A l’attention de :
Mme Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Vice-présidente de la Commission européenne,
M. Johannes Hahn, Commissaire responsable de la Politique européenne de voisinage et des négociations d’élargissement,
MM. et Mmes les Ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l’Union européenne,
Bruxelles, le 11 avril 2018
Madame la Haute Représentante,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
En vue de la onzième session du Conseil d’association Union européenne-Algérie, prévue pour le 14 mai prochain, EuroMed Droits, Human Rights Watch, l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), Reporters sans Frontières et SOLIDAR vous appellent à faire de la promotion et de la défense des droits humains, y compris l’égalité entre les femmes et les hommes, un objectif prioritaire du renforcement des relations entre l’UE et l’Algérie.
Cette réunion aura lieu un an après l’adoption formelle des Priorités de Partenariat de la Politique européenne de voisinage révisée, qui « rappelle que la relation entre les deux parties est fondée sur le respect mutuel, la reconnaissance et le respect des valeurs universelles et des engagements internationaux ayant trait à l'Etat de droit et au respect des droits fondamentaux ». Cette année encore, nous avons alertés régulièrement sur les nombreuses entraves que subissent les défenseurs des droits humains et les journalistes en Algérie, notamment des actes de harcèlement, des entraves multiples à leur liberté d’association et de rassemblement, et à la liberté de la presse, en contradiction avec les engagements pris par les autorités algériennes, y compris dans le contexte des Priorités de Partenariat. Bien que nous n’ayons pas pu constater de mesure concrète visant la mise en œuvre des recommandations acceptées par l’Algérie lors l’Examen Périodique Universel (EPU) de 2017, nos organisations ont salué ces engagements. Nous considérons que l’UE et les Etats membres qui ont émis des recommandations spécifiques lors de cet EPU devraient interpeller les autorités algériennes en leur demandant que ces recommandations soient mises en œuvre rapidement et de façon effective. Dans le contexte du prochain Conseil d’Association, nos organisations vous demandent en particulier d’appeler publiquement l’Algérie à concrétiser ses engagements internationaux, de manière effective et en conformité avec les normes internationales.
Nous vous appelons également à dénoncer les violations des droits humains suivantes, illustrant le manque de « respect des valeurs universelles et des engagements internationaux » ; un respect mentionné dans les Priorités de Partenariat comme élément fondateur de la relation entre les deux parties :
- Depuis son adoption, la loi 12-06 de janvier 2012 relative aux associations a été vivement critiquée par la société civile indépendante. Lors de l’EPU de septembre 2017, le gouvernement algérien a accepté les recommandations, notamment émises par des Etats membres de l’UE, relatives à la mise en conformité de cette loi avec le Pacte International pour les droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l’Algérie. La révision de cette loi ayant précédemment été annoncée comme étant à l’agenda de l’Assemblée Parlementaire Nationale, il est essentiel que cette question soit à l’agenda des relations bilatérales et que l’UE rappelle les standards minimum pour que cette loi garantisse la liberté d’association en Algérie. Nous vous appelons également à rappeler que la société civile indépendante doit être consultée sur le nouveau projet de loi afin de garantir sa conformité avec les standards internationaux.
- Tout en étant Etat Partie de la Convention de Genève sur le Statut des Réfugiés, l’Algérie n’a jamais entamé le processus législatif apte à recevoir la Convention dans son propre ordonnancement. Cependant, à l’occasion de l’EPU de 2017, les autorités algériennes ont accepté les recommandations portant sur l’élaboration d’une loi relative aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, notamment adressées par des Etats membres de l’UE. L’UE doit inclure cette question à l’agenda des échéances bilatérales à venir et appeler publiquement à ce que la loi soit conforme à la Convention de Genève.
- Finalement, les entraves aux libertés syndicales en Algérie, notamment à la Convention 87 de l’OIT, ont poussé la Commission d’application des normes de l’OIT à examiner à plusieurs reprises l’Algérie et à lui adresser des recommandations. En particulier, il est essentiel que les autorités algériennes garantissent le droit de former des syndicats, en conformité avec la Convention n°87 de l’OIT portant sur la liberté d’association et sur la protection du droit de s’organiser, et mettent en œuvre les recommandations de la Commission de l’application des normes de la Conférence de l’OIT de juin 2017. Au jour d’aujourd’hui, aucune de ces recommandations n’a encore été mise en œuvre par le gouvernement algérien. L’UE doit relayer publiquement les recommandations de l’OIT et en particulier appeler les autorités algériennes à : (1) assurer que le nouveau projet de code du travail soit conforme aux normes internationales du travail ; (2) modifier la loi 90-14 afin que les travailleurs, indépendamment de leur secteur, puissent former les syndicats, fédérations et confédérations de leur choix.
Nous restons à votre entière disposition pour toute information complémentaire. En vous remerciant par avance de l’intérêt que vous réserverez au présent courrier, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de notre considération.