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Mauritanie : Des hommes qui fêtaient un anniversaire ont été condamnés à des peines de prison

Le procureur les a accusés d’avoir « imité des femmes »

Vue de la capitale de la Mauritanie, Nouakchott. © Eric Goldstein/Human Rights Watch


Mise à jour : Le 4 mars 2020, la Cour d’appel de Nouakchott a confirmé la condamnation des huit accusés mais réduit leurs peines initiales à six mois de prison, avec sursis pour sept d’entre eux. Le huitième accusé, l’organisateur de l’anniversaire, a été condamné à deux mois de prison, qu’il a déjà purgés, sur les six mois. Dans sa décision, la Cour a indiqué que si l’un des accusés commettait un acte similaire au cours des cinq prochaines années, sa peine de prison avec sursis serait rétablie.

(Beyrouth) – Le 30 janvier 2020, un tribunal mauritanien a condamné à deux ans de prison huit hommes pour « outrage public à la pudeur » et « [incitation] à la débauche », après la diffusion d’une vidéo les montrant en train de fêter un anniversaire dans un restaurant, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

La police avait arrêté les huit hommes ainsi que deux autres personnes le 23 janvier, trois jours après la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux. Le commissaire de l’ouest de Nouakchott, Mohamed Ould Nejib, a reconnu dans une interview télévisée le 22 janvier que l’événement n’était pas un mariage homosexuel, comme cela avait été indiqué dans un premier temps sur les réseaux sociaux, mais une fête d’anniversaire ; cependant, il a déclaré que les personnes avaient été arrêtées pour avoir « imité des femmes » et « porté atteinte à la moralité publique ».

« Les autorités mauritaniennes n’ont pas à envoyer un individu derrière les barreaux parce qu’il a assisté à une fête d’anniversaire paisible », a déclaré Graeme Reid, directeur de la division Droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Human Rights Watch. « Elles devraient immédiatement remettre en liberté tous ceux qui ont été condamnés à deux ans de prison pour avoir assisté à cette fête. »

Les huit hommes ont été condamnés à deux ans de prison pour « outrage public à la pudeur » et « [incitation à] la débauche » en vertu des articles 264 et 306 du code pénal. Une femme a été condamnée à un an de prison avec sursis pour avoir pris part à l’incitation à la débauche par sa seule présence à l’événement. Le propriétaire du restaurant a été acquitté.

Human Rights Watch s’est entretenu avec Mohammed Ould Obeid, l’avocat des accusés, et examiné le rapport de police, qui fait présentent les huit des hommes arrêtés pour leur participation à la fête comme des « sodomites » qui « imitent les femmes ». D’après le rapport de police, les huit hommes « ont avoué être homosexuels » lors d’interrogatoires au cours desquels ils n’ont pas eu accès à un avocat. Ould Obeid a déclaré qu’à leur procès, les accusés ont plaidé non coupables de toutes les chefs d’inculpation et nié les allégations relatives à leur orientation sexuelle.

L’article 308 du code pénal mauritanien interdit les comportements homosexuels entre adultes musulmans, pour lesquels est prévue la peine capitale pour les hommes. Personne n’a été condamné à mort ces dernières années pour homosexualité, à la connaissance de Human Rights Watch, et un moratoire de facto reste en vigueur à ce sujet.

Le 30 janvier, après que l’affaire a été considérée comme relevant du flagrant délit sur la base de la vidéo mise en ligne, le procureur a directement renvoyé l’affaire en justice le jour même plutôt que d’ouvrir une enquête judiciaire préliminaire.

Human Rights Watch a examiné la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Elle montre un groupe de gens lors d’une fête en train de chanter et de danser, mais personne ne s’y livre à un comportement qui puisse être raisonnablement considéré comme illégal.

Le 3 février, Ould Obeid a déposé un appel au nom des accusés.

La police semble avoir arrêté les hommes sur la base de leur apparence physique et de leur comportement, son rapport au tribunal les décrivant comme « efféminés » et « sodomites ».

L’Article premier de la constitution mauritanienne garantit l’égalité de tous les citoyens, et l’article 10 garantit le droit à la liberté d’expression. Ce droit devrait être reconnu pour tous, et non seulement pour les personnes qui se conforment aux identités de genre jugées acceptables par les autorités mauritaniennes, a déclaré Human Rights Watch.

Des recherches antérieures de Human Rights Watch ont révélé que les autorités mauritaniennes ont violé à plusieurs reprises le droit à la liberté d’expression en ayant recours à un arsenal de lois répressives.

La Mauritanie a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui affirme le droit à la non-discrimination, et rejoint la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Mauritanie est tenue de protéger la liberté d’expression de chacun, quelle que soit son orientation sexuelle ou son identité de genre.

Le Comité des droits de l’homme, qui interprète le Pacte, a indiqué sans ambigüité qu’il est interdit de discriminer sur la base de l’orientation sexuelle et que tous les droits protégés par le traité doivent être respectés, y compris celui à la liberté d’expression. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a pour sa part estimé que les arrestations fondées sur l’orientation sexuelle constituent, par définition, des atteintes aux droits humains.

La nouvelle loi contre la discrimination adoptée en 2017 par le Parlement contient des dispositions qui pourraient être invoquées pour infliger des peines de prison à des individus accusés de discours non violent. Le 17 octobre 2019, l’Assemblée générale des Nations Unies a confirmé sans difficulté la candidature de la Mauritanie au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour la période 2020-2022, malgré son bilan en matière d’emprisonnement et de répression des critiques envers le gouvernement.

« Les autorités mauritaniennes ont manifestement mis en prison les huit accusés au motif que chanter et danser lors d’une fête d’anniversaire constituerait un crime en Mauritanie », a conclu Graeme Reid. « La Mauritanie ne peut se soustraire à ses obligations de protéger les droits fondamentaux de tous ses citoyens, sans discrimination. »

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FranceTVInfo (1)    FranceTVInfo (2)   AfrikMag   Figaro/AFP

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