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États-Unis/Alabama : La loi sur l’immigration rend la vie des résidents visés « impossible »

Il faut abroger cette loi qui « attaque les immigrants en situation irrégulière dans chaque aspect de leur vie »

(Washington, le 14 décembre 2011) – La nouvelle loi de l’Alabama relative à l’immigration prive les immigrants illégaux et leurs familles, y compris les enfants nés citoyens américains, de leurs droits fondamentaux, menace leur accès aux services de base et leur refuse certaines protections juridiques, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

Le rapport de 52 pages, intitulé « No Way to Live: Alabama’s Immigrant Law » (« Quand vivre devient impossible : La loi de l’Alabama sur les immigrants ») décrit les conséquences de la loi relative à la protection des citoyens et des contribuables (Beason-Hammon Alabama Taxpayer and Citizen Protection Act), connue sous le nom HB 56, pour les immigrants illégaux et leur famille et pour les communautés d’Alabama auxquelles ils appartiennent. Le rapport s’appuie sur les témoignages directs de 57 résidents d’Alabama, parmi lesquels des citoyens et des résidents permanents, qui ont fait état d’abus et de discriminations commis au titre de la loi.

L’un des principaux initiateurs de la loi a lui-même déclaré, pendant les débats, que la loi « attaque les immigrants en situation irrégulière dans chaque aspect de leur vie ». En poussant les immigrants illégaux à au départ, cette loi refuse de reconnaître que nombre d’entre eux vivent en Alabama depuis des années et ont tissé des liens étroits et solides avec cet État, par leur appartenance à une famille qui compte des citoyens américains, par leur travail et par leur vie au sein de la communauté.

« Beaucoup des immigrants illégaux que nous avons rencontrés et leur famille sont profondément attachés à l’Alabama, » a déclaré Grace Meng, chercheuse pour le programme États-Unis de Human Rights Watch et auteur du rapport. « Leurs enfants sont évidemment affectés, mais nous avons également rencontré une enseignante qui s’efforçait de retenir ses larmes en nous racontant la peur de ses élèves, un pasteur qui a perdu trois quarts de sa congrégation et un résident permanent latino-américain qui a été arrêté par un policier uniquement en raison de son origine ethnique. »

De nombreux immigrants illégaux et leurs familles ont déjà quitté l’Alabama, et ceux qui restent trouvent la vie de plus en plus difficile, a constaté Human Rights Watch. Aux termes de la loi Beason-Hammon, les immigrants illégaux n’ont pas le droit de conclure une « transaction commerciale » avec l’État sous peine de commettre une infraction de catégorie C et d’encourir une peine de 1 à 10 ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 dollars. En conséquence, les administrations locales et gouvernementales ont déclaré que les immigrants illégaux ne pouvaient souscrire un abonnement au service de l’eau ou à d’autres services collectifs, ni vivre, pour certains d’entre eux, dans leurs caravanes (mobile homes) ou renouveler les permis dont dépendent leurs petites entreprises.

Plusieurs personnes ont affirmé à Human Rights Watch que des victimes de crimes n’osaient pas les signaler aux autorités. Certaines personnes qui n’avaient pas perçu leur salaire craignaient de le réclamer parce que la loi refuse aux immigrants illégaux le droit de saisir les tribunaux d’Alabama pour faire appliquer des contrats. Ceux qui font l’objet d’arrestations ne peuvent pas non plus se faire libérer sous caution, même pour les infractions les moins graves.

La nouvelle loi donne à la police et aux citoyens le droit officiel de pratiquer des discriminations contre les immigrants illégaux, les citoyens appartenant à une minorité ethnique et les résidents permanents, a observé Human Rights Watch. Un jeune homme, immigré illégal, a affirmé avoir été arrêté pour non possession de permis de conduire par un policier qui lui a répété à plusieurs reprises : « Tu n’as aucun droit. » Une employée d’une pharmacie a dit à une résidente permanente qu’elle ne pouvait pas lui délivrer les médicaments prescrits sur son ordonnance parce qu’elle n’était pas citoyenne américaine. Une mère, citoyenne des États-Unis, a raconté que sa fille, née dans ce pays, était rentrée de l’école en pleurant un jour parce qu’une de ses camarades de classe lui avait dit qu’elle devait rentrer au Mexique.

Human Right Watch a également relevé de nombreux cas où la loi nuit aux enfants dans l’Alabama. Bien qu’une disposition exigeant que les écoles vérifient la validité du séjour des élèves ait provisoirement été bloquée par un tribunal fédéral, de nombreuses familles ont retiré leurs enfants de l’école et fui l’État. Human Rights Watch a pu observer que celles qui sont restées vivent dans la crainte et l’incertitude. Une mère a raconté que sa fille, pourtant née en Alabama, ne se sent plus chez elle, et demande : « Pourquoi sommes-nous ici ? Ils ne veulent pas de nous. » Plusieurs parents ont déclaré avoir pris la décision difficile de ne plus se rendre à leurs rendez-vous médicaux de peur d’être arrêtés au volant. Une mère a même expliqué qu’elle avait peur de prendre la route pour emmener sa fille à l’hôpital lorsque celle-ci faisait une crise d’asthme.

La loi de l’Alabama relative à l’immigration a également commencé à nuire à l’économie de l’État et à son image. Les agriculteurs sont confrontés à un défaut de main d’œuvre, les entreprises qui emploient des immigrants connaissent des difficultés et certaines sociétés étrangères remettent en cause leurs investissements.

Alors que tout pays est habilité à réguler l’entrée d’immigrants sur son territoire, à expulser les immigrants illégaux et à faire appliquer les lois relatives à l’immigration à l’encontre des personnes qui ne sont pas autorisées à rester sur le territoire, le droit international énonce que toute personne a des droits fondamentaux du simple fait de son appartenance à l’espèce humaine, a rappelé Human Rights Watch. Le fait que la loi Beason-Hammon porte atteinte aux droits des enfants, voire aux droits de milliers de citoyens appartenant à une minorité ethnique et de résidents légaux, constitue un motif supplémentaire d’inquiétude.

Durant la phase de publication du rapport de Human Right Watch, le procureur général de l’Alabama, Luther Strange, a recommandé que le pouvoir législatif modifie ou abroge certaines dispositions de la loi. Il a également adressé des lettres d’orientation aux administrations de l’État pour limiter l’impact de la loi pour ce qui concerne l’accès aux services collectifs de base et au logement. Certains représentants ont exprimé leur volonté de modifier ou d’abroger le texte, alors que d’autres sont opposés à tout assouplissement de la loi. Une procédure est en cours devant les tribunaux de l’État et les tribunaux fédéraux sur la constitutionnalité de plusieurs dispositions. Pendant ce temps, en Alabama, l’incertitude concernant la mise en œuvre de la loi alimente les peurs des immigrants illégaux et de leurs familles.Une coalition d’organisations locales et nationales de défense des droits des immigrants prévoit un rassemblement le 17 décembre 2011 dans la capitale de l’Alabama, Montgomery, devant le capitole, pour manifester contre cette loi et appeler à son abrogation complète.

La plupart des immigrants illégaux rencontrés par Human Rights Watch vivent aux États-Unis depuis au moins dix ans, et beaucoup ont des enfants qui sont citoyens des États-Unis. Ces chiffres reflètent d’ailleurs une réalité nationale, puisqu'une étude récente a montré que près des deux tiers des immigrants illégaux vivent aux États-Unis depuis au moins dix ans et que près de la moitié sont parents de mineurs. La situation en Alabama montre que les efforts d’application de la loi ciblant les immigrants illégaux peuvent menacer les droits de citoyens américains et de résidents permanents et porter préjudice aux communautés et aux économies qui dépendent d’eux.

« Partout en Alabama, nous n’avons cessé d’entendre des immigrants nous répéter : ‘légal ou illégal, je n’en demeure pas moins humain’ », a conclu Grace Meng. « L’Alabama doit reconnaître les droits humains fondamentaux de tous les résidents de l’État et abroger immédiatement la loi Beason-Hammon. »

 

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