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Un travail décent pour les travailleurs domestiques

Recommandations pour les membres de l’OIT relatives au Rapport sur la législation et la pratique et au Questionnaire

Résumé et principales recommandations :

Human Rights Watch et Anti-Slavery International saluent avec satisfaction l'attention portée par l'Organisation internationale du travail sur un travail décent pour les travailleurs domestiques et la décision du Conseil d'administration de l'OIT d'inscrire le travail décent pour les travailleurs domestiques à l'ordre du jour de la Conférence internationale du travail en 2010. 

L'OIT a établi que le travail domestique était une occupation importante pour des millions de personnes, pouvant absorber jusqu'à 10% de la force de travail dans certains pays. Toutefois, ce travail n'est pas apprécié à sa juste valeur et il est mal réglementé, de nombreux travailleurs domestiques sont surmenés, sous-payés, dépourvus de protection et exposés à toutes sortes d'abus. Pour toutes ces raisons, nous soutenons avec vigueur la recommandation de l'OIT (Rapport IV(1) pour la Conférence internationale du travail, 99ème session, 2010) incitant les membres de l'OIT à mettre au point un nouvel instrument qui traitera des conditions particulières dans lesquelles est effectué le travail domestique et visera à renforcer les dispositifs de protection des travailleurs domestiques.

Nos recherches sur le travail domestique dans vingt pays[1] confirment le fait que les travailleurs domestiques sont parmi les plus exploités et les plus maltraités au monde. Majoritairement mais pas exclusivement féminine, cette main d'œuvre est souvent confrontée à des conditions de travail éloignées des normes internationales, notamment à des salaires bas et payés de façon irrégulière, à des heures de travail excessivement longues, à l'absence des périodes de repos, et à l'exclusion de protection sociale comme la sécurité sociale ou encore les congés de maternité.

Les travailleurs domestiques doivent aussi parfois subir des maltraitances physiques, psychologiques et sexuelles, des privations de nourriture, la réclusion forcée et la traite vers le travail forcé. Ces risques sont augmentés en raison de l'isolement des travailleurs domestiques, du déséquilibre de pouvoir entre l'employeur et eux, du manque d'information ou de l'incapacité à trouver de l'aide, et des pressions financières et des dettes, motifs pour lesquels ils ont peur de perdre leur emploi.

Le risque d'abus est encore plus élevé pour les enfants travailleurs domestiques qui constituent une part importante des travailleurs domestiques. L'OIT estime qu'il y plus de filles de moins de seize ans dans les services domestiques que dans n'importe quelle autre catégorie de travail des enfants. Leur jeune âge, l'isolement et la séparation d'avec leurs familles et des enfants de leur génération, et une dépendance quasi-totale envers leurs employeurs exacerbent leur vulnérabilité.  Dès 1989, l'OIT avait déclaré que « les jeunes qui travaillent comme domestiques sont probablement les enfants les plus vulnérables et les plus exploités de tous ».[2]

Les femmes et filles migrantes sont un autre sujet de préoccupation. Parmi elles on trouve un nombre de plus en plus important de travailleuses domestiques et elles sont souvent exposées à un très haut risque d'exploitation en raison de la politique liant le statut de travailleur immigré à des employeurs individuels, des frais de recrutement excessifs, des barrières de la langue, et de la confiscation des passeports.

Certains gouvernements ont fait des efforts louables pour garantir aux travailleurs domestiques une égalité de protection dans le cadre de leur législation du travail. Toutefois, ces cas sont malheureusement l'exception, et non la règle. Comme l'a observé l'OIT, de nombreux gouvernements ont toujours considéré les travailleurs domestiques comme appartenant au domaine du travail « informel » et donc en dehors du champ d'action des règlements et de tout contrôle. Recluses chez des particuliers, les travailleuses domestiques ne sont pas enregistrées, comptées ou protégées. Souvent, elles ne sont pas reconnues en tant que travailleuses et sont exclues des principaux dispositifs de protection accordés aux travailleurs du secteur officiel. L'exclusion des travailleurs domestiques de ces droits fait qu'ils ne bénéficient pas de la même protection de la loi et que les femmes et les jeunes filles qui constituent la vaste majorité des travailleurs domestiques sont victimes de l'impact d'une discrimination accrue.

Bien que les dispositifs de protection des nombreuses conventions en vigueur de l'OIT s'appliquent théoriquement aux travailleurs domestiques, la perception des travailleurs domestiques en qualité d' « aide » plutôt que « travailleur » et le fait que le lieu de travail soit le domicile de particuliers plutôt que des entreprises commerciales signifient dans la pratique que ces protections ne se sont pas appliquées aux travailleurs domestiques. La législation au niveau national et les conventions existantes ont souvent omis de prendre en compte les circonstances particulières des travailleurs domestiques et la nécessité de leur fournir des conseils juridiques supplémentaires spécifiques pour protéger leurs droits.

Les conventions existantes ne reconnaissent pas les circonstances spécifiques des enfants travailleurs domestiques. En dépit des préoccupations répétées de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (CEACR) de l'OIT  relatives à l'exploitation et au traitement abusif des enfants travailleurs domestiques, les normes actuelles de l'OIT concernant le travail des enfants ne font aucune référence explicite à leur situation comme méritant d'être une cause particulière d'inquiétude. En outre, comme l'OIT l'a observé, la convention 138 de l'OIT sur l'âge minimum laisse aux Etats signataires une marge de manœuvre leur permettant d'exclure le travail des enfants travailleurs domestiques de la législation sur l'âge minimum du travail.[3]

Human Rights Watch et Anti-Slavery International soutiennent énergiquement le processus de rédaction d'une nouvelle convention et d'une nouvelle recommandation concernant le travail décent pour les travailleurs domestiques. Au moment où les membres de l'OIT font part de leurs commentaires sur le contenu et le champ d'action de la convention et de la recommandation, nous encourageons les membres à donner la priorité aux éléments fondamentaux ci-dessous :

  • 1) Protection juridique globale: La protection du travail dans la législation nationale qui s'applique au secteur officiel devrait être étendue aux travailleurs domestiques afin de leur garantir une protection égale au regard de la loi, y compris en ce qui concerne les clauses concernant le salaire minimum, les jours de repos, la liberté d'association, etc. ainsi que des clauses spécifiques qui prennent en compte les circonstances uniques du travail domestique comme les conditions de vie et les périodes d'astreinte (voir en particulier les paragraphes 15, 19 et 20 dans la section ci-dessous);
  • 2) Protection spéciale pour les enfants travailleurs domestiques: En raison des risques inhérents pour les enfants, le travail domestique devrait être interdit avant l'âge de 15 ans; les dispositifs de protection du travail qui s'appliquent aux autres enfants travailleurs (âgés de 15 à 17 ans) devraient être étendus aux enfants travailleurs domestiques et des mesures spéciales prises afin d'assurer leur accès à l'éducation (voir les paragraphes 10, 20 et 36 ci-dessous);
  • 3) Protection spéciale pour les travailleurs domestiques migrants: Les visas temporaires délivrés aux travailleurs domestiques migrants devraient être délivrés indépendants de l'employeur et être administrés par le biais du gouvernement et des autorités du travail centralisées, car le fait de lier le statut d'immigré des travailleurs à leur employeur est souvent un facteur qui favorise les situations d'exploitation et de travail forcé (voir paragraphe 14 ci-dessous);
  • 4) Contrats de travail explicites: Les travailleurs domestiques devraient avoir le droit de recevoir une description claire et écrite des conditions précises de leur emploi, y compris une description précise de leurs tâches, des horaires, de la rémunération, des jours de repos, des conditions de travail, etc. (voir le paragraphe 12 ci-dessous);
  • 5) Mesures visant à protéger les travailleurs domestiques des violences physiques, sexuelles et psychologiques et du harcèlement: De telles mesures devraient inclure: des mécanismes confidentiels, accessibles et adaptés au contexte culturel pour porter plainte; des enquêtes rapides et sérieuses sur les allégations de maltraitance; la poursuite des coupables; et des services de déplacement et soins pour les travailleurs qui ont été victimes de telles maltraitances (voir le paragraphe 14 ci-dessous);
  • 6) Surveillance: Tant les employeurs de travailleurs domestiques que les agents de placement devraient être soumis à des mécanismes d'enregistrement et de surveillance afin de garantir le respect de leurs obligations légales, notamment de l'interdiction de faire payer des frais de recrutement et de placement exorbitants (voir les paragraphes 26 et 32 ci-dessous).

Le soutien par les membres d'une convention comprenant ces éléments essentiels sera un pas en avant significatif pour la protection des droits et de la dignité des travailleurs domestiques adultes et enfants et sera une mesure stratégique forte permettant de faire obstacle au travail forcé, à la traite des êtres humains et aux pires formes de travail des enfants.


 


[1] Arabie saoudite, Costa Rica, Emirats arabes unis, Etats-Unis, Guatemala, Inde, Indonésie, Koweït, Liban, Malaisie, Maroc, Pérou, Philippines, Royaume-Uni , Salvador, Singapour, Sri Lanka, Tanzanie et Togo.  Pour obtenir plus de renseignements, merci de vous rendre sur les sites http://www.antislavery.org/homepage/resources/PDF/PDFbondedlabour.htm et https://www.hrw.org/en/reports/2006/07/27/swept-under-rug

[2] OIT, Still so far to go: Child workers in the world today, 1989.

[3] Voir OIT, « Travail décent pour les travailleurs domestiques », Rapport IV(1) pour la Conférence internationale du travail, 99ème séance, 2010, paragraphe 78.

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