coup d’envoi. Les organisateurs d’une marche prévue le 9 décembre pour la justice climatique et en hommage aux civils palestiniens tués à Gaza ont dû demander aux participants de se plier aux restrictions de la liberté d’expression imposées par les Nations Unies sous peine de voir l’action de protestation annulée.

Pour cette COP et pour les futures conférences, la CCNUCC devrait rendre public l’accord conclu avec le pays hôte et s’assurer que celui-ci respecte le droit international des droits humains. Les Nations Unies devraient définir des critères en matière de droits humains pour les pays hôtes des prochaines COP et inclure une obligation de garantir les droits à la liberté d’expression et de réunion qui sont des conditions nécessaires pour garantir un résultat ambitieux. Les Nations Unies devraient également s’assurer que l’industrie des combustibles fossiles ne sape pas la crédibilité et le résultat des négociations lors des prochaines COP.

L’année prochaine, la conférence annuelle sur les changements climatiques, COP29, se tiendra en Azerbaïdjan, un autre pays pétrolier dirigé par un gouvernement profondément répressif et dont l’action est financée par l’industrie du pétrole et du gaz, laquelle fournit la majeure partie du budget de l’État. La liberté d’expression et de réunion y est drastiquement limitée et les manifestations sont rapidement et souvent brutalement dispersées. Une nouvelle vague de répression des médias indépendants a conduit à l’arrestation d’au moins six journalistes ces dernières semaines, pour des accusations infondées, notamment de contrebande.

« Organiser la COP29 dans une autre pétro-autocratie envoie un signal profondément inquiétant en ce qui concerne l’élimination des combustibles fossiles », a conclu Pearshouse. « Si les Nations Unies ne prennent pas au sérieux la nécessité pour les pays hôtes des COP de respecter certaines normes en matière de droits humains, la société civile ne pourra pas exercer une pression effective en vue d’obtenir une déclaration ambitieuse à l’issue de la COP29. »

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