Le Kazakhstan, qui cultive l'image d'une puissance régionale, multiplie les occasions de se faire connaître au plan international. En juin 2016, ce pays a obtenu un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, pour un mandat de deux ans qui prendra effet à compter du 1er janvier 2017. Le Kazakhstan est également une importante plateforme régionale pour les investissements étrangers dans l'industrie pétrolière et dans d'autres secteurs.
Le respect des normes internationales relatives aux droits du travail, en particulier le droit des travailleurs à la liberté d'association et de syndicalisme, devrait selon Human Rights Watch faire partie intégrante de la législation du Kazakhstan.
À la suite de grèves lancées en décembre 2011 par les syndicats dans l'ouest du Kazakhstan, et qui ont abouti à des affrontements ayant fait au moins une douzaine de morts dans la ville pétrolière de Zhanaozen, sans que les griefs ne soient résolus, le gouvernement avait annoncé son intention d’améliorer les relations sur le lieu de travail et « de moderniser les institutions syndicales ».
Pourtant, la nouvelle loi a imposé de lourdes contraintes à la formation de syndicats, obligeant notamment ceux-ci à être affiliés aux organisations syndicales les plus importantes, qui sont fermement opposées au droit, reconnu au niveau international, des travailleurs de se syndiquer librement. Le gouvernement a également adopté un nouveau code du travail en 2015, qui restreint les droits des travailleurs à la négociation collective, ainsi que leur droit de grève, qui est fondamental.
Erlan Baltabai, qui dirige le syndicat des ouvriers du secteur pétrolier à Chymkent, dans le sud du Kazakhstan, a déclaré à Human Rights Watch que la pression sur les travailleurs s’est accrue à partir de janvier 2012, après son élection : « Les contremaîtres ont commencé à effrayer les travailleurs en les dissuadant de rejoindre ce syndicat, sous peine de problèmes. Ils disaient : Nous pouvons vous licencier, ou trouver quelque chose contre vous », a-t-il expliqué.
Nombre de militants et de travailleurs ont déclaré être surveillés par les services de sécurité dans le cadre de leurs activités syndicales normales.
Larisa Kharkova, présidente de la Confédération des syndicats indépendants de la République du Kazakhstan, a déclaré avoir fait l’objet d’une surveillance de la part des autorités, notamment lors d'un voyage dans l’ouest du pays en mars 2016. « J'ai été suivie à Aqtau, jour et nuit [par les services de sécurité] », a-t-elle dit. « Je suis allée à la rencontre de [syndicalistes], nous étions assis, en train de parler, et pouvions voir [les agents de sécurité] nous prendre en photo depuis leur voiture ».
Une chercheuse de Human Rights Watch a elle-même été sous surveillance dans le cadre des recherches préalables à ce rapport.
« Dosym D. », un ouvrier syndiqué basé dans le centre du Kazakhstan et dont le nom a été modifié pour le protéger de représailles, a déclaré que la police l'avait convoqué et tenté de l'intimider en lui montrant un dossier le concernant. « Ce qui m'a surpris, c'est qu’il s’agissait d’agents du [département] chargé de la lutte contre l'extrémisme », a-t-il dit. « Montrez-moi en quoi mes actions relèvent d’un comportement extrémiste ! »
Le Kazakhstan est un État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui protège le droit de grève ainsi que la création et l'adhésion à des syndicats et à des confédérations nationales et internationales.
Le Kazakhstan est également membre de l'Organisation internationale du Travail (OIT), dont il a ratifié l'ensemble de ses huit conventions fondamentales, dont la Convention (n° 87) de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et la Convention (n° 98) de 1949 sur le droit d'organisation et de négociation collective. La Convention n ° 87 stipule que les travailleurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.
En 2015 et 2016, la Conférence internationale du Travail, le principal organe décisionnel de l'OIT, a vivement critiqué le Kazakhstan pour ses restrictions législatives. En juin 2015, la Commission de l'OIT pour l'application des normes a invité le pays à « modifier les dispositions de la Loi sur les syndicats de 2014, conformément à la Convention ». La loi n’a pas été amendée.
Le gouvernement devrait prendre des mesures immédiates pour modifier la législation syndicale, ainsi que les codes du travail et pénal afin de les rendre conformes aux Conventions de l'OIT et aux normes internationales relatives aux droits de l'homme. Les entreprises actives au Kazakhstan et les autorités devraient veiller à ce que les employés ne soient pas victimes de représailles ou de harcèlement en raison de leurs activités syndicales.
Les principaux partenaires économiques du Kazakhstan, en particulier l'Union européenne, les États membres de l'UE et les États-Unis, devraient faire pression sur le gouvernement pour qu’il réforme le droit du travail.
« Les travailleurs kazakhs ont le droit de se syndiquer et de défendre leurs intérêts sans craindre d’être harcelés ou de subir des représailles », a déclaré Mihra Rittmann. « Si le Kazakhstan veut être un acteur sur la scène internationale, il doit tenir compte des conclusions de l'OIT, respecter ses obligations internationales de protéger les droits de l'homme et modifier dans les meilleurs délais les lois et pratiques qui constituent des violations ».