(New York)- Le gouvernement tchadien a annoncé qu’il allait démettre de leurs fonctions gouvernementales tous les complices de l’ancien dictateur tchadien, Hissène Habré (1982-1990).
Le gouvernement tchadien a fait cette déclaration dans une lettre que le Premier Ministre Pascal Yoadimnadji a adressée à Human Rights Watch et qui faisait suite à un rapport publié en juillet dernier par Human Rights Watch dénonçant les noms de 41 personnes emblématiques de l’ère Habré, pour beaucoup accusées de tortures et d’assassinats et qui occupaient toujours des postes de responsabilité au sein de l’État Tchad. Le gouvernement tchadien a fait cette déclaration dans une lettre que le Premier Ministre Pascal Yoadimnadji a adressée à Human Rights Watch et qui faisait suite à un rapport publié en juillet dernier par Human Rights Watch dénonçant les noms de 41 personnes emblématiques de l’ère Habré, pour beaucoup accusées de tortures et d’assassinats et qui occupaient toujours des postes de responsabilité au sein de l’État Tchad.
Le Premier Ministre a également indiqué que le gouvernement allait rapidement d’une part examiner un projet de loi relative à l’indemnisation des victimes du régime Habré et d’autre part construire un monument à mémoire des victimes dès lors que les fonds nécessaires auront été trouvés.
Human Rights Watch a accueilli très favorablement ces déclarations du gouvernement tchadien.
« Le gouvernement a franchi un pas supplémentaire dans sa rupture avec l’ère Habré en rejetant du gouvernement des individus sur lesquels de graves et constantes accusations pesaient depuis des années » a ainsi déclaré Reed Brody de Human Rights Watch. « Il appartient maintenant au gouvernement de mettre tous les moyens en œuvre pour que les poursuites judiciaires à l’encontre de ces hommes aillent de l’avant et de tenir sa promesse visant à enfin reconaître et indemniser les victimes du régime Habré».
Hissène Habré, qui a fui le Tchad le 1er décembre 1990, a été par la suite inculpé en 2000 au Sénégal de complicité de crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de barbarie. Cependant, les tribunaux sénégalais ont estimé que l’ex-dictateur ne pouvait pas être jugé au Sénégal, le pays d’exil d’Habré pour des crimes commis au Tchad. Ce dernier fait aujourd’hui l’objet de chefs d’accusations similaires en Belgique où un juge poursuit son enquête laquelle devrait aboutir à une demande d’extradition.
La lettre du Premier Ministre du 18 août 2005 énonce que “Les anciens de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS) seront relevés de leurs postes en attendant leur jugement. La procédure est en cours. Human Rights Watch sera tenu informé lorsque tous seront relevés de leurs postes. Certains le sont déjà.”
Parmi les personnes remplacées figurent notamment l’influent directeur de la Police Judiciaire qui occupait sous Hissène Habré le poste de Directeur adjoint de la Sécurité Nationale, également un chef de la surveillance d’une préfecture qui était alors le directeur de la police politique de Habré, la DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité), et un officier identifié dès 1992 par la Commission d’enquête du Ministère tchadien de la justice sur les crimes de Hissène Habré comme l’un des «tortionnaires les plus redoutés » du Tchad.
La lettre ajoute que “Le projet de loi portant indemnisation des victimes ou de leurs ayant droits sera inscrit des que possible à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale”. Il est à noter que, l’AVCRP, l’association des victimes de Hissène Habré a communiqué, il y a quelques mois, au gouvernement et à l’Assemblée Nationale un projet de loi d’indemnisation.
La lettre précise en outre que « l’aide de Human Rights Watch serait très appréciée pour permettre aux magistrats d’accélérer la procédure d’instruction des dossiers des prévenus». Human Rights Watch rappelle que le 14 mai 2003 déjà, lors d’une réunion du Conseil extraordinaire des Ministres, le Ministre de la Justice avait soutenu que la procédure rencontrait des difficultés de tous ordres: financiers, humains et sécuritaires. Le Conseil des Ministres s’était alors « engagé à tout mettre en œuvre pour ne pas entraver le cours de la justice, afin que la vérité sorte au grand jour et que le procès aboutisse ». Cette décision du gouvernement tchadien était malheureusement restée sans effet.
Cette évolution positive de l’attitude du gouvernement tchadien dans le dossier de la DDS de Hissène Habré intervient alors que, au même moment, la situation des droits de l’homme au Tchad prend un tournant pour le moins inquiétant. En effet, quatre journalistes viennent d’être récemment condamnés à des peines de prison au Tchad pour avoir publié des informations critiques à l’égard du gouvernement.
Voici le texte de la lettre du Premier Ministre :
N’Djaména, le 18 août 2005
A
Monsieur REED BRODY
Human Rights Watch
350 Fifth Avenue, 34th Floor
New York, NY 10118- 3299
Objet : Affaire Hissein Habré
Réf. : Votre lettre du 02 août 2005
Cher Monsieur,
Par lettre citée en référence ci-dessus vous avez bien voulu me faire parvenir une copie de la lettre que vous avez envoyée à Monsieur Barthélemy Natoingar Mbaïnodji en sa qualité de porte- parole du gouvernement.
J’ai l’honneur de vous faire connaître en retour, que :
1. Les anciens de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS) seront relevés de leurs postes en attendant leur jugement. La procédure est en cours. Human Rights Watch sera tenu informé lorsque tous seront relevés de leurs postes. Certains le sont déjà.
2. Le monument à la mémoire des victimes des crimes et répressions politiques du régime du Hissein Habré sera érigé dès que les moyens financiers et matériels le permettront. L’aide de Human Rights Watch serait la bienvenue et appréciée.
3. De même, l’aide de Human Rights Watch serait très apprécié pour permettre aux magistrats d’accélérer la procédure d’instruction des dossiers des prévenus.
4. Le projet de loi portant indemnisation des victimes ou de leurs ayant droits sera inscrit dès que possible à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale.
Je vous prie de croire, Monsieur, à l’expression de ma parfaite considération.
Le Premier Ministre
Chef du Gouvernement
Pascal Yoadimnadji
Résumé de l’affaire Hissène Habré
Hissène Habré dirigea l’ancienne colonie française du Tchad de 1982 jusqu’à son renversement en 1990 par l’actuel président Idriss Déby et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique, marqué par l’étendue de ses atrocités, fut soutenu par la France et les Etats-Unis. Une commission d’enquête nationale accusa le régime de Hissène Habré de plus de 40,000 assassinats politiques et de tortures systématiques. Les archives de la DDS, découvertes par Human Rights Watch, contiennent les noms d’au moins 12.321 victimes et apportent des preuves sur les cas de 1.208 individus morts en détention.
En février 2000, Hissène Habré fut inculpé au Sénégal pour complicité de crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de barbarie mais la Cour de Cassation sénégalaise a juge que ce dossier ne relevait pas de sa compétence territoriale. Les victimes de Hissène Habré ont alors déposé une plainte en Belgique sur le fondement de la loi belge dite « de compétence universelle » qui est maintenant abrogée et le Sénégal a accepté de faire droit a la demande des Nations Unies consistant à maintenir Hissène Habré sur son territoire dans l’attente d’une demande d’extradition. Un juge belge et une équipe de police se sont rendus au Tchad en 2002. Ils ont pu y questionner les victimes de Hissène Habré et de ses complices. Ils ont visité d’anciennes prisions et ont eu accès aux archives de la terrible police politique de Hissène Habré. Le traitement du dossier n’a pas été affecté par l’abrogation de la loi belge dite « de compétence universelle » parce que d’une part l’instruction avait déjà commencée et d’autre part plusieurs plaignants étaient de nationalité belge. Le juge belge poursuit son instruction et l’inculpation et l’extradition de Hissène Habré vers la Belgique restent la suite logique et espérée de cette affaire.