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Questions-réponses sur les restrictions relatives aux symboles religieux en Europe

Contribution au débat sur le rôle de l´État en matière de religion et de pratiques traditionnelles

Un nombre croissant de pays européens a adopté ou envisage des restrictions sur les vêtements religieux dans les espaces publics. Ces restrictions font suite au débat en Europe sur le port du voile islamique. Ce débat reflète les tensions au sein de sociétés qui se retrouvent du fait de leur caractère pluraliste croissant confrontées à des questions d´intégration, d´identité nationale et de sécurité.

Si de nombreuses mesures proposées et adoptées se veulent neutres sur le papier - l´interdiction de tous vêtements ou symboles religieux ou voiles couvrant le visage - le débat public et politique porte surtout sur les différents voiles portés par les musulmanes : le hijab, le foulard qui couvre les cheveux ; le niqab, qui masque le visage et le cou et laisse apparaître les yeux ; et la burqa, qui dissimule l´ensemble du visage et du corps.

Il n´existe pas de données précises et fiables permettant d´évaluer le nombre de femmes habitant en Europe et portant un voile couvrant intégralement leur visage, mais il est évident qu´elles ne constituent qu'une très faible minorité. En France, on estime qu´elles sont entre 700 et 2000, environ 150-200 au Danemark et 300-400 en Belgique.

En France, on interdit aux fonctionnaires, notamment aux enseignants, d´arborer des symboles religieux. De même, on interdit aux élèves des écoles publiques le port d'un symbole religieux « ostentatoire », quel qu´il soit, notamment le voile, le turban sikh et le couvre-chef juif (la kippa). Les autorités ont précisé que cette interdiction concernait également les croix chrétiennes « de grande taille » mais excluait les crucifix « de taille normale » portés en pendentifs. En Allemagne, huit Länder (États) sur seize ont adopté une législation interdisant aux enseignants des écoles publiques de porter des vêtements et des symboles religieux, tandis que les débats parlementaires et les circulaires visaient ouvertement le voile islamique. Dans deux de ces Länder, ces restrictions ont été étendues à d´autres fonctionnaires, voire à tous.

En septembre 2010, le parlement français a adopté une loi interdisant de dissimuler son visage en public, visant en fait l´interdiction dans l´espace public du port du voile islamique couvrant tout le visage. Cette loi, approuvée par le Conseil Constitutionnel en octobre 2010, punit d´un an de prison ferme et de 30 000 euros d´amende toute personne forçant une femme à porter ce voile. Lorsqu´elle entrera en vigueur, au printemps 2011, les femmes qui enfreindront cette loi devront payer une amende de 150 euros et /ou suivre un cours de « citoyenneté ».

En Belgique, en avril dernier, la chambre des représentants du Parlement a approuvé une loi comprenant des restrictions similaires, qui est toujours en attente d'approbation par le Sénat. En Espagne, en juin 2010, le Sénat a adopté une résolution non contraignante appelant à interdire dans l´espace public les vêtements ou les accessoires couvrant intégralement le visage, arguant que la majorité des Espagnols considère le voile intégral islamique comme « discriminatoire, dangereux et contraire à la dignité des femmes et à l´égalité réelle en vigueur entre les hommes et les femmes ». Le gouvernement espagnol a déclaré que cette interdiction ferait partie de la future réforme sur la loi espagnole relative à la liberté religieuse. Aux Pays-Bas, en octobre 2010, un projet visant à interdire le voile a également été intégré à l´accord  du gouvernement de coalition. Des mesures nationales similaires ont été proposées dans d´autres pays comme l´Italie, le Royaume-Uni et le Danemark, tandis que plusieurs villes de Belgique, des Pays-Bas, d´Espagne et d´Italie ont déjà adopté ou envisagent d'adopter certaines interdictions au niveau local.

Ce débat soulève des questions difficiles et importantes sur l´interaction entre différents droits fondamentaux, notamment les droits liés à la liberté religieuse et le droit des femmes. Il pose également la question du rôle de l´État en matière de religion et de pratiques traditionnelles : comment, quand et où l´État a-t-il le droit de restreindre le port de vêtements et de symboles religieux ? 

Que préconise la législation internationale sur les droits humains  concernant les vêtements et les symboles religieux ?

La législation sur les droits humains garantit le droit à la liberté de religion, notamment le droit de manifester ses croyances religieuses par la prière, la pratique et l´enseignement dans les sphères privée et publique.  Elle oblige les États à garantir le droit à la vie privée, droit à l´autonomie compris, et donc la liberté de choisir quels vêtements porter en privé et en public. Les États doivent faire respecter le droit à l´égalité et à la non-discrimination, particulièrement en interdisant la discrimination fondée sur la religion ou sur le genre. Enfin, les États doivent protéger les droits des minorités religieuses à l´intérieur de leurs frontières.

Le Comité des droits de l´Homme des Nations Unies a clairement exprimé que toute dévotion à un culte inclut le port de symboles, et que l´observance d'une religion et sa pratique peuvent inclure le port de vêtements ou de couvre-chefs distinctifs.

Tout comme la grande majorité des droits, ni la liberté de religion ni le droit à l´autonomie ne sont des droits absolus selon la législation sur les droits humains. Les gouvernements sont donc en mesure de restreindre ces droits, à condition de prouver que de telles restrictions sont indispensables au maintien de la sûreté publique, de l´ordre public, de la santé et de la moralité publiques ou des libertés et droits fondamentaux d´autrui. Le seuil est élevé pour qu'un gouvernement justifie ces interdictions.

Les gouvernements qui tentent d´interdire le port de voiles couvrant entièrement le visage n´ont pas pu démontrer, au regard des restrictions permises, que le port du voile représente une menace justifiant une interdiction absolue. En outre, la législation internationale impose que toute restriction de liberté religieuse soit non discriminatoire et proportionnée. Or, même si les interdictions envisagées et en vigueur sont rédigées dans des termes neutres - il est interdit de dissimuler son visage en public - l´objectif et la logique   avérés sont, de fait, d'empêcher le port du voile couvrant intégralement le visage, et cela risque d´avoir un impact disproportionné sur les femmes musulmanes. En d´autres termes, ces interdictions sont, en pratique, discriminatoires.  

L´interdiction du port du voile peut paraître légitime -la nécessité de vérifier l´identité de quelqu´un, de protéger les femmes de l´oppression- mais son caractère radical et public est disproportionné, notamment quand il sanctionne les femmes voilées. Il est possible d´adopter des mesures moins restrictives, comme celles qui sont proposées ci-dessous.

Human Rights Watch a connaissance du point de vue selon lequel le voile intégral n´est une pratique religieuse ni sanctionnée ni prescrite par l´Islam mais une pratique culturelle originaire de certaines zones géographiques. Notre rôle n´est pas de participer à un débat théologique mais de rappeler que l´État n´a pas à définir ni à interpréter la signification de symboles religieux puisqu´il s´agit là d´actes individuels. Le droit à la liberté de religion et le droit de croyance protègent les minorités religieuses mais aussi les dissidents des majorités religieuses et les athées. Le droit international relatif aux droits humains dispose que l´État ne peut ni interdire ni imposer une croyance religieuse ou ses manifestations particulières.

Quelle est l´opinion des organisations internationales dans le domaine des droits humains , sur ces questions?

Les organisations internationales travaillant sur les droits humains ont critiqué les restrictions visant le foulard et les voiles. Thomas Hammarberg, Commissaire aux Droits de l´Homme du Conseil de l´Europe, a jugé que l´interdiction générale de la burqa et du niqab était « une invasion peu judicieuse de la vie privée individuelle » et a également souligné l´importance du droit de manifester librement sa propre religion et du droit à la non-discrimination. Le secrétaire général et l´Assemblée Parlementaire du Conseil de l´Europe se sont également opposés à une telle interdiction. Le Comité des Droits de l´Enfant des Nations Unies a exprimé son inquiétude face à l´interdiction des symboles religieux à l´école, susceptible d´aller à l´encontre du principe de base de l´intérêt supérieur de l´enfant et du droit à l´éducation. Il a enjoint la France à s´assurer qu´aucun enfant ne serait exclu ou marginalisé du système scolaire suite à l´entrée en vigueur de cette loi.

La Cour Européenne des Droits de l´Homme donne aux gouvernements une marge considérable pour décider si les restrictions sur les vêtements religieux appliquées aux fonctionnaires et dans les bâtiments publics sont compatibles avec la législation sur les droits humains. Dans plusieurs cas, la Cour a soutenu ces restrictions contre des étudiants et des enseignants portant le foulard et le turban à l´école et à l´université. Elle a également soutenu la législation française qui oblige désormais les Sikhs à ôter leur turban sur la photographie de leur permis de conduire. (À ce jour la Cour n'a toujours pas eu à instruire d'affaire relative au port de la kippa juive.)

Human Rights Watch ne partage pas l´avis de la Cour sur ces cas. Nous croyons que la Cour n´a pas expliqué aux États l´importance de justifier sérieusement ces restrictions ni l´impact que ces dernières ont sur la vie des personnes concernées (notamment les hommes et jeunes garçons sikhs en France), ni l´impact discriminatoire de ces interdictions qui affectent principalement les femmes et les jeunes filles portant le foulard. Dans de nombreux cas, la Cour a pris sa décision sans demander au gouvernement de justifier ces restrictions.

Il est important de signaler qu´en février 2010, dans un cas contre la Turquie, la Cour Européenne des Droits de l´Homme a décidé que l´application de restrictions sur le port, dans l´espace public, de vêtements religieux par les membres d´une minorité représentait une violation de leur droit à la liberté de religion. Ceci suggère donc que l´interdiction générale publique du port du voile masquant le visage est incompatible avec la législation sur les droits humains.

Quelle est la position de Human Rights Watch concernant l´ingérence de l´État en matière de vêtements et de symboles religieux ?

Human Rights Watch ne prend pas position sur le caractère souhaitable ou non du port du foulard ou du voile couvrant le visage. Nous nous opposons autant à la politique de port forcé du voile qu´à l´interdiction totale de porter des vêtements religieux. Nous défendons la liberté de religion de la même manière que nous défendons la liberté d´expression - nous soutenons le droit qu'a chacun d´exprimer une opinion que d´autres jugent contraire aux principes de la dignité humaine, de la tolérance et du respect, et susceptible de causer de graves offenses, compte tenu de l'importance fondamentale de la liberté de religion et d´expression dans les sociétés démocratiques.

Nous nous opposons également aux lois interdisant aux fonctionnaires, notamment aux enseignants, de porter des symboles religieux sur leur lieu de travail, à moins de prouver que ces symboles ont un impact direct sur leur capacité de travail. S´il est vrai que les autorités peuvent interdire aux enseignants des écoles publiques de faire du prosélytisme religieux, les écoles peuvent également régler ce problème individuellement, grâce à des procédures disciplinaires internes. En outre, si l´État autorise ses employés à afficher leurs croyances en portant des symboles religieux, cela ne signifie en aucun cas qu´il adhère à ces croyances, et cela n´entame ni la neutralité, ni la capacité d´un fonctionnaire à faire son devoir. Il s´agit simplement du respect de la diversité religieuse.

L´interdiction par l´État du port du voile intégral peut néanmoins s´avérer raisonnable pour les professions où la dissimulation du visage peut interférer avec les conditions élémentaires de travail. Par exemple, il peut être légitime d´exiger que les fonctionnaires en contact avec le public et les enseignants des écoles publiques aient toujours le visage découvert. Mais de telles restrictions doivent être adaptées aux cas où le travail exige de montrer son visage, et il n´est pas légitime de les appliquer au port de symboles religieux ne couvrant pas le visage, tels que le foulard, la kippa, le crucifix ou le turban.

Et dans les pays où les femmes sont obligées de porter le foulard, le niqab ou la burqa ?

Human Rights Watch s´oppose aux politiques imposant le port du voile ou d´autres vêtements religieux telles qu´elles existent à Aceh (Indonésie), en Arabie Saoudite, en Iran, dans certaines régions de Somalie, à Gaza, dans la République russe de Tchétchénie, ainsi qu'en Afghanistan sous le régime des Talibans. Il s´agit d´une violation du droit à l´autonomie personnelle des femmes et de leur liberté de religion, de conscience et de croyance. En outre, nous reconnaissons, preuves à l´appui, que les pratiques et les politiques basées sur la religion peuvent avoir un impact négatif sur le droit des femmes, et qu´au nom de la religion, des femmes et des jeunes filles sont soumises à la violence et à l´oppression.

Lorsque les gouvernements interdisent ou imposent le port de vêtements religieux, ne reflètent-ils pas simplement le consensus social en vigueur dans leur pays ?

Human Rights Watch rejette l'argument selon lequel les lois imposées par l´État concernant le port du voile dans certaines régions du monde islamique et l´interdiction de porter des vêtements religieux en Europe ne seraient que le simple reflet de normes sociales en vigueur dans ces pays. Les principes des droits humains protègent tous les individus, et en particulier les membres des minorités, contre des lois reflétant des normes sociales oppressives. Ces lois sont d´ailleurs relativement récentes, qu´il s´agisse d´interdire le port de certains vêtements religieux en Europe ou de les imposer dans d´autres régions du monde.

 De même, nous ne sommes pas convaincus que les politiques imposant le port du voile expriment un concept de décence de la société analogue aux lois prohibant la nudité en public. En effet, les lois qui prônent la décence et condamnent la nudité dans l´espace public sont virtuellement universelles ; elles ne sont pas liées et n´entraînent pas de restrictions de droits, et elles ne font pas non plus l´objet de grandes controverses. À l´inverse, le port forcé du voile - et en particulier celui du niqab et de la burqa - est associé à de graves violations des droits humains. Enfin, l´objectif, la signification et la nature des voiles varient considérablement selon les communautés et les nations et font l´objet de polémiques au sein même des communautés musulmanes.

En même temps, les restrictions concernant le port du voile en public, tout comme le port forcé du voile, constituent une violation des droits des femmes. Les musulmanes, comme toutes les femmes, devraient avoir le droit de s´habiller comme elles le souhaitent et de décider de leur vie et du mode d´expression de leur foi, de leur identité et de leurs valeurs morales.

Mais le voile n´est-il pas le symbole de l´asservissement des femmes ?

L´un des principaux arguments utilisés en faveur de l´interdiction est qu´elle aide à libérer les femmes obligées de porter le voile. Pour beaucoup de gens, le voile intégral est un symbole fort de l´oppression et de l´asservissement des femmes musulmanes. La burqa est associée aux Talibans, qui ont violé de manière systématique les droits et les libertés fondamentales des femmes afghanes, les laissant avec la plus faible espérance de vie de toute la région et l´un des plus forts taux de mortalité maternelle.

Le port forcé du voile figure sur une liste d´une longueur alarmante recensant les abus dont les femmes de toutes les religions, traditions et sociétés du monde sont victimes. Les États sont tenus d´éradiquer la violence et la discrimination contre les femmes dans les sphères publique et privée, notamment par l´usage adéquat du droit pénal pour punir leurs instigateurs.

Mais à trop généraliser sur l´oppression des femmes on nuit aux principes de base de l´égalité des sexes : le droit à l´autodétermination et à l´autonomie, le droit de décider de sa vie sans que l´État ou autrui n´interfère. Il existe sans aucun doute des femmes que l´on force à porter le voile ou qui s´y sentent obligées, en dépit de leurs convictions. Il existe également des femmes musulmanes européennes qui déclarent avoir choisi de porter le voile pour exprimer leur foi et affirmer leur identité. Il est important de reconnaître qu´une femme peut porter le voile par choix , de même qu'une personne peut adopter en tant qu'expression de sa propre personnalité d'autres convictions ou comportements  issus d'influences sociétales, familiales ou religieuses.

Le droit à l´autonomie, un principe essentiel des droits des femmes, fait partie intégrante du droit à la vie privée un droit que garantit le droit international des droits humains. Le droit à l´autonomie inclut le droit de prendre ses décisions librement, selon ses propres valeurs, croyances, besoins et situation personnelle. L´exercice de ce droit suppose de n´être soumis à aucune pression ou restrictions illégitimes et inclut également le droit à adopter un style de vie que  d'autres membres de la société désapprouvent ou jugent néfaste pour la personne qui adopte ce style de vie.

Sur le plan pratique, il est difficile de concevoir comment des lois à caractère prohibitif qui visent des femmes font avancer la cause de l'égalité entre hommes et femmes. Les lois locales et l´interdiction nationale promulguée en France au mois d´octobre 2010 prévoient un éventail de sanctions à l´encontre des femmes passeraient outre à l'interdiction, notamment des amendes, des cours de bonne « citoyenneté » et des travaux d´intérêt public. En Belgique, l´interdiction dont on attend l´approbation finale par le Sénat, prévoit jusqu´à sept jours d´emprisonnement.

Nos recherches montrent que interdiction faite aux enseignantes de porter le foulard dans certaines régions d´Allemagne a poussé les femmes musulmanes pratiquantes à abandonner la carrière qu´elles s'étaient choisies, causant la perte de leur indépendance, une régression de leur statut social et un affaiblissement de leur autonomie financière, bien qu´il n´existe pas de données fiables sur le nombre de femmes touchées. Interdire l'accès à des professions à des femmes forcées par des membres de leur famille à porter le foulard ne les protège pas de l´oppression. A l'opposé, ces réglementations de l´État semblent accroître la discrimination des femmes portant le foulard dans le secteur privé. Ces interdictions pourraient mener à une détérioration de leur statut social au lieu de les responsabiliser.

Quant aux voiles couvrant intégralement le visage, les arguments s´avèrent tout aussi peu convaincants. Une interdiction concernant le voile intégral dans l´espace public transformerait la « prison ambulante » des femmes forcées de se voiler en une autre geôle en briques et en ciment : leur foyer, puisque les hommes de leur famille pourraient refuser de les laisser sortir sans leur voile. Une forte censure sociale au sein des communautés musulmanes contre le port du voile intégral et contre le port forcé du voile en général serait sans doute plus efficace pour soutenir les femmes que des lois et des amendes. L´autorité de l´État ou la pénalisation des victimes ne supprimera pas l´oppression qu´elles subissent. Il faut plutôt assurer l'accès à l'éducation, à des formes de soutien financier et à des opportunités professionnelles, ainsi que des moyens efficaces pour engager des poursuites judiciaires contre leurs oppresseurs.

Pour les femmes qui choisissent de se voiler, l'interdiction conduit à devoir choisir entre l'intégration sociale et la manifestation de leur foi.

Limiter l´interdiction du voile aux seuls bâtiments et transports publics plutôt qu´à l´ensemble de l´espace public risque d´avoir un impact tout aussi dévastateur sur la vie des femmes voilées désireuses de se conformer aux prescriptions de leur religion en rendant impossibles l'accomplissement des tâches les plus banales - prendre le bus, aller à une réunion de parents d'élèves dans une école publique, remplir des documents à la mairie, accéder aux soins hospitaliers.

Qu´en est-il des jeunes filles qui sont obligées par leur famille à porter le voile ?

Il existe une tension entre le droit des parents à éduquer leurs enfants comme ils l'entendent et le droit de l´enfant à son autonomie personnelle (qui s´accroît avec l´âge). Selon le droit international, les États parties doivent respecter les droits et devoirs des parents de préparer leur enfant à l´exercice de leurs droits fondamentaux d´une manière qui corresponde au développement de leurs capacités. Même les gens les plus raisonnables peuvent, et cela arrive souvent, être en profond désaccord sur le comportement parental adéquat, qu´il s´agisse d´éducation spirituelle, de régime alimentaire ou de tout autre sujet pouvant faire l'objet de débats.

Les États, néanmoins, ne peuvent se substituer aux parents qu'en cas de danger avéré ou éventuel pour le développement physique ou psychologique de leurs enfants. Les États sont tenus de prendre les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger les enfants qui sont négligés par leurs parents ou soumis à des violences physiques ou mentales, des mauvais traitements, des sévices, ou diverses formes d'exploitation. Il est à noter que le droit international oblige les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants contre toute discrimination ou punition cruelle motivée par les croyances des parents ou d´autres membres de la famille.

D´une manière générale, il n'appartient pas à l'État de règlementer sur le droit des parents d'imposer à leur enfant le port de vêtements religieux conformément à leurs convictions, sauf au cas de maltraitance psychologique ou physique. En approchant l'âge de 18 ans, l´enfant devrait avoir une plus large autonomie, notamment concernant le choix de ses vêtements.

Human Rights Watch considère que  les restrictions sans discernement sur le port de vêtements religieux par les étudiants ainsi que sur le port de symboles religieux à l´école sont contraires à la législation internationale sur les droits humains. Ces restrictions peuvent affecter de manière disproportionnée les minorités religieuses, stigmatiser les membres de ces minorités et avoir un impact négatif sur le droit des enfants à l´éducation, notamment des incidences démesurées sur les filles. Les écoles peuvent avoir des règles une politique concernant les uniformes mais celles-ci doivent pouvoir prendre en compte des exigences religieuses, qu´il s´agisse de la religion musulmane, sikh, juive, chrétienne ou autre. Des restrictions au cas par cas peuvent s´avérer légitimes lorsque l´administration de l´école peut prouver que certains vêtements, notamment le voile intégral, empêchent l´enfant d´apprendre ou de participer pleinement à la vie scolaire. Dans ce cas, la protection de l´intérêt supérieur de l´enfant peut justifier une restriction.

Les lois qui obligent les étudiantes à porter le foulard ou le voile à l´école enfreignent de la même manière la législation internationale sur les droits des parents d´élever leurs enfants conformément à leurs propres convictions, le droit de l´enfant à l'autonomie personnelle et le devoir de contrecarrer toute pression en matière de liberté de religion.

La burqa et le niqab ne devraient- ils pas être interdits pour des raisons de sécurité ?

L´interdiction totale du voile islamique intégral est une réponse disproportionnée à l'exigence concrète et légitime de contrôler l'identité des individus dans une variété de situations. ,. Par exemple, on peut être obligé de prouver son identité aux postes de contrôle d´un aéroport, lorsqu'un parent vient chercher son enfant à l'école, lors de démarches administratives ou même pour encaisser un chèque. Il est possible d´adopter des mesures propres à concilier le respect des sensibilités religieuses individuelles et l'obligation de se soumettre aux demandes de vérification d'identité. Dans toutes les situations mentionnées ci-dessus, une femme portant un voile intégral peut être invitée à montrer son visage à l´écart à une vigile, une enseignante, une fonctionnaire ou une employée de banque. Certains types de vêtements religieux n´empêchant pas d´être identifié, tels que le foulard islamique ou le turban sikh, ne doivent pas faire l´objet de restrictions au nom de la sécurité.

Certains partisans des interdictions totales mentionnent la nécessité de préserver l´ordre public et se réfèrent à l´existence, dans certains pays, de lois interdisant à quiconque de sortir masqué, sauf lors de certaines occasions (en période de carnaval par exemple). Il n´a pas été prouvé de manière irréfutable que le port du voile intégral menace davantage l´ordre public que d´autres étoffes couvrant le visage comme les masques de protection sanitaires ou les cagoules que l´on porte l´hiver. Il faut également souligner que les lois existantes qui interdisent de dissimuler son visage en public sont en fait rarement appliquées, sauf dans des certaines circonstances, lors des manifestations politiques par exemple. Enfin, il est peu probable que l´interdiction de dissimuler son visage en public dissuade un malfaiteur de couvrir son visage pour ne pas être identifié.

L´interdiction des vêtements et symboles religieux dans les lieux publics ne permet-elle pas de préserver la laïcité ?

La législation sur les droits humains exige que l´État et ses représentants évitent toute discrimination fondée sur les croyances religieuses. Cela signifie que l´État doit rester neutre en matière de religion - c´est un garant important de la liberté de religion. Dans certains pays européens, la neutralité de l´État suppose que les institutions étatiques n´imposent pas d´opinions religieuses particulières, tout en permettant la libre expression des croyances religieuses au sein de la société. Mais un laïcisme à tout crin porte davantage atteinte à ce principe qu´il ne le protège quand il tente d´empêcher la manifestation individuelle d'une croyance religieuse en interdisant le port d´un type de vêtement inséparable de cette croyance dans l´espace public.

Il y a une claire différence entre la démonstration institutionnelle de symboles associés à telle ou telle religion particulière, qui peut être perçue comme l´affirmation d´un message particulier, et la manifestation individuelle de convictions personnelles par des employés du secteur public.

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