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Traduction d’une tribune parue dans le journal Business Day le 22.12.11.

L’or a toujours exercé une fascination. Dans une période de crise comme celle que nous vivons, il offre un espoir de stabilité, de sécurité et de bonheur. Dans nos centres commerciaux parés des illuminations de Noël, il évoque des images de glamour et de fête.

Mais pour un million d’enfants qui travaillent dans l’exploitation minière de l’or dans le monde entier, ce métal précieux symbolise un travail difficile et des souffrances pénibles. Les enfants représentent une main d’œuvre importante dans l’exploitation artisanale des mines d’or, qui s’appuie sur des techniques rudimentaires et qui est souvent organisée sur le mode informel.

Rien qu’en Afrique de l’Ouest, au moins huit pays recourent au travail des enfants pour l’extraction minière artisanale de l’or, dite orpaillage.

Lors d’une enquête récente menée au Mali, j’ai vu des enfants travailler sous terre dans des puits d’une profondeur pouvant atteindre 30 mètres. Un garçon m’a expliqué que c’était dur de faire ce travail tout seul sous terre et qu’il devait veiller à garder assez de forces pour pouvoir remonter à la surface. Dans sa mine, un puits s’était récemment effondré.

J’ai rencontré des garçons qui n’avaient pas plus de six ans et qui remontaient le minerai hors des puits et le transportaient — portant des charges plus lourdes qu’eux. Des enfants m’ont également indiqué qu’ils travaillaient avec du mercure. Ils mélangeaient le mercure à mains nues avec le minerai, puis brûlaient l’amalgame obtenu pour séparer l’or, inhalant les vapeurs hautement toxiques.

Plusieurs jeunes filles m’ont expliqué qu’elles travaillaient tous les jours avec du mercure. Mais ce qu’elles ne savaient pas, c’est que le mercure est l’une des substances les plus toxiques sur terre : il s’attaque au système nerveux central et est particulièrement nocif pour les enfants.

Ces enfants mettent leur vie et leur santé en danger pour contribuer aux revenus de leur famille, ou bien parce que des adultes exploitent leur travail et en gardent les gains pour eux-mêmes.

Il y a eu beaucoup de débats à propos de la responsabilité sociale des entreprises ces dernières années. Malheureusement, la plupart des négociants en or avec qui je me suis entretenue au Mali ne se souciaient guère que des enfants travaillent dans les mines d’or, ni qu’ils manipulent du mercure. L’un d’eux a tout simplement déclaré : « On veut juste gagner de l’argent. »

La semaine dernière, je me trouvais à Bamako —capitale du Mali— pour m’entretenir avec des entrepreneurs, le gouvernement et des bailleurs de fonds à propos des résultats de notre enquête, publiés dans un rapport intitulé Un mélange toxique. Je me suis rendue à la Chambre des Mines du Mali, organe représentant le secteur minier et récemment inauguré en fanfare, en présence d’entreprises minières, de la Banque mondiale et de diverses autorités.

Après avoir attendu assise sur un luxueux canapé en cuir de couleur crème, j’ai rencontré le président de la Chambre des Mines, Abdoulaye Pona, et quatre membres de la Chambre. Après quelques échanges de politesses et une conversation préliminaire, M. Pona a déclaré que le travail des enfants est inexistant dans les mines d’or artisanales —il était prêt à monter tout de suite dans une voiture pour me le prouver.

M. Pona a mis en doute l’exactitude des propos de personnalités du gouvernement et de l’ONU citées dans notre rapport et conclu que personne au Mali n’en savait autant sur les mines d’or artisanales que la Chambre des Mines. De ce fait, si le travail des enfants existait dansles mines, la Chambre des Mines serait l’organisation à qui s’adresser pour traiter le problème. Mais heureusement, selon lui, le travail des enfants n’existe pas dans les mines d’or maliennes.

Ce déni de la part de la Chambre des Mines différait de la réaction du gouvernement. Le ministre du Travail nous a félicités pour notre rapport et a convenu que le ce problème est colossal. Son ministère a élaboré un plan d’action sur le travail des enfants, qui n’a pas encore obtenu suffisamment de soutien de la part du gouvernement et des donateurs.

D’autres autorités ont également accueilli favorablement notre rapport. Elles nous ont fait part de leur volonté d’agir, par exemple en améliorant l’accès à l’éducation pour les enfants travailleurs migrants, et en travaillant à la collecte de preuves sur les effets du mercure sur la santé. Bien plus doit être fait, mais c’est au moins un début.

Même certaines entreprises internationales souhaitent aborder le problème du travail des enfants dans les mines d’or. Kaloti Jewellery International, une entreprise basée à Dubaï, a suspendu ses importations d’or en provenance de mines artisanales du Mali après avoir pris connaissance des résultats des recherches menées par Human Rights Watch, et s’est montrée intéressée par un soutien aux initiatives visant à mettre fin au travail des enfants dans ce secteur. Au début de cette année, une nouvelle Norme de commerce équitable et d’extraction équitable a été présentée par des ONG travaillant sur l’industrie minière et sur la certification.

Cependant, si le Mali souhaite réellement s’attaquer au problème du travail des enfants dans les mines d’or, il ne peut le faire toutefois sans la coopération des négociants en or. Les entreprises ont une responsabilité de s’attaquer aux atteintes aux droits humains auxquelles elles contribuent.

La Chambre des Mines du Mali pourrait jouer un rôle crucial, par exemple, en élaborant un code de conduite pour le secteur minier, en sensibilisant les négociants à propos du travail des enfants et en soutenant les projets qui améliorent l’accès à l’éducation dans les zones minières.

Le gouvernement malien, les bailleurs de fonds et les sociétés minières internationales devraient insister auprès de la Chambre des Mines pour qu’elle assume ce rôle — non pas si le travail des enfants existe, mais parce que le travail des enfants existe et qu’il détruit leurs vies.

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Juliane Kippenberg est chercheuse senior au sein de la division des Droits des enfants à Human Rights Watch.

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