Le Sénat belge a exprimé aujourd’hui son soutien à l’extradition de Hissène Habré vers la Belgique. Par un vote de 50 pour, 2 contre et 8 abstentions, les sénateurs ont appuyé « fermement » la demande d’extradition de l’ex-dictateur tchadien formulée par le gouvernement belge en septembre dernier. En réponse à cette demande, le Sénégal avait alors saisi l’Union africaine afin qu’elle indique les suites à donner au dossier Habré.
Habré, qui s’était réfugié au Sénégal en 1990, après huit années au pouvoir marquées par de graves violations des droits de l’homme, a été inculpé au Sénégal en 2000. La justice sénégalaise s’était pourtant, par la suite, déclarée incompétente pour le juger. Ses victimes ont poursuivi leurs efforts en vue d’obtenir justice en se tournant vers la Belgique. En septembre 2005, après quatre années d’enquête préliminaire, le juge d’instruction près le tribunal de première instance de Bruxelles, M. Daniel Fransen, a inculpé Habré pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture.
La Belgique a demandé au Sénégal son extradition. Les autorités sénégalaises ont arrêté Habré en Novembre 2005. La Cour d'appel de Dakar s’est pourtant, à nouveau, déclarée incompétente, cette fois-ci, pour statuer sur la demande d'extradition. Cette décision de Justice laissait le champ libre au Président de la République du Sénégal pour se prononcer sur la demande d’extradition. Le Sénégal a alors demandé à l'Union africaine « d’indiquer la juridiction compétente pour juger cette affaire ».
En janvier dernier, l’Union africaine a désigné un groupe d’experts juridiques afin d’examiner les options envisageables pour juger Habré. Le Comité de juristes, qui s’est réuni à huis clos du 22 au 24 mai, est appelé à soumettre ses recommandations au prochain Sommet de l’Union africaine à Banjul en juillet 2006.
Le mois dernier, le Comité des Nations Unies contre la Torture a condamné le Sénégal pour avoir failli à son obligation de traduire Hissène Habré en justice et a demandé au Sénégal de se conformer aux dispositions de la Convention contre la Torture en jugeant l’ancien dictateur tchadien ou en l’extradant. (La décision du Comité peut-être consultée à l’adresse suivante )
Les auteurs de la résolution ont tenu à souligner que la Belgique ne cherchait pas à imposer sa juridiction mais répondait aux cris de victimes dont le droit à la justice avait été dénié par tous. « Si les victimes tchadiennes et belges se sont adressées à la Belgique, c’est parce qu’elles n’avaient pu obtenir justice nulle part ailleurs. Le souci de la Belgique n’est pas de dicter sa loi à un quelconque pays africain mais bien au contraire de venir en aide aux victimes de graves violations des droits de l’homme délaissées et abandonnées de tous. L’Afrique et l’Europe, ainsi que le monde entier, ont un intérêt commun évident dans ce dossier: la lutte contre l’impunité, » a déclaré Monsieur Alain Destexhe, sénateur belge et co-auteur de la résolution. « L’essentiel n’est pas que Hissène Habré soit jugé en Belgique, mais qu’il soit jugé. Et ce afin que les victimes de Habré et le peuple tchadien puissent se réconcilier avec leur passé et soient en mesure de construire leur présent. »
La Vice-première ministre et ministre de la Justice belge, Mme Laurette Onkelinx, a déclaré le 26 janvier que la Belgique n’hésiterait pas à invoquer les dispositions de la Convention des Nations Unies contre la Torture prévoyant une procédure d’arbitrage et un recours devant la Cour internationale de Justice si le Sénégal refusait l’extradition. Le Sénat a « encouragé » le gouvernement à poursuivre dans cette voie. « Lorsque le Sénégal a refusé de juger Habré en 2001, aucun pays africain n’a alors prêté l’oreille à nos cris de justice. Seule la Belgique a su être à notre écoute, seule la Belgique a été en mesure de nous garantir que Habré réponde de ses crimes devant un tribunal », a souligné Djimadoumadji Ngarkete.
Victime tchadienne de nationalité belge depuis 1995, Djimadoumadji a perdu plusieurs membres de sa famille, qui ont été assassinés sous le régime de Habré en raison, selon lui, de leur appartenance à l’ethnie Sara. « Il faut bien rappeler au Sénégal et aux autres pays africains qui n’ont pas voulu juger Habré que la Belgique ne s’est pas imposée à nous. Ce sont les victimes qui ont choisi la Belgique. Le Sénégal et l’Union africaine doivent respecter notre volonté et extrader aujourd’hui Hissène Habré vers la Belgique afin que nous puissions enfin faire notre deuil. » Le Sénat a enfin salué la résolution du Parlement européen qui invite le Sénégal à traduire en justice Hissène Habré ou à l’extrader vers la Belgique. (La résolution peut être consultée à l’adresse suivante )