(Washington, le 19 février 2014) - Les forces gouvernementales syriennes ont utilisé pour la première fois depuis le début du conflit un type de roquette à sous-munitions particulièrement puissant, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Ce nouveau recours à des armes à sous -munitions alourdit davantage encore le bilan des pertes civiles, tout en augmentant le nombre déjà élevé de munitions non explosées qui constituent un grave danger à travers le pays.
Divers éléments de preuve indiquent que les forces gouvernementales ont utilisé des roquettes contenant des sous-munitions explosives lors d’attaques menees les 12 et 13 février contre la ville de Keferzita, à proximité de Hama, dans le nord de la Syrie. Cette roquette - la plus large de ce type utilisée à ce jour en Syrie - disperse des sous-munitions puissantes dont l’effet est particulièrement meurtrier.
« L’utilisation par les forces gouvernementales syriennes d’armes à sous-munitions contre leur propre peuple est déplorable », a déclaré Steve Goose , directeur de la division Armes de Human Rights Watch . « Non seulement ces armes interdites continuent de tuer des civils syriens, elles menacent aussi les générations futures. »
Les tirs de roquettes menés par les forces gouvernementales syriennes sur Keferzita les 12 et 13 février ont tué au moins deux civils et en ont blessé au moins dix autres, selon les témoignages d’un militant local de Hama et d’un médecin recueillis par Human Rights Watch.
Des photos fournies à Human Rights Watch par des militants locaux, et prises selon eux après les attaques, font apparaitre des fragments de roquette 9M55K 300mm ainsi que des sous-munitions 9N235. Les roquettes 9M55K sont habituellement lancées à partir de lance-roquettes BM-30 Smerch (« Tornade »), fabriquées par l'Union soviétique à la fin des années 1980, puis par l’entreprise d’État russe SPLAV à partir de 1991.
Depuis que des groupes d'opposition armés ont pris le contrôle de Keferzita en décembre 2012, cette ville a été la cible de frappes aériennes du gouvernement syrien. Toutefois le militant local a déclaré à Human Rights Watch qu'aucun contingent de l'Armée syrienne libre ne se trouvait dans les quartiers de Keferzita touchés par les attaques les 12 et 13 février.
Plusieurs vidéos filmées à Keferzita, selon des témoins, comportent également des éléments de preuves de tirs de roquettes à sous-munitions :
- vidéo mise en ligne sur YouTube le 12 février ;
- vidéo mise en ligne sur YouTube le 12 février ;
- vidéo mise en ligne sur YouTube le 13 février.
Human Rights Watch a documenté depuis 2012 l'utilisation par le gouvernement syrien de sept types d'armes à sous -munitions :
- roquette SAKR 122 mm, contenant 72 ou 98 sous-munitions à double usage antipersonnel / anti-matériel ;
- roquette 9M55K fusée lancée à partir du lance-roquettes BM-30 Smerch et contenant 72 sous-munitions 9N235 ;
- bombe à sous-munition RBK- 250, contenant 30 sous-munitions antichars PTBB-2.5M ;
- bombe à sous-munition RBK- 250-275, contenant 150 sous-munitions AO-1Sch ;
- bombe à sous-munition RBK-500, contenant 565 sous-munitions ShOAB-0.5 ;
- sous-munitions antichars PTAB - 2.5KO ; et
- sous-munitions AO- 2.5RT.
Toutes les armes à sous-munitions utilisées en Syrie semblent avoir été fabriquées à l’origine dans l'ex-Union soviétique, à l'exception de la roquette SAKR 122 mm, fabriquée en Égypte.
À ce jour, 113 pays - mais pas la Syrie - ont signé ou adhéré à la Convention de 2008 sur les armes à sous-munitions, qui bannit l’utilisation, la production, le transfert et le stockage d’armes à sous-munitions et exige le démantèlement des armes à sous-munitions restantes dans les dix années à venir ainsi que l’assistance aux victimes de ces armes.
Les armes à sous-munitions ont été interdites à cause de leur effet étendu non ciblé au moment de leur utilisation et du danger à long terme qu’elles font courir aux civils. Les armes à sous-munitions peuvent être lancées par des systèmes d’artillerie ou de missiles, ou larguées par des avions. En général, elles explosent en l’air et répandent des dizaines, voire des centaines, de sous-munitions ou « mini-bombes » sur une surface de la taille d’un terrain de football. Souvent, les sous-munitions n’explosent pas au contact du sol, ces ratés devenant alors des mines anti-personnel.
Human Rights Watch est un membre fondateur de la Coalition contre les armes à sous-munitions (Cluster Munition Coalition, CMC), un regroupement de la société civile internationale qui a mené la campagne pour l’élaboration de la Convention sur les armes à sous-munitions.
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