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(Khartoum)- L’extradition vers la Belgique n’est pas exclue ; un comité de juristes de l'Union africaine devra se pencher sur la juridiction compétente pour juger l'ex-dictateur tchadien.

Les chefs d’Etat de l’Union africaine n’ont exclu ni l’extradition de Habré vers la Belgique, ni aucune autre option contrairement à ce que titraient les premières dépêches et en dépit des déclarations faites hier par le président Abdoulaye Wade selon lesquelles il ne « laisserait pas Hissène Habré être jugé ailleurs qu'en Afrique ». Les chefs d’Etats, dans la décision adoptée hier, ont simplement rappelé qu’ils souhaitaient « privilégier un mécanisme africain ».

Aux termes de la résolution adoptée, le groupe d' « éminents juristes africains » est tenu d’accomplir sa mission en tenant notamment compte du « rejet total de l’impunité », du principe de « l’indépendance du judiciaire », ainsi que de « l’efficacité en termes de coûts et de temps du procès».

« Les chefs d'Etat africains ont convenu que Hissène Habré devrait être jugé », a déclaré Reed Brody de Human Rights Watch et coordonnateur de la campagne internationale de soutien aux victimes de Habré. « Il relève désormais de la compétence du Comité d'experts de proposer un éventuel mécanisme qui puisse garantir un procès juste, équitable et rapide. Cette affaire ne doit cependant pas s'éterniser ».

En Septembre 2005, un juge belge a inculpé Hissène Habré pour crimes contre l'humanité et a demandé son extradition du Sénégal. Pays d'exil de l'ancien dictateur tchadien depuis 1990, Habré y a été inculpé en 2001 avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Alors que la demande belge d'extradition était en suspens, le gouvernement du Sénégal a saisi l'Union africaine, en novembre dernier, afin de déterminer la « juridiction compétente » pour juger Hissène Habré.

Human Rights Watch a rappelé qu'au-delà de l'issue des consultations des chefs d'Etat de l'Union africaine, le Sénégal demeurait tenu juridiquement soit de poursuivre, soit d'extrader Habré, et que le mandat d’arrêt et la demande d’extradition présentés par la Belgique demeuraient valides.

Human Rights Watch a, en outre, souligné que l’extradition de Habré vers la Belgique restait l'option la plus tangible pour son procès.

« Extrader Habré vers la Belgique demeure l’option la plus réaliste et la plus rapide garantissant un procès juste et équitable » a déclaré Reed Brody. « Mais il existe d'autres possibilités, y compris l’éventualité d’un procès dans un autre pays d'Afrique doté d'un système judiciaire indépendant. La mise sur pied d’un nouveau tribunal africain ad hoc pour juger des crimes dont Hissène Habré est accusé nécessiterait cependant une volonté politique colossale, prendrait des années à réaliser et coûterait probablement plus de 100 millions de dollars », a-t-il ajouté.

« Cela fait quinze ans que nous menons un combat sans relâche afin qu'un tribunal veuille bien entendre notre cause, il n'est pas question que nous abandonnions aujourd'hui », a déclaré Ismaël Hachim Abdallah, président de l'Association des Victimes de Crimes et de Répressions Politiques au Tchad.

La semaine dernière, 35 ONG à travers toute l'Afrique ont appelé l'Union africaine à recommander l'extradition de Habré vers la Belgique.

Le texte de la décision adoptée se trouve en annexe.

Rappel des faits

Hissène Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 jusqu'à son renversement par l'actuel président Idriss Déby et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique fut marqué par une terreur permanente, de graves et constantes violations des droits de l'homme et des libertés individuelles et de vastes campagnes de violence à l'encontre de son propre peuple. Habré a périodiquement persécuté différents groupes ethniques dont il percevait les leaders comme des menaces à son régime. Les archives de la police politique de Hissène Habré, la DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité), découvertes par Human Rights Watch en 2001, révèlent les noms d'au moins 1,208 personnes mortes en détention. Les noms de plus de 12,321 victimes d'abus de toute sorte y sont par ailleurs mentionnés. Sur la base de ces documents, il a été également établi que Hissene Habré a reçu 1,265 communications directes de la DDS concernant le statut de 898 détenus.

En février 2000, un juge sénégalais a inculpé Hissène Habré pour complicité de crimes contre l'humanité et complicité d'actes de torture et de barbarie, et l'a placé en résidence surveillée. Mais en mars 2001, la Cour de Cassation du Sénégal s'est déclarée incompétente pour juger de crimes commis à l'étranger. Les victimes de l'ancien dictateur ont immédiatement annoncé qu'elles chercheraient à faire extrader Habré vers la Belgique, où des plaintes avaient été déposées contre lui par 21 de ses victimes, dont trois de nationalité belge. Le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a alors déclaré qu'il acceptait de garder Habré sur le sol sénégalais et que << Si un pays, capable d'organiser un procès équitable-on parle de la Belgique-le veut, je n'y verrais aucun obstacle >>.

Suite à l'enquête menée par un juge belge pendant quatre ans, un mandat d'arrêt international a été délivré à l'encontre de M. Habré le 19 septembre 2005 et les autorités sénégalaises ont procédé à son arrestation au Sénégal le 15 Novembre 2005. Le 25 novembre dernier, la Cour d'appel de Dakar s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'extradition déposée par Belgique. Le 27 Novembre, le Ministre sénégalais des affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, a déclaré << qu'il appartient au sommet de l'Union Africaine d'indiquer la juridiction compétente pour juger cette affaire >>.

(Résolution adoptée le 24 janvier 2006 à Khartoum, Soudan).

DECISION SUR LE PROCES DE HISSENE HABRE

ET L’UNION AFRCAINE

LA CONFERENCE :

a. Adhésion aux principes du rejet total de l’impunité.
b. Respect des normes internationales en matière de procès équitable, notamment l’indépendance du judiciaire et l’impartialité des procédures.
c. Juridictions compétentes pour les crimes présumés dont Hissène Habré est accusé.
d. Efficacité en termes de coûts et de temps du procès.
e. Accès des victimes présumées et des témoins au procès.
f. Privilégier un mécanisme africain.

  1. PREND NOTE des informations fournies par le Président Abdoulaye Wade du Sénégal et le Président Olusegun Obasanjo, Président sortant de l’Union africaine, relatives au procès d’Hissène Habré et réitère son engagement à lutter contre l’impunité, conformément aux dispositions pertinentes de l’Acte Constitutif.
  2. DECIDE de mettre en place un Comité d’éminents juristes africains qui seront désignés par le Président de l’Union africaine en consultation avec le Président de la Commission de l’Union africaine. Ce Comité sera aidé dans sa tâche par la Commission (Bureau du conseiller juridique).
  3. DONNE MANDAT au Comité d’examiner tous les aspects et toutes les implications du procès d’Hissène Habré ainsi que les options disponibles pour son jugement, en tenant compte des éléments de référence suivants :
  4. DONNE EN OUTRE MANDAT au Comité de faire des recommandations concrètes sur les voies et moyens permettant de traiter des questions de cette nature dans l’avenir.
  5. DEMANDE au Comité de finaliser ses travaux et de soumettre un rapport à la prochaine session ordinaire en juillet 2006.

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