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La Belgique porte plainte contre le Sénégal, réticent à juger Hissène Habré

Le Monde

La Belgique a déposé plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ), à La Haye, pour obtenir que le Sénégal se décide soit à juger l'ancien président tchadien Hissène Habré, soit à l'extrader vers Bruxelles. Cette "requête introductive d'instance" devant l'organe des Nations unies chargé de régler les différends entre Etats est le dernier acte de procédure possible pour l'Etat belge qui réclame, depuis plusieurs années, que l'ex-dictateur soit jugé pour complicité de crimes contre l'humanité, actes de torture et barbarie.

En 2005, Bruxelles avait émis un mandat d'arrêt international. La justice belge était saisie depuis 2000 et 2001 de plaintes de ressortissants tchadiens et d'un Belge d'origine tchadienne. Hissène Habré était, par ailleurs, visé par des plaintes déposées au Sénégal, où il s'est réfugié depuis 1990, par sept personnes et une organisation non gouvernementale. Dakar n'a, dans un premier temps, pas donné suite aux requêtes belges en invoquant des obstacles d'ordre juridique. Les deux Etats se sont ensuite entendus pour que M. Habré soit jugé au Sénégal.

C'est parce que cette promesse n'a pas été tenue que la Belgique a franchi un nouveau pas jeudi 19 février. "Elle a toutes les raisons de saisir la CIJ car le Sénégal poursuit une stratégie du bluff", estime Alioune Tine, membre du Comité international pour le jugement équitable de Hissène Habré, une organisation qui regroupe des mouvements internationaux et tchadiens de défense des droits de l'homme. Dakar n'a engagé aucune procédure et aurait pris prétexte de difficultés financières pour ne pas organiser le procès prévu. Début février, le président sénégalais Abdoulaye Wade a indiqué lors du sommet de l'Union africaine, qu'il menaçait de remettre le dossier de M. Habré à cette organisation et de lever la mesure de mise en résidence surveillée de l'ancien dictateur.

Le gouvernement sénégalais reproche à l'Union européenne (UE), qui avait promis de financer le procès, de ne pas respecter ses engagements. Il réclame 27 millions d'euros, un montant qui ne repose, selon les experts de l'UE, sur aucune donnée concrète.

En conséquence, la Belgique demande aujourd'hui à la CIJ de se déclarer compétente pour décréter que le Sénégal est tenu d'organiser le jugement de M. Habré ou, à défaut, de l'extrader. L'examen du dossier pouvant prendre plusieurs mois, Bruxelles demande aussi à la Cour d'adopter des mesures conservatoires afin que M. Habré soit maintenu sur le territoire sénégalais. Au-delà de cette affaire, l'initiative belge va alimenter le débat entre l'Union européenne et l'Union africaine. Cette dernière s'oppose désormais aux procédures engagées en Europe au titre de la compétence universelle. Critiquant ce qu'ils estiment être un système de "deux poids, deux mesures", des pays africains disent vouloir juger eux-mêmes leurs dirigeants suspectés de crimes contre l'humanité. Le paradoxe serait que cette critique aboutisse à laisser impunis de tels crimes.

Huit années au pouvoir avant de fuir au Sénégal

1982
Hissène Habré, à la tête des Forces armées du Nord (FAN), renverse le régime du président Goukouni Oueddeï.

1987
Avec le soutien de Paris et Washington, il parvient à mater une rébellion soutenue par le régime libyen du colonel Mouammar Kadhafi.

1990
Chassé du pouvoir par Idriss Déby, Hissène Habré se réfugie au Sénégal.

2000-2001
Plaintes pour complicité de crimes contre l'humanité, actes de torture et barbarie.

2005
Mandat d'arrêt international délivré par la Belgique.

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