(Washington, le 28 juillet 2014) – Un document interne de la Banque mondiale proposant une nouvelle orientation de la politique de cette institution en matière sociale et environnementale, qui a fait l'objet d'une fuite, prévoit une réduction significative des protections apportées aux communautés locales et à l'environnement, a affirmé aujourd'hui Bank on Human Rights (Investir dans les droits humains), une coalition mondiale d'organisations non gouvernementales, de mouvements sociaux et d'organisations de la société civile, dans une déclaration adressée au conseil d'administration de la Banque mondiale.
Le conseil d'administration de la Banque mondiale devrait rejeter ce projet et le renvoyer à la direction de la Banque, pour qu'il soit révisé afin de corriger les lacunes fondamentales qu'il contient, a déclaré la coalition. Un comité du conseil d'administration de la Banque doit se réunir le 30 juillet pour décider d'approuver ou non la politique proposée en matière de garanties destinée aux consultations avec les gouvernements et les organisations non gouvernementales.
« La Banque mondiale et ses États membres ont l'obligation de s'assurer que les investissements effectués dans la construction de barrages, de routes ou d'autres projets d'aménagement n'entraînent pas des expulsions par la force, des violations du droit du travail ou d'autres abus », a déclaré Gretchen Gordon, coordinatrice de la coalition Bank on Human Rights. «Mais à l’inverse, la Banque semble se diriger vers un système de blanc-seing au bénéfice des entrepreneurs, dans lequel les communautés locales n'auront aucune protection clairement définie et guère de possibilités de recours si leurs droits sont violés. »
La Banque mondiale a joué un rôle pionnier dans le développement de garanties sociales et environnementales dans les années1980 et 90, après que plusieurs projets de développement très médiatisés eurent entraîné des violations de droits humains et des dégâts environnementaux. La révision du dispositif de garanties est destinée à mettre à jour les garanties et à en améliorer l'efficacité.
Les organisations non gouvernementales avaient dans un premier temps déclaré que l'initiative de la Banque mondiale en vue de renforcer les garanties était un pas dans la bonne direction. Mais au contraire, le projet de cadre de sauvegarde qui a fait l'objet d'une fuite représente une inquiétante réduction des protections.
« La Banque mondiale s'est engagée à plusieurs reprises à élaborer un nouveau cadre de sauvegarde qui n'entraîne pas une dilution des garanties existantes et qui reflète les normes internationales en vigueur », a déclaré la coalition. « Au lieu de cela, son projet de cadre de sauvegarde représente une grave dilution des garanties existantes et un abandon des normes internationales en matière de droits humains et de bonnes pratiques. »
Cette nouvelle politique, si elle était adoptée, accorderait par exemple aux pays qui mettent en œuvre des projets financés par la Banque mondiale une « option de sortie » de l'obligation d'accorder des protections aux peuples autochtones.
« La ‘disposition concernant l'option de sortie’ des Normes concernant les peuples autochtones équivaut à dénier toute existence et tout droit aux populations autochtones pauvres et marginalisées dans de nombreux pays », a déclaré Joan Carling, membre du comité directeur de la coalition qui est également membre de l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones et Secrétaire générale de l'Asia Indigenous Peoples Pact. « Une telle politique ne fera que perpétuer l'impact négatif de la Banque mondiale sur les populations autochtones. »
La question des droits humains a été parmi les principaux sujets de préoccupation soulevés par les organisations non gouvernementales, par les communautés affectées par des projets financés par la Banque mondiale et par des gouvernements, tout au long des précédents processus de consultations sur la révision des garanties.
Le texte proposé contient des formulations nouvelles relatives à diverses questions concernant les droits humains, telles que les discriminations et le droit du travail, mais ces formules prévoient d'importantes exceptions et exclusions. La section concernant la discrimination omet par exemple de citer, d’une manière qui serait conforme au droit international, les discriminations basées sur la race, la couleur de la peau, la langue, les opinions politiques ou d’autres types d’opinions. De même, les dispositions sur le droit au travail omettent de citer spécifiquement la liberté d'association et le droit aux négociations collectives, et ne s'appliquent qu'à certains employés.
« Le processus de réexamen de sa politique constitue une occasion pour la Banque mondiale d'assumer enfin ses responsabilités dans le domaine des droits humains », a affirmé Jessica Evans, chercheuse principale sur les institutions financières internationales à Human Rights Watch et membre du comité directeur de la coalition. « Si le conseil d'administration de la Banque approuve ce projet sans exiger que ses graves lacunes soient corrigées, il enverra au monde un message négatif selon lequel le respect des droits humains demeure discrétionnaire à la Banque. »