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Le mercredi 4 mai 2011, les juges d'un tribunal allemand de Stuttgart commenceront à entendre les éléments de preuve à charge de deux dirigeants rebelles rwandais, Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni, accusés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité perpétrés à des milliers de kilomètres de l'Allemagne, en République démocratique du Congo (RDC).

Ce procès est le premier à être intenté en Allemagne en vertu de son Code sur les crimes violant le droit international, adopté en juin 2002. Ledit code intègre dans le droit pénal allemand les crimes relevant du Statut de la Cour pénale internationale (CPI), et autorise les tribunaux allemands à ouvrir des enquêtes sur ces crimes et à les réprimer quel que soit l'endroit où ils ont été commis dans le monde, en raison de leur extrême gravité.

1. Qui sont Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni ?

Ignace Murwanashyaka est un ressortissant rwandais de 47 ans qui était le président, représentant légal et commandant suprême des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé principalement de Hutus rwandais et actif dans l'est de la RDC. Il est arrivé en Allemagne en 1989, a étudié l'économie à l'Université de Cologne et vit en Allemagne depuis lors. Il est devenu politiquement actif dans les cercles de la diaspora hutue rwandaise après le génocide perpétré au Rwanda en 1994. Il a été élu président des FDLR en 2001, effectuant ensuite plusieurs voyages en RDC pour s'y réunir avec des commandants des FDLR et des subalternes. Il a été réélu en 2005.

Straton Musoni, ressortissant rwandais âgé de 49 ans, a été le premier vice-président des FDLR et est l'adjoint de Murwanashyaka depuis 2004.

Au moment de leur arrestation en Allemagne le 17 novembre 2009, les deux hommes comptaient parmi les plus hauts dirigeants des FDLR. Ils ont tous deux été maintenus en détention préventive en Allemagne dans l'attente de leur procès.

2. Qui sont les FDLR et où opère ce mouvement rebelle ?

Les FDLR ont commencé à opérer dans la partie est de la RDC, sous divers noms, dans la foulée du génocide perpétré au Rwanda en 1994 contre les Tutsis. Certains membres auraient participé activement au génocide, au cours duquel plus d'un demi-million de personnes ont été tuées au Rwanda.

Depuis leurs bases situées dans l'est de la RDC, les FDLR recourent à la force militaire pour obtenir un changement politique et une représentation plus importante des Hutus au Rwanda.

Pendant des années, le gouvernement congolais s'est à maintes reprises tourné vers les FDLR (et les mouvements qui les ont précédées) pour bénéficier de leur soutien dans son combat contre l'armée rwandaise ou contre les groupes rebelles congolais appuyés par le gouvernement rwandais actuel. Cette situation a changé en 2009 à la suite d'un spectaculaire bouleversement des alliances politiques et d'un rapprochement entre les gouvernements congolais et rwandais. En janvier 2009, le gouvernement congolais, associé à l'armée rwandaise et ensuite à la force de maintien de la paix de l'ONU en RDC (la MONUC, rebaptisée MONUSCO), a lancé une offensive militaire visant à neutraliser les FDLR. Cette vague d'affrontements a été caractérisée par des attaques menées contre les civils tant par les FDLR que par les armées congolaise et rwandaise.

En 2009, tout comme lors des années précédentes, les troupes FDLR, estimées à 6 000 hommes, ont mené des attaques brutales et généralisées contre les civils congolais. Human Rights Watch a recueilli des informations sur de nombreux massacres délibérés de civils, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées. Les combattants FDLR ont tué leurs victimes à coups de machette et de houe, et ils ont pillé et incendié des maisons, parfois avec les habitants enfermés à l'intérieur. Ils se sont également livrés à de nombreux viols et actes de violence sexuelle.

3. Quelles sont les accusations précises portées à l'encontre de Murwanashyaka et de Musoni ?

Dans sa décision rendue le 1er mars 2011 acceptant l'acte d'accusation du parquet fédéral et renvoyant l'affaire en jugement, le tribunal de Stuttgart a précisé que les deux suspects étaient inculpés de 26 chefs de crimes contre l'humanité et de 39 chefs de crimes de guerre en vertu du Code allemand sur les crimes violant le droit international (CCVDI), crimes qui auraient été commis par les FDLR sur le territoire congolais entre janvier 2008 et le 17 novembre 2009. Murwanashyaka et Musoni sont soupçonnés, à l'instar d'autres individus, d'avoir promu et ordonné la mise en œuvre d'une stratégie en vertu de laquelle les troupes FDLR devaient créer une « catastrophe humanitaire » dans l'est du Congo en menant des attaques systématiques contre la population civile. Ladite stratégie aurait été destinée à forcer la communauté internationale à réagir et à pousser le gouvernement rwandais à négocier avec les FDLR.

Murwanashyaka et Musoni sont également inculpés d'appartenance à un groupe terroriste (les FDLR), ce qui constitue un délit au regard du code pénal allemand.

Les détails plus précis concernant les charges retenues à l'encontre de Murwanashyaka et de Musoni ne sont pas encore connus, le document énonçant celles-ci n'ayant pas été rendu public. Les charges seront lues par le procureur lors de l'ouverture du procès.

4. Comment Murwanashyaka et Musoni pourraient-ils avoir commis ces crimes alors qu'ils ne se trouvaient pas en RDC ?

Au regard du droit international, ceux qui ordonnent la perpétration de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité sont, à l'instar de ceux qui les commettent, pénalement responsables. Une personne en position d'autorité peut être tenue responsable de crimes commis par ses subalternes en vertu de sa responsabilité de commandement (par exemple en raison de son rôle en tant que commandant militaire ou chef civil). Conformément à cette règle, la section 4 du CCVDI allemand dispose qu' « un commandant militaire ou supérieur civil qui omet d'empêcher son subalterne de commettre un délit conformément à la présente loi sera passible de la même sanction que l'auteur du délit commis par ce subalterne [...] ».

Les FDLR forment un groupe armé rigoureusement organisé, avec une chaîne de commandement claire. Elles disposent d'une branche politique, qui était dirigée par Murwanashyaka depuis Mannheim (Allemagne) jusqu'à son arrestation en novembre 2009, et d'une branche militaire dirigée par le Général Sylvestre Mudacumura, basé dans l'est du de la RDC. Selon les recherches effectuées par Human Rights Watch, Murwanashyaka exerçait une influence considérable sur les combattants FDLR et était notamment en communication régulière avec ceux qui se trouvaient sur le terrain dans l'est de la RDC. Les contacts réguliers entre Murwanashyaka et les commandants militaires des FDLR, dont le Général Mudacumura, sont attestés par de nombreuses sources : par exemple, le Groupe d'experts de l'ONU sur la RDC[1] a établi qu'entre septembre 2008 et août 2009, 240 communications téléphoniques avaient été passées entre Murwanashyaka et des chefs militaires des FDLR dans l'est du pays.

Plusieurs commandants et combattants de rang inférieur des FDLR ont confirmé à Human Rights Watch et à d'autres que les décisions visant le groupe, y compris celles concernant les opérations militaires, étaient prises par leur président, Murwanashyaka. Dans un entretien avec des chercheurs de Human Rights Watch en août 2009, Murwanashyaka a confirmé qu'il jouait un rôle direct dans la chaîne de commandement des FDLR et que les commandants et combattants FDLR considéraient qu'il était le « décideur » final ; il a déclaré être « le commandant suprême » des FDLR.

Le tribunal de Stuttgart entendra les éléments de preuve à charge recueillis par le parquet fédéral et les éléments de preuve à décharge présentés par la défense afin d'établir si les crimes présumés avoir été commis en RDC se sont réellement produits, et si les accusés exerçaient un contrôle effectif sur les troupes FDLR qui se sont livrées à des atrocités à l'encontre des civils.

5. Pourquoi ce procès a-t-il lieu en Allemagne ? Les suspects sont-ils jugés en vertu du principe de compétence universelle ?

Tant Murwanashyaka que Musoni résident en Allemagne et auraient dirigé la perpétration de crimes en RDC depuis le territoire allemand. Aux termes du CCVDI, qui intègre dans le droit pénal allemand les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale - à savoir les crimes de guerres, les crimes contre l'humanité et le crime de génocide -, l'Allemagne est légalement tenue d'ouvrir une enquête et d'engager des poursuites à leur encontre pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité dont ils sont accusés.

Dans l'affaire Murwanashyaka et Musoni, il existe un lien clair entre l'Allemagne et les crimes, puisque c'est depuis leurs domiciles en Allemagne que les accusés auraient ordonné les crimes ou n'auraient rien fait pour y mettre fin alors qu'ils auraient pu le faire.

Le CCVDI octroie de plus aux tribunaux allemands une compétence universelle à l'égard de ces crimes, ce qui signifie que les tribunaux allemands sont compétents pour juger des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et le crime de génocide, même si ces actes ont été commis à l'étranger, par un ressortissant non allemand et à l'encontre d'un ressortissant non allemand-en d'autres termes, même s'ils n'ont aucun lien avec l'Allemagne.

Les cours allemandes sont donc compétentes dans cette affaire, que ce soit sur la base d'une compétence territoriale ou universelle.

6. Pourquoi cette affaire ne peut-elle pas être jugée en RDC ou au Rwanda ?

Le système judiciaire congolais n'est pas en mesure de traiter une affaire impliquant les dirigeants d'un groupe armé encore actif dans la région. Les enquêteurs et procureurs congolais ont des capacités et une expérience limitées en matière d'enquête sur des crimes internationaux graves, notamment lorsqu'il s'agit d'établir les responsabilités associées à la chaîne de commandement plutôt qu'à une perpétration directe, ainsi que les liens existant entre les ordres donnés au plus haut niveau et les événements sur le terrain. Assurer la sécurité des témoins et du personnel judiciaire constituerait également un très lourd défi pour l'appareil judiciaire congolais en l'absence de tout système de protection.

La capacité des tribunaux rwandais à juger les deux hommes conformément aux normes internationales en matière de procès équitable suscite également des inquiétudes. En décembre 2008, la Haute Cour régionale de Karlsruhe a rejeté une demande d'extradition du Rwanda visant Murwanashyaka au motif que ce dernier risquait de ne pas bénéficier d'un procès équitable au Rwanda. Sur la base de ses propres recherches concernant le système judiciaire rwandais, Human Rights Watch estime qu'il n'existe pas de garanties suffisantes en matière de procès équitable pour que l'Allemagne extrade Murwanashyaka et Musoni vers le Rwanda.

Il est dès lors particulièrement important pour l'Allemagne de respecter l'obligation légale qui lui incombe de poursuivre Murwanashyaka et Musoni en l'absence d'autre instance crédible capable de les juger.

7. Pourquoi la CPI ne s'est-elle pas saisie de l'affaire Murwanashyaka et Musoni ?

La CPI mène des enquêtes en RDC depuis 2004, à la suite du défèrement de la situation par le président congolais, Joseph Kabila. La cour a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre de quatre chefs rebelles du district d'Ituri ; trois d'entre eux comparaissent actuellement en jugement à La Haye tandis que le quatrième, Bosco Ntaganda, aujourd'hui général servant dans les rangs de l'armée congolaise, est toujours en liberté dans l'est de la RDC. En septembre 2008, le procureur de la CPI a annoncé qu'il allait porter son attention sur les provinces du Nord et du Sud-Kivu, où les FDLR, ainsi que d'autres groupes armés, sont actifs. En octobre 2010, la CPI a délivré un mandat d'arrêt à l'encontre du secrétaire exécutif des FDLR, Callixte Mbarushimana (voir plus loin, question 11).

Aux termes du Statut de Rome établissant la CPI, c'est aux États parties qu'il incombe au premier chef d'ouvrir des enquêtes et de réprimer les crimes qui relèvent de la compétence de la cour. La CPI ne peut agir qu'en dernier recours, lorsque les États compétents n'ont pas la volonté d'agir ou sont dans l'incapacité d'engager des poursuites. Dans le cas de Murwanashyaka et de Musoni, les autorités judiciaires allemandes ont rempli l'obligation légale qui leur incombe d'enquêter sur les accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité visant ces deux personnes. La CPI n'a dès lors pas besoin d'intervenir.

8. Quelle importance revêt cette affaire ?

Cette affaire envoie un signal fort aux dirigeants des FDLR et à d'autres qui ont perpétré des violations graves du droit international, leur faisant comprendre qu'ils seront rattrapés par la justice, quel que soit l'endroit où ils cherchent à se cacher. Ce message s'avère particulièrement important au vu du soutien considérable que les FDLR ont reçu des cellules et antennes de la diaspora en Europe (en Norvège, en Suède, en Autriche, en Suisse, au Danemark, en Belgique et en France), en Amérique du Nord (au Canada et aux États-Unis) et en Afrique (notamment au Burundi, en Tanzanie, en Afrique du Sud, en Ouganda et au Soudan).

Au cours des deux dernières décennies, les tribunaux nationaux d'un certain nombre de pays se sont montrés de plus en plus enclins à enquêter et à réprimer les crimes internationaux graves commis à l'étranger, limitant ainsi progressivement le nombre de pays où les criminels de guerre présumés peuvent espérer jouir de l'impunité.

La présente affaire est également importante du fait qu'il s'agit de la première action intentée en Allemagne en vertu du CCVDI. Jusqu'à il y a peu, aucune des plaintes déposées par des victimes ou des organisations non gouvernementales n'avait débouché sur une procédure judiciaire. Dans le passé, les responsables judiciaires allemands s'étaient montrés réticents à mener les enquêtes nécessaires à l'étranger, dans les pays où les crimes avaient été commis.

Avec cette affaire-et une autre intentée contre un Rwandais soupçonné de génocide, Onesphore Rwabukombe, dont le procès a débuté en janvier 2011 devant un tribunal allemand à Francfort[2]-, l'Allemagne rejoint le club en pleine expansion des États disposés à faire davantage honneur à leur engagement en faveur de la lutte contre l'impunité pour les crimes internationaux graves en octroyant à leurs tribunaux nationaux une compétence à l'égard de ces crimes, quel que soit l'endroit où ils sont commis. Des poursuites analogues ont été engagées dans un certain nombre de pays, dont l'Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, la France, les Pays-Bas, la Norvège, l'Espagne, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis.

9. Quels sont quelques-uns des défis auxquels sont confrontés les responsables judiciaires allemands dans le cadre de ce procès ?

Enquêter et réprimer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, en particulier lorsqu'ils se sont produits dans un pays étranger situé à des milliers de kilomètres du lieu de ces crimes, constitue un exercice complexe qui exige des connaissances, une expertise et des ressources spécifiques. Des précédents positifs existent toutefois, notamment dans d'autres pays européens, où le personnel judiciaire national a mis au point des réponses novatrices et créatives pour relever les défis.

L'une de ces pratiques novatrices est la création d' « unités nationales chargées des crimes de guerre », composées de policiers et de procureurs qui se focalisent sur les enquêtes portant sur les crimes internationaux graves, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, le génocide et la torture. La Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis disposent de ce type d'unités, et la France est sur le point d'en créer une. Ce modèle permet à la police et aux procureurs de se spécialiser dans des techniques d'enquête et de poursuites propres à ces crimes.

En avril 2009, l'Office fédéral de la police judiciaire allemande (Bundeskriminalamt) a mis en place, au sein de la Division de la sûreté de l'État, une Unité centrale de lutte contre les crimes de guerre et autres délits en application du Code sur les crimes violant le droit international. L'unité compte sept enquêteurs permanents qui se consacrent à enquêter sur les accusations de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide. Elle opère en étroite collaboration avec des procureurs du parquet fédéral, également affectés à ce type d'affaires. Cette unité, avec les procureurs, a enquêté et préparé intensivement le dossier Murwanashyaka et Musoni en vue du procès, effectuant entre autres plusieurs missions dans la région des Grands Lacs.

Au stade du procès, de nouveaux défis se poseront. Tout d'abord, les juges allemands du tribunal de Stuttgart devront se familiariser avec l'histoire du conflit et avec les crimes commis dans l'est de la RDC, ainsi qu'avec un contexte et des cultures qui lui seront étrangers. La comparution des témoins provenant de la RDC exigera une préparation minutieuse. Les victimes et témoins de crimes graves risquent de requérir des mesures de protection spécifiques ainsi qu'une prise en charge psychologique. Le tribunal devra également veiller à ce que les droits des accusés soient scrupuleusement respectés et à ce que les accusés se voient octroyer tous les moyens nécessaires pour se constituer un véritable dossier de défense. Un dernier défi consistera à faire en sorte que les communautés affectées de l'est de la RDC aient accès à certaines informations relatives au procès. Cela pourrait nécessiter le recours à des formes de communication inhabituelles pour un tribunal allemand, par exemple la publication de communiqués de presse dans des langues autres que l'allemand ou la mise à disposition de transcriptions de témoignages (si la sécurité le permet) dans la langue originale dans laquelle s'expriment les témoins.

10. Combien de temps va durer le procès ?

La durée du procès est difficile à prédire. Au stade actuel, des audiences sont prévues jusqu'à la fin de l'été 2011. Compte tenu de la complexité de l'affaire, les observateurs prédisent que le procès durera probablement plusieurs mois.

11. Un autre dirigeant FDLR n'a-t-il pas été arrêté récemment en France ?

Le 11 octobre 2010, la police française a procédé à l'arrestation de Callixte Mbarushimana, secrétaire exécutif des FDLR, en vertu d'un mandat d'arrêt délivré par la CPI. Mbarushimana est recherché par la CPI pour des crimes contre l'humanité (meurtres, tortures, viols et actes inhumains) et des crimes de guerre (attaques contre la population civile, destructions de biens, meurtres, tortures, viols, traitements inhumains et persécutions) qui auraient été commis dans l'est de la RDC en 2009. Le procureur de la CPI a déclaré qu'il envisageait d'inclure des charges supplémentaires à l'encontre de Mbarushimana pour des incidents qui se sont produits en 2010, si les éléments de preuve le permettent. Mbarushimana a été transféré à La Haye fin janvier. L'audience de la CPI visant à établir s'il existe des éléments de preuve suffisants pour renvoyer l'affaire en jugement doit s'ouvrir le 4 juillet.

Mbarushimana avait endossé le rôle de leader des FDLR à la suite de l'arrestation de Murwanashyaka et de Musoni en Allemagne. Il vivait en France depuis 2003 et assumait ses fonctions de secrétaire exécutif des FDLR depuis la France. À la différence de l'Allemagne, la France ne disposait pas d'une loi nationale octroyant à ses tribunaux une compétence à l'égard des crimes qu'il est accusé d'avoir commis en tant que dirigeant des FDLR jusqu'en août 2010, date à laquelle la loi d'application du Statut de la CPI a finalement été adoptée par le parlement français.[3]

12. Les FDLR ont-elles cessé de commettre des crimes maintenant que plusieurs de leurs dirigeants ont été arrêtés ?

L'arrestation de trois des hauts dirigeants politiques des FDLR a considérablement affaibli la branche politique du groupe et ses réseaux de soutien en dehors de la région des Grands lacs. Les membres de la diaspora n'étant plus disposés à occuper des postes officiels au sein des FDLR, ce sont les chefs militaires basés dans l'est de la RDC qui ont assuré la relève aux postes politiques clés. Les arrestations, conjuguées aux pressions militaires constantes et aux efforts qui continuent d'être déployés par le programme de désarmement, de démobilisation, de réintégration, de réhabilitation et de rapatriement (DDRRR) de l'ONU, ont contribué à ce que 2 360 combattants FDLR et enfants associés au groupe, y compris 81 officiers, quittent le mouvement rebelle depuis janvier 2010. Le groupe reste néanmoins très bien organisé, comptant dans ses rangs entre 2 500 et 3 000 combattants environ et disposant d'une structure et d'une chaîne de commandement claires.

Bon nombre des partisans de la ligne dure opèrent encore dans les forêts de l'est de la RDC, où ils continuent de commettre des atrocités et de recruter par la force de nouveaux combattants, dont des enfants, pour regarnir leurs rangs. Les recherches de Human Rights Watch ont identifié au moins 83 enfants congolais de moins de 18 ans, dont certains n'avaient pas plus de 14 ans, recrutés par les FDLR au cours des derniers mois de 2010. Selon des sources onusiennes, au moins 300 nouveaux combattants ont été recrutés rien qu'en février 2011, principalement autour de l'un des principaux camps d'entraînement des FDLR en territoire de Walikale, dans la province du Nord-Kivu.

Les combattants FDLR continuent à tuer, à violer, à enlever des personnes, à kidnapper aux fins de tirer des rançons et à incendier des maisons de civils, provoquant le déplacement de milliers de civils. Dans l'un des pires incidents survenus récemment, au moins 53 femmes et filles ont été violées par des combattants FDLR dans le sud de Fizi, au Sud-Kivu, entre le 19 et le 21 janvier 2011.


 


[1] Le Groupe d'experts a été établi en 2004 par la résolution 1533 du Conseil de sécurité de l'ONU pour aider le Comité des sanctions du Conseil de sécurité à contrôler l'application du régime de sanctions en RDC, particulièrement dans le Nord et le Sud-Kivu et en Ituri. Voir « Rapport final du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo établi en application du paragraphe 8 de la résolution 1857 (2008) du Conseil de sécurité », 23 novembre 2009, para. 92, http://www.un.org/french/sc/committees/1533/experts.shtml (consulté le 22 avril 2011).

[2] Cette affaire est jugée en vertu du code pénal allemand car les crimes, qui auraient été perpétrés pendant le génocide rwandais de 1994, se sont produits avant l'adoption du CCVDI en juin 2002.

[3] « France : L'arrestation du chef rebelle rwandais Callixte Mbarushimana envoie un message fort »,

communiqué de presse de Human Rights Watch, 11 octobre 2010, https://www.hrw.org/fr/news/2010/10/11/france-l-arrestation-du-chef-rebel....

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