5 octobre 2022
Objet : Projet de résolution du Conseil des droits de l’homme au Xinjiang
Votre Excellence,
Nous, les organisations soussignées, vous écrivons pour demander votre soutien urgent en faveur d’une résolution lors de la session en cours du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, afin de permettre au Conseil d’examiner le récent rapport du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme sur la situation dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine.
Méticuleux et détaillé, ce rapport met en évidence une campagne systématique du gouvernement chinois visant à cibler les Ouïghours et d’autres minorités majoritairement musulmanes en raison de l’exercice pacifique de leurs droits à la liberté de religion et d’expression et à la jouissance de leur propre culture. Il est frappant de constater que, parmi d’autres sources, le rapport s’appuie largement sur les propres documents de politique générale du gouvernement chinois pour démontrer que la répression généralisée des Ouïghours et des autres minorités musulmanes est discriminatoire, tant dans ses objectifs que dans ses effets.
Le rapport du Haut-Commissariat conclut notamment que l’ampleur de ces violations pourrait constituer des crimes internationaux, « en particulier des crimes contre l’humanité », exigeant « l’attention urgente des organes intergouvernementaux et du système des droits de l’homme des Nations Unies ». Des dizaines d’experts mandatés dans le cadre des Procédures spéciales de l’ONU ont publié une déclaration commune renforçant ces préoccupations et appelant le Conseil à traiter d’urgence la situation des droits humains en Chine.
Conclusions du Haut-Commissariat
Le rapport décrit en détail le profilage religieux des Ouïghours et des autres minorités musulmanes du Xinjiang par les autorités chinoises, qui les considèrent comme des « extrémistes », sur la base d’indices tels que « le port du hijab et d’une barbe » « anormale », « la fermeture des restaurants pendant le ramadan », « l’attribution d’un nom musulman à son enfant » et d’autres comportements que le Haut-Commissariat décrit comme « ni plus ni moins qu’un choix personnel dans la pratique des croyances religieuses islamiques et/ou l’expression légitime d’une opinion ».
Le rapport explique comment les personnes présentant un « risque d’extrémisme » sont soumises à de graves violations par les autorités, notamment la détention arbitraire, la torture, le traitement médical sans consentement, le travail forcé, la séparation des familles, l’ingérence dans les droits reproductifs, ainsi que l’intimidation, les menaces et les représailles.
Les autorités ont transféré un grand nombre d’Ouïghours et d’autres minorités musulmanes dans des centres de détention pour des périodes indéfinies, sans inculpation et sans aucun moyen efficace de contester leur détention. Les autorités, qui les qualifient par euphémisme de « centres d’éducation et de formation professionnelle », ont refusé de fournir au Haut-Commissariat le moindre programme de cette prétendue « éducation ». Les détenus n’avaient pas le droit de pratiquer leur religion, de prier ou de parler leur langue. A l’inverse, l’accent était mis sur les « enseignements politiques » et la réhabilitation par l’autocritique. Comme l’a confié un ancien détenu, « nous étions contraints de chanter des chants patriotiques les uns après les autres tous les jours, aussi fort que possible et jusqu’à en avoir mal, jusqu’à ce que nos visages deviennent rouges et nos veines apparaissent. »
Des détenus ont également déclaré avoir été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements, notamment « passés à tabac à l’aide de matraques, y compris électriques, une fois attachés dans une chaise dite « chaise du tigre » ; soumis à des interrogatoires au cours desquels de l’eau leur était versée sur le visage ; placés en isolement prolongé ; et forcés de rester assis sans bouger sur des tabourets pendant des périodes prolongées ». Nombre d’entre eux ont déclaré avoir été enchaînés, avoir constamment faim et perdu du poids, et été contraints d’avaler des pilules blanches, qui les rendaient somnolents.
Avant les visites de délégations étrangères, d’anciens détenus ont indiqué que les gardiens leur avaient « explicitement demandé de faire un bilan positif de leur expérience », craignant que leur détention ne soit prolongée ou que des membres de leur famille ne subissent des représailles en cas de refus.
Le rapport détaille également un programme plus large visant à supprimer la langue, la culture, la religion et l’identité ouïghoures en dehors des centres de détention, notant que « parallèlement aux restrictions croissantes imposées aux pratiques religieuses musulmanes, des rapports récurrents font état de la destruction de sites religieux islamiques, tels que des mosquées, des sanctuaires et des cimetières ». Les programmes « Homestay », non consentis par définition, prévoient la présence de fonctionnaires gouvernementaux dans de nombreux foyers ouïghours, où les familles ont déclaré être sous surveillance constante et « ne pas être autorisées à prier ou à parler leur propre langue ». Même les enfants ne sont pas en sécurité : les autorités chinoises auraient placé ceux des personnes détenues dans des organismes publics de protection de l’enfance et dans des internats sans le consentement des parents, et avec des restrictions similaires à leur pratique de leur religion ou au fait de parler leur langue.
Résolution proposée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
La résolution proposée est de portée très modeste, se contentant de demander que le rapport du Haut-Commissariat soit examiné au Conseil des droits de l’homme. Elle ne prend ni position sur les questions abordées, ni à l’égard de la Chine, et ne préjuge en rien le résultat d’une telle discussion. En tant qu’organisation de défense des droits humains, nous aurions préféré une résolution beaucoup plus forte, qui réponde à l’appel lancé par une cinquantaine d’experts mandatés dans le cadre des Procédures spéciales de l’ONU et par des centaines d’organisations non gouvernementales de plus de 60 pays pour que soit mis en place un mécanisme international permettant de surveiller et de rendre compte de la situation de manière continue. Une résolution pour discuter du rapport est la réponse la plus minime que l’on puisse attendre du Conseil face à un document de cette ampleur.
Malgré son engagement déclaré en faveur du « dialogue », la Chine a tout mis en œuvre pour empêcher que ce rapport voie le jour et prévenir toute discussion de ses conclusions. Une telle approche, si elle devait prévaloir, saperait l’intégrité institutionnelle du Conseil des droits de l’homme en jugeant la situation des droits humains d’un seul pays au-dessus de tout examen de la communauté internationale. Cela ne ferait que donner à la Chine les moyens de poursuivre en toute impunité sa campagne de répression contre les Ouïghours et d’autres minorités majoritairement musulmanes.
Nous espérons pouvoir compter sur le soutien de votre gouvernement à la résolution proposée.
Nous vous prions d’agréer l’expression de nos salutations distinguées,
- ACAT Belgium
- ACAT Germany
- ACAT UK
- Access Now
- Act with HK
- Alliance des Avocats pour les Droits de l'Homme
- Amnesty International
- Article 19
- Australian Centre for International Justice
- Centro de Documentación en Derechos Humanos "Segundo Montes Mozo SJ" (SMM)
- Citizens' Alliance for North Korean Human Rights
- CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation
- Coalition for Genocide Response
- Comité pour la Liberté à Hong-Kong
- Coordination des Associations et des Particuliers pour la Liberté de Conscience
- DefendDefenders (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)
- Defense Forum Foundation
- East Turkistan Australian Association
- East Turkistan Human Rights Watch Association
- European Union of Jewish Students
- EXCUBITUS Derechos Humanos
- Families of the Disappeared
- Federal Association of Vietnamese Refugees in the Federal Republic of Germany
- Frankfurt Stands with Hong Kong
- Global Centre for the Responsibility to Protect
- Human Asia
- Human Rights Defenders Network-SL
- Human Rights Watch
- Humanists International
- Humanitarian China
- Institute for Asian Democracy
- International Christian Concern
- International Coalition to End Transplant Abuse in China (ETAC)
- International Commission of Jurists
- International Service for Human Rights
- Jacob Blaustein Institute for the Advancement of Human Rights
- Judicial Reform Foundation
- Justice For North Korea
- Lesbian and Gay Association of Liberia (LEGAL)
- LGBT+ initiative group "Revers"
- Montreal Institute for Genocide and Human Rights Studies
- Network of the independent Commission for Human rights in North Africa CIDH AFRICA
- NK Watch
- Northern California Hong Kong Club
- People for Successful Corean Reunification- PSCORE
- Persatuan Sahabat Wanita Selangor
- Planet Ally
- René Cassin, the Jewish voice for human rights
- Reporters Without Borders (RSF)
- Réseau Ouest Africain des Défenseurs des Droits Humains/West African Human Rights Defenders' Network
- Safeguard Defenders
- Scholars at Risk
- Stand with HK@JPN
- The Rights Practice
- Transitional Justice Working Group (TJWG)
- Uyghur Association of Victoria, Australia
- Viet Tan
- Vietnam Human Rights Network
- Women's Action Network
- World Uyghur Congress
- YUHU Indonesia