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Ouganda : Des élections libres menacées par le gouvernement

L’opposition harcelée lors du scrutin parlementaire et présidentiel

En Ouganda, les premières élections multipartites depuis vingt ans ont peu de chances d’être libres et équitables étant donné le harcèlement dont l’opposition est victime de la part du gouvernement.

En dépit d’impressionnantes preuves d’indépendance de la part de la commission électorale et du pouvoir judiciaire, la tenue des premières élections pluripartites depuis vingt ans est minée par l’intimidation dont l’opposition fait l’objet, l’ingérence militaire au sein des tribunaux, ainsi que le manque d’équité concernant le financement et la couverture médiatique de la campagne électorale, a indiqué Human Rights Watch dans un document d’information publié aujourd’hui. Ce document s’appuie sur des enquêtes menées dans le pays et la capitale, Kampala, au cours des trois derniers mois.

« Le parti au pouvoir du Président Yoweri Museveni multiplie les mauvais tours en intimidant l’électorat et en affaiblissant l’opposition », a déclaré Jemera Rone, la coordinatrice Afrique orientale pour Human Rights Watch. « La participation illégale de l’armée dans la campagne effraie les populations tandis que l’opposition a les mains liées par les accusations, politiquement motivées, qui pèsent contre ses chefs ».

Les membres de la Commission électorale en Ouganda examinent l'urne de vote transparente essayée à Kampala. © Reuters 2006

Les membres de la Commission Électorale de l'Ouganda examinent un échantillon d'urne transparente à Kampala. © Reuters 2006.

Les élections présidentielles de 1996 et 2001, qui avaient débouché sur la réélection du Président Museveni, s’étaient caractérisées par un climat de violence et des infractions électorales, principalement de la part du parti dirigeant et des forces de sécurité. En 2006, l’ombre du pouvoir militaire continue de planer sur les élections. La brigade de répression des fraudes électorales enquête sur les abus commis à la fois par le gouvernement et les partis d’opposition, bien que les accusations à l’encontre de l’opposition soient moins graves.

Depuis son retour d’exil d’Afrique du Sud en octobre dernier, le Dr. Kizza Besigye, le principal adversaire du président sortant, est accusé de trahison, viol et terrorisme par des tribunaux à la fois civils et militaires. Bien que la Cour Constitutionnelle ait établi que Kizza Besigye, comme ses co-accusés civils, ne pouvaient être jugés pour terrorisme dans des tribunaux militaires, l’armée persiste à dire qu’elle a le droit de juger les civils sur ce chef d’accusation. Les autorités judiciaires civiles et militaires soutiennent que, lors de son exil, Kizza Besigye a mené une action pour créer un mouvement de rébellion afin de renverser le gouvernement Museveni.

Dans certaines régions du nord de l’Ouganda, où une insurrection a semé la terreur et déplacé presque 2 millions de personnes, il a été rapporté à Human Rights Watch que certains officiers militaires menacent de retirer les troupes gouvernementales et de laisser les populations à la merci des insurgés si le parti au pouvoir ne gagne pas les élections.

Le document d’information décrit également comment les partisans de l’opposition et les candidats indépendants subissent les manœuvres d’intimidation et les agressions de la part du parti au pouvoir, ainsi que le harcèlement des forces de sécurité – celles-là mêmes qui sont recrutées pour prêter main-forte à la police dans la supervision des bureaux de vote.

L’organisation dirigeante, le Mouvement de la Résistance Nationale (MRN), a pris le pouvoir il y a vingt ans lors d’une lutte armée menée par le Président Museveni, et a créé une nouvelle armée et un parti politique appelé « mouvement ». Le Mouvement de la Résistance Nationale a de facto dirigé le pays en parti unique jusqu’à l’année dernière, où il a accepté de revenir à une démocratie multipartite tout en mettant simultanément au point l’extension de la durée du mandat présidentiel. Le MRN peut encore compter sur le financement du gouvernement, ce qui lui donne un avantage substantiel sur ses concurrents.

« Il s’agit bel et bien d’élections multipartites au sein d’un Etat à parti unique », a ajouté Jemera Rone. « Dans la mesure où, pour mener sa campagne, le parti dirigeant dispose d’un accès illimité aux fonds du gouvernement, utilise illégalement certains de ses biens comme les véhicules de fonction et bénéficie d’environ 6 fois plus de couverture télévisée que l’opposition, on ne peut pas dire que la situation soit très équitable. »

Selon Human Rights Watch, les candidats de l’opposition se sont retrouvés dans la quasi-incapacité de faire campagne à la télévision d’Etat. La radio leur a offert de relativement meilleures opportunités d’expression. Si Besigye s’est vu refuser l’accès à plusieurs stations de radios ou annuler certaines de ses émissions, le Président et candidat Museveni n’a, lui, jamais rencontré ce problème. Par ailleurs, la télévision d’Etat a consacré six fois plus de temps d’antenne au parti du président en exercice qu’à tous les partis d’opposition réunis.

Le rapport indique que des problèmes demeurent en ce qui concerne l’inscription sur les listes électorales et l’accès aux bureaux de vote. Après la controverse au sujet de ces listes intervenue en 2001, une commission électorale réformée a mis en place pour le scrutin de 2006 un logiciel de reconnaissance photographique afin d’empêcher qu’un électeur puisse s’inscrire plus d’une fois sur une liste électorale. Cependant, étant donné le peu de temps imparti depuis l’annonce des élections et le manque de support technique, le logiciel de reconnaissance ne peut être utilisé que dans des lieux équipés d’accès à Internet sans fil. Par ailleurs, les électeurs à qui il a d’abord été dit qu’ils devaient disposer d’une carte d’électeur disposant d’une photo pour pouvoir voter, viennent d’apprendre qu’ils pourraient se rendre aux urnes sans ladite carte.

Le faible niveau d’éducation, l’insécurité – en particulier dans le nord du pays – ainsi que la confusion qui demeure au sujet de l’utilisation des cartes électorales font peser une menace sur l’accès aux bureaux de vote et la participation aux élections.

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