HAÏTI Sous les tirs croisés

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(Jose Ulysse, Fondateur et directeur, Centre hospitalier de Fontaine   )

J'avais programmé un rendez-vous avec des membres de l'équipe de l'hôpital entre 11h30 et 13h, pour faire les évaluations de fin d'année,

quand j'ai reçu la première notification qui disait :

 

- Directeur, les choses sont difficiles.

- Que se passe-t-il ?

- Ils ont commencé à tirer.

 

Le 13 novembre 2023, des affrontements éclatent entre deux violents groupes criminels, G-Pép et G9, à Cité Soleil, en Haïti. 

 

Le 15 novembre, les affrontements s'étendent et des balles sont tirées sur le Centre hospitalier de Fontaine, l’un de deux hôpitaux encore ouverts à Cité Soleil. 

 

Des patients et des membres du personnel s’enfuient. Mais plusieurs femmes avec des nouveau-nés, et 16 enfants se trouvant dans une garderie à l'intérieur de l'hôpital, n'ont pas réussi à s'enfuir.

 

 

Nourrice

Centre hospitalier de Fontaine   

 

Nous n'avons pas eu le temps de fuir, avec 16 enfants.

 

Jose Ulysse

 

J'ai d'abord appelé Radio Métropole. 

 

Radio Métropole diffusait leur journal, et ils ont stoppé le journal pour lancer un SOS disant qu'il y avait un hôpital en danger à Cité Soleil, l'hôpital Fontaine. 

Quand ils l'ont diffusé, d'autres stations de radio l'ont entendu et l'ont repris. 

Au même moment, ma fille s’activait sur les réseaux sociaux pour informer plus de monde.

 

Kareen Ulysse

Directrice exécutive

Fondation du Centre hospitalier de Fontaine   

 

J'étais dans le nord d'Haïti et j'essayais de me détendre, ce qui s'est retourné contre moi.

J'ai donc envoyé un message en ligne à Digicel (société de téléphonie mobile).

J'ai dit : « Voilà ce qui se passe. Nous avons besoin de minutes (crédit téléphonique). Ce n'est pas le moment pour notre personnel de perdre des minutes. S'il vous plaît, pouvez-vous nous donner des minutes ? »

Dix minutes plus tard, Digicel me dit : « De quoi avez-vous besoin ? »

Je leur ai envoyé les numéros de tous nos employés. 

Des minutes, des minutes, des minutes, des minutes, des minutes …

Et c'est juste au moment où ils ont activé des minutes pour notre chauffeur, ____, qu’il a dit : « OK, je suis là. Pouvez-vous envoyer un [véhicule] blindé ? »

 

 

Vidéo © Hero Rescue

 

Nous étions à l'étage. 

Nous étions très exposés.

Nous devions traverser une petite passerelle pour nous rendre dans un autre espace. 

Alors que des coups de feu étaient échangés, cela ne semblait pas être une bonne idée.

Nous avons contacté nos supérieurs sur le chat du groupe.

 

- Que devons-nous faire des enfants ?

 

- Enlevez-les de la garderie parce que tout y est métallique.

- Emmenez-les vers la partie la plus ancienne du bâtiment, qui est en parpaings, pour que les balles perdues ne passent pas à travers.

- On ne peut pas bouger.

[Kareen Ulysse]

 

Je me disais, c'est vraiment, vraiment mauvais.

J'ai appelé mon père et lui ai demandé : « Qu’est-ce qu’on fait ? »

J'ai appelé Hero Rescue.

 

[Jose Ulysse]

 

Hero Rescue est un service ambulatoire national qui peut aider dans ce genre de situation.

 

[Nourrice]

 

Une femme était en train d'accoucher.

Le médecin devait l'opérer car le bébé était coincé.

Elle devait subir une césarienne.

La douleur était trop forte pour elle, elle pleurait.

Les enfants faisaient beaucoup de bruit.

 

[Kareen Ulysse]

 

Mon chauffeur, il a tout risqué.

C'est lui que j'appelais et à qui j'envoyais des SMS.

Je lui ai dit : « Tu dois t'annoncer. »

« Si tu envoies quelqu'un d'autre, tout le monde aura peur. »

« Mais tout le monde connaît _____. » 

« Donc tu dois aller à chaque chambre et dire que c'est ____ avec la police. »

Alors, il est allé d’une chambre à l’autre.

 

 

[Nourrice]

 

J'ai vu que c'était la police et ils m'ont dit : « C'est pour vous que nous sommes ici. »

« Où sont les enfants ? Allez, on évacue. »

 

Je me souviens qu'ils nous ont couverts, la police nous a couverts.

Ils nous ont fait nous baisser un peu pour descendre les escaliers.

 

 

[Jose Ulysse]

 

Quand ils ont emmené ce groupe, je faisais une évaluation avec eux.

Est-ce qu'untel est là ?

Ce bébé, l'avez-vous vu ? Ils m'ont répondu que non.

Mais on ne peut pas voir un bébé s'il est couché, s'il est dans une couveuse ou s'il est isolé.

Il faut aller à l'intérieur pour voir s'ils sont dans les berceaux.

Les véhicules blindés ont accepté de retourner [à l’hôpital] et l’ambulance de Hero Rescue aussi.

C'est alors qu'ils ont vu les nourrissons dans l'unité néonatale ou ils étaient couchés.

 

[Kareen Ulysse]

 

J'appelle toutes les personnes que je connais à Cité Soleil.

Je leur dis : « S’il vous plaît, si vous connaissez untel ou untel de tel ou tel groupe, dites-leur que nous avons des enfants [dans ce groupe]. »

 

Pendant ce temps, des hommes armés et divers opportunistes ont saccagé des câbles, de la nourriture, des générateurs, des onduleurs, des fournitures médicales et des panneaux solaires.

 

La femme qui devait subir une césarienne n'a pas reçu d'aide à temps. Son bébé est mort. 

 

Si Centre hospitalier de Fontaine est contraint de fermer ses portes en raison de la violence persistante, des milliers de personnes n'auront pas accès aux soins de santé, qui constituent un droit humain fondamental.   

 

Tous les patients et le personnel, sauf un, ont été évacués en sécurité de l'hôpital Fontaine vers le domicile de la famille Ulysse.

 

On ne peut pas isoler le problème des soins de santé parce que le problème des soins de santé va de pair avec l'environnement socio-économique et sociopolitique.

 

Pour fournir des soins dans cette zone, il faut que des gens acceptent d'aller sur place.

Si tout le monde a trop peur, que se passera-t-il ?

 

En 2023, plus de 4 000 personnes ont été tuées et 3 000 kidnappées par des groupes criminels violents en Haïti.

 

L’ONU a autorisé le recours à une force internationale dirigée par le Kenya pour agir contre la violence en Haïti, mais cette force n'a pas encore été déployée.

 

[Kareen Ulysse]

En ce qui concerne la rumeur de l'arrivée de troupes internationales, la première chose à faire est de s’assurer qu’elles viennent vraiment.  

Car chaque fois qu'une date limite est fixée et qu'elle n'est pas respectée, ces hommes ont le temps d'élaborer des stratégies.

Vous leur donnez le temps de recruter, vous leur donnez le temps de creuser de nouvelles tranchées, vous donnez à ceux qui les soutiennent le temps de faire passer en contrebande plus d'armes et plus de munitions.

 

Les États membres de l’ONU devraient d’urgence mettre en œuvre une réponse, fondée sur les droits humains, à la crise en Haïti.

Jose Ulysse, fondateur et directeur du Centre hospitalier de Fontaine dans le bidonville tentaculaire de Cité Soleil,  …

15 nov. 2023 — Jose Ulysse, fondateur et directeur du Centre hospitalier de Fontaine, a réfuté des informations selon lesquelles des membres de gangs …

Le 15 novembre, le Centre hospitalier de Fontaine, l'un des deux seuls hôpitaux encore en activité à Cité Soleil, s’était retrouvé au milieu de tirs croisés, mettant en danger la vie de plus de 70 patients, dont des nouveau-nés et des enfants plus âgés, et menaçant l'accès aux soins de santé pour des milliers d'habitants. Cet reportage vidéo de Human Rights Watch, raconte l'histoire poignante de l'évacuation par le personnel de l'hôpital, de femmes, de bébés dans une unité néonatale, et d'autres patients et membres du personnel au milieu des combats en cours.

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