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Nous avions déploré, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la trop faible place accordée au respect des droits humains dans la politique étrangère, voire le manque total de vision dans des cas pourtant flagrants : Tunisie, Libye, Syrie, Égypte. Avant que le « Printemps arabe » ne commence, la France n'exigeait aucune contrepartie « démocratique » en échange du gage de respectabilité accordé par notre République qui déroulait le tapis rouge aux chefs totalitaires de ces pays. Puis François Hollande arriva au pouvoir. Ses engagements en matière de politique internationale portaient sur quelques dossiers : le conflit israélo-palestinien, l'Afghanistan, les pays du Sud de la Méditerranée, et la fin de la Françafrique. Pas un mot sur la Russie. La référence à la Chine ne portait que sur les liens économiques « à resserrer ». Le ton était donné.

Au cours des deux premières années de son mandat, les droits humains ont été invoqués pour condamner sans ambiguïté le régime syrien et justifier les opérations militaires au Mali et en Centrafrique. C'est aussi en leur nom que M. Fabius mène une campagne contre la peine de mort ou que la France se bat pour la dépénalisation de l'homosexualité dans le monde. Il faut lui en donner crédit. Dans le même temps, François Hollande a cherché à cacher la réception de chefs d'Etat étrangers jugés « encombrants ». C'est ainsi qu'en 2012, le roi de Bahreïn et le président d'Azerbaïdjan furent reçus en catimini. Une posture frileuse qui privait la France d'utiliser ces visites comme des leviers en matière de droits humains. Et, déjà, le Président multipliait ses visites (Arabie Saoudite, Qatar, Chine) sans piper mot en public sur les violations des droits de l'Homme.

L'année 2013 aura été marquée par l'intervention au Mali en janvier puis en Centrafrique en décembre. De nature très différente, elles ont certainement permis de protéger de très nombreux civils. Même si ces interventions posent beaucoup de questions, la France est apparue comme le seul pays prêt à se mobiliser pour des causes jugées sans intérêt par beaucoup. Il faut lui en savoir gré. Mais au cours des premiers mois de 2014, la tendance à reléguer les droits de l'Homme à l'arrière-plan s'est regrettablement accentuée. En mars 2014, la visite du président chinois, Xi Jinping, aura fait l'impasse sur la situation dramatique des militants des droits humains en Chine. Puis, en avril, MM. Hollande et Fabius décidèrent l'accrochage du commerce extérieur aux « affaires étrangères ». La messe paraît dite. Fin avril, la visite de l'autoritaire président angolais Dos Santos aura été cyniquement « réaliste ».

Le respect des droits de l'Homme ne serait plus pour la France un « marqueur » de ses relations bilatérales. Alors que sur le plan multilatéral, la France continue de dire tout haut ce qu'elle dit trop bas à Paris. Aux Nations unies, la France critique ouvertement des régimes répressifs (Corée du Nord, Sri Lanka et même le Qatar récemment), mais reste silencieuse quand il s'agit de ses alliés (le Maroc par exemple). Ella a aussi pris récemment l'initiative d'une résolution du Conseil de sécurité pour que la situation en Syrie soit déferrée à la Cour Pénale Internationale, mais reste silencieuse sur le manque de coopération de la Côte d'Ivoire avec la CPI pour les crimes commis par des personnes liées au président Ouattara. Deux poids, deux mesures.

Ce dérapage progressif de la diplomatie française d'une posture de gêne à l'égard des régimes autoritaires reçus discrètement à l'Elysée à une attitude plus « décomplexée » de « business avant tout » au nom du « redressement économique » pose non seulement la question de la position morale et de l'image de notre pays mais aussi celle de l'efficacité de cette diplomatie à moyen terme.

N'aurait-il pas été plus avisé depuis des décennies de soutenir davantage les défenseurs des droits afin de répondre aux aspirations démocratiques des peuples pour pouvoir bâtir des relations politiques et économiques avec des régimes qui auraient été poussés à respecter leurs sociétés civiles ?

Malheureusement, un tout autre calcul semble encore prévaloir : « faisons affaire avec ceux qui ont le pouvoir, même ils sont infréquentables. Le jour où ils seront jetés dans les basses fosses de l'histoire, nous séduirons leurs successeurs ». Ce cynisme est à l'opposé des principes que notre pays prétend défendre.  Tenez. La France s'apprête à accueillir les visiteurs d'Euro-Satory, le salon de l'armement organisé en partenariat avec le ministère de la Défense. Parmi les entreprises participantes, une trentaine d'entreprises russes, certaines connues pour leurs livraisons d'armes à la Syrie de Bachar el Assad. Quelle cohérence avec la posture de la France dans la crise syrienne ?

La France ne semble toujours pas convaincue que le respect des droits constitue la seule base viable à long terme d'un développement économique et politique fondé sur l'Etat de droit, la création de richesses et la justice sociale. La France fait certainement beaucoup de « diplomatie discrète » en matière de droits humains. Mais estime-t-elle avoir fait ainsi bouger certains autocrates ? Si oui, où ? Récemment en visite en Azerbaïdjan, M. Hollande a – il faut le saluer – pris le temps de rencontrer six personnalités critiques du gouvernement autoritaire de M. Aliev, dont la défenseure des droits humains, Leyla Yunus. Or, on cherche en vain sur le site de l'Elysée une trace de cette rencontre avec Mme Yunus. On aimerait que l'Elysée exprime régulièrement et publiquement son soutien à celles et ceux qui risquent leur vie car ils croient en l'universalité des droits humains.

Bien sûr la France n'est pas le seul pays marqué par cet écart entre un soi-disant attachement aux valeurs universelles des droits humains et une pratique dite « réaliste » de la diplomatie – à commencer par les Etats-Unis -, mais ce constat n'excuse en rien la pusillanimité de la France. Il reste trois ans à François Hollande pour redresser la barre et replacer les droits humains en haut de sa liste de priorités. A court terme, c'est essentiel pour celles et ceux dont les droits sont bafoués. A long terme, ce sera une stratégie payante pour notre pays.

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