(New York) - Les forces soudanaises et les milices soutenues par le gouvernement ont attaqué plus d'une dizaine de villages au cours d'opérations contre les forces rebelles près de Muhajariya, au Sud Darfour, entre le 5 et le 17 octobre 2008, a indiqué Human Rights Watch aujourd'hui. Les combats, au cours desquels plus de 40 civils ont été tués, montrent que la Mission des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour (MINUAD) n'a toujours pas la capacité de protéger les civils vulnérables.
Durant la même période, le Président Omar al-Béchir a assuré aux médias que la vie était « très normale au Darfour », et il a annoncé en grande fanfare une nouvelle initiative de paix au Nord Darfour.
« Encore une fois, les civils supportent la plus lourde part des combats au Darfour, et les soldats des forces de maintien de la paix ne peuvent pas les protéger », a déclaré Georgette Gagnon, directrice pour l'Afrique à Human Rights Watch. « La vie au Darfour est loin d'être ‘normale.' »
Selon des sources locales, les milices « Janjawids » soutenues par le gouvernement ont attaqué plus de 13 villages et campements aux environs de Muhajariya, à 80 kilomètres à l'est de Nyala, la capitale du Sud Darfour, tuant plus de 40 civils, incendiant des maisons et volant du bétail. Des témoins ont expliqué à Human Rights Watch que des Janjawids armés montant des chevaux et des chameaux avaient encerclé les villages et qu'ils étaient suivis de forces gouvernementales dans des véhicules équipés d'armes.
La ville de Muhajariya, depuis longtemps une place forte pour la faction Minni Minawi de l'Armée de libération soudanaise (ALS), a été attaquée très souvent au cours du conflit du Darfour.
Human Rights Watch n'a pas pu déterminer si les forces gouvernementales avaient affronté les rebelles au cours de ces attaques. Les 5 et 7 octobre, les forces gouvernementales et les Janjawids ont attaqué le village de Sineit, à 16 kilomètres au sud-est de Muhajariya, tuant neuf civils. Le 6 octobre, les Janjawids ont attaqué le village de Brangal, à 12 kilomètres au nord-est de Muhajariya, faisant sept morts parmi les civils. Le 8 octobre, ils ont attaqué Kilekile et des villages dans la région de Mijelit, au nord-ouest de Sineit, provoquant un nombre non confirmé de morts. Des rebelles de la faction Unity de l'ALS ont signalé qu'ils s'étaient opposés aux forces gouvernementales et Janjawids seulement après les attaques initiales, entre le 13 et le 17 octobre.
A la suite de ces attaques, des milliers de villageois ont pris la fuite pour se réfugier dans les villes de Muhajariya et de Shearia, et ne sont pas encore rentrés chez eux. Des sources fiables ont fait état de plus de 40 victimes causées par les attaques et les combats. Toutefois, le nombre total des victimes civiles et les circonstances exactes restent largement inconnus. Après que des hommes armés ont tiré sur un convoi de la MINUAD le 14 octobre, les forces de la MINUAD n'ont pas tenté de pénétrer dans la zone. Ces derniers mois, la MINUAD est devenue de plus en plus souvent la cible d'attaques et d'actes de banditisme, notamment au Sud Darfour. La mission a déployé moins de la moitié des 26 000 membres de l'armée et de la police exigés par la Résolution du Conseil de sécurité de l'ONU le 31 juillet 2007, et elle manque toujours d'équipements essentiels, notamment d'hélicoptères de combat.
Le 14 juillet, le procureur de la Cour pénale internationale a demandé un mandat d'arrêt à l'encontre du Président el-Béchir pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide au Darfour. Depuis lors, le Soudan a essayé à maintes reprises de persuader les autres pays que la situation sécuritaire sur le terrain au Darfour s'améliorait, dans le but d'obtenir une suspension de l'affaire contre el-Béchir engagée par le Conseil de sécurité de l'ONU.
« Les affirmations du Président Béchir sur la situation au Darfour ne devraient convaincre personne », a rajouté Georgette Gagnon. « Mais que les combats se poursuivent ou non, les victimes des atrocités du passé méritent de voir leurs auteurs traduits en justice. »
Human Rights Watch a appelé la MINUAD à mener une enquête rapide et approfondie sur les attaques de Muhajariya et a exhorté toutes les parties au conflit à prendre toutes les mesures possibles pour éviter la perte de vies et de biens civils, et pour garantir que la population civile a accès à une assistance humanitaire.