Alison Des Forges n’a pas cessé ses efforts lorsque le génocide a pris fin. Elle a continué à minutieusement recueillir des informations sur les meurtres, les viols et les autres crimes atroces qu’elle a rassemblées dans ce qui est devenu l’un des principaux ouvrages de référence sur le génocide rwandais : « Aucun témoin ne doit survivre : Le génocide au Rwanda » (« Leave None to Tell the Story: Genocide in Rwanda »), un rapport de 500 pages sur le génocide publié conjointement par Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) en 1999.
Alison Des Forges a témoigné en tant que témoin expert dans 11 procès devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) des Nations Unies à Arusha, en Tanzanie, ainsi que dans des procédures judiciaires nationales dans plusieurs pays impliquant des Rwandais suspectés de génocide.
Alison Des Forges a activement fait campagne pour que justice soit rendue pour le génocide jusqu’à son décès tragique dans un accident d’avion survenu aux États-Unis le 12 février 2009. Elle a également documenté les atteintes aux droits humains commises par le nouveau gouvernement rwandais après le génocide, et a plaidé en faveur de l’obligation de rendre des comptes pour toutes les violations, passées et présentes.
Trente ans après le génocide, Human Rights Watch a entamé un processus de numérisation et de mise à disposition de certaines archives d’Alison Des Forges. Les documents résumés ci-dessous figurent parmi ceux que Human Rights Watch a conservés après le décès d’Alison Des Forges. Ils contribuent à faire la lumière sur les efforts déployés par cette dernière et par d’autres pour lancer l’alerte au sujet du génocide, puis tenter d’y mettre fin. Ceci n’est qu’une sélection des nombreux documents archivés ; d’autres ne seront pas publiés pour le moment, pour diverses raisons. Les échanges privés, les courriers, les déclarations et les rapports cités ci-dessous ne prétendent pas constituer un compte-rendu exhaustif du travail de Human Rights Watch et d’autres observateurs à l’époque, car il est probable que des documents manquent dans les archives.
Avant le génocide : Mars 1993 – mars 1994
Human Rights Watch (Africa Watch à l’époque) a commencé à rendre compte des massacres de Tutsis et d’autres atteintes aux droits humains au Rwanda en 1991. Dans le cadre d’une commission d’enquête internationale, Human Rights Watch a documenté des abus et des violations du droit international humanitaire commis entre octobre 1990 et janvier 1993. Dans un rapport publié le 8 mars 1993, la commission internationale a reconnu le gouvernement rwandais coupable de violations graves et systématiques des droits humains pendant cette période.
Le rapport de la commission a conclu que la majorité des quelques 2 000 victimes de massacres et des milliers de victimes d’autres abus pendant cette période étaient des Tutsis qui avaient été pris pour cible uniquement en raison de leur ethnie. Les autres victimes étaient principalement des Hutus membres de l’opposition. Le rapport a établi que les autorités au plus haut niveau, y compris le président du Rwanda, étaient responsables de ces abus, qui ont été commis par des civils, des soldats de l’armée rwandaise et par les milices rattachées au Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), le parti au pouvoir du président Juvénal Habyarimana, et à la Coalition pour la défense de la République (CDR), un parti politique rwandais d’extrême droite lié au mouvement Hutu Power.
Les témoignages recueillis par la commission indiquaient que la majorité des victimes ont été tuées sur la base de leur appartenance à l’ethnie tutsie, démontrant ainsi l’intention de tuer des membres d’un groupe ethnique. La commission a toutefois déclaré que le nombre de victimes, bien que tragique, « pourrait être inférieur au seuil requis pour constituer un génocide ».
Le rapport de la commission est venu s’ajouter au travail de nombreuses organisations de défense des droits humains rwandaises et internationales qui tentaient d’alerter le monde sur les préparatifs en cours et sur le nombre croissant de cas de meurtres et d’attaques à caractère ethnique. Dans les mois qui ont précédé le génocide, plusieurs défenseurs des droits humains et d’autres individus qui dénonçaient ces meurtres ont été agressés physiquement, harcelés et menacés, et ont survécu à des tentatives de meurtre. Ces attaques ont mis en lumière la stratégie consistant à cibler les défenseurs des droits humains, qui étaient à même d’être les premiers à alerter le monde sur l’escalade de la violence et des atrocités de masse.
Dans un e-mail interne du 19 mars 1994, Alison Des Forges a indiqué à des collègues : « J’ai parlé avec [Alphonse-Marie] Nkubito vendredi soir (Steve, c’est un activiste de premier plan et ayant un bon réseau dans la politique rwandaise). Il croit qu’Habyarimana fait pression pour qu’une guerre active reprenne afin d’avoir une excuse pour éradiquer l’opposition interne. Une fois qu’il aura fait cela, il reprendra les négociations avec le FPR [Front patriotique rwandais]. »
Dans un courrier datant de décembre 1993 adressé au président Juvénal Habyarimana, Human Rights Watch a condamné les menaces contre Matthieu Uwizeye, un fonctionnaire judiciaire et défenseur des droits humains, qui avait aussi fourni des informations à la commission internationale. En février 1994, Human Rights Watch a de nouveau écrit à Juvénal Habyarimana pour lui faire part de ses préoccupations concernant les attaques contre André Katabarwa de l’Association des volontaires de la paix et Monique Mujawamariya, une éminente défenseure des droits humains qui a fondé l’Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques.
Ces attaques sont les dernières en date d’une longue série de tentatives visant à tuer, blesser et intimider des défenseurs des droits humains au Rwanda. On peut citer d’autres exemples comme l’attaque en novembre contre Alphonse-Marie Nkubito de l’Association rwandaise des droits de l’homme, les attaques en mai contre Ignace Ruhatana et une autre contre Carpophore Gatera, tous deux membres du groupe de défense des droits humains Kanyarwanda ; et l’attaque en avril contre Gakwaya Rwaka de la Ligue chrétienne de défense des droits de l’homme au Rwanda.
En janvier 1994, le Human Rights Watch Arms Project a publié un rapport de 64 pages qui documentait l’afflux d’armes françaises, égyptiennes et sud-africaines à destination du gouvernement Habyarimana et alertait la communauté internationale sur la possibilité d’une catastrophe d’une ampleur majeure.
Le rapport concluait :
Il est impossible d’exagérer le danger réel de fournir des fusils automatiques aux civils, en particulier dans des régions où les habitants, incités par les autorités ou sur leurs ordres, ont massacré leurs voisins. En vue des abus généralisés et atroces commis par des foules de civils hutus et des milices de partis politiques armées principalement de machettes et de lances, il est effrayant d’envisager la possibilité d’abus commis par un grand nombre de civils équipés de fusils d’assaut et mal formés.
En mars 1994, quelques semaines avant le début du génocide, une déclaration conjointe de la société civile a exprimé des craintes concernant le manque de progrès dans la mise en œuvre des accords de paix d’Arusha, qui avaient été signés par le gouvernement rwandais en août 1993 et mettait officiellement un terme à sa guerre de trois ans avec le Front patriotique rwandais (FPR). Cette déclaration alertait aussi sur les possibles conséquences de distributions d’armes aux civils et « les attaques, menaces et persécutions systématiques dont font l'objet les défenseurs des Droits de l'Homme, les journalistes indépendants, de même que les personnes qui militent en faveur de la démocratie ».
Dans un courrier du 16 mars 1994 adressé à José Ayala Lasso, qui venait d’être nommé Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Human Rights Watch a insisté pour qu’une attention accrue soit accordée à la situation au Rwanda et au Burundi et pour que José Ayala Lasso se rende dans les deux pays après sa prise de fonction.
Pendant le génocide : Avril 1994 – juin 1994
Avril 1994
8 avril 1994 – Une note d’Alison Des Forges au personnel de Human Rights Watch est publiée dans le Washington Post, comprenant des extraits de ses conversations téléphoniques avec Monique Mujawamariya, une défenseure des droits humains au Rwanda, deux jours après le début du génocide. Monique Mujawamariya décrit comment des membres de la garde présidentielle rwandaise sont entrés dans les maisons de son quartier à Kigali pour exécuter des habitants. Pendant plusieurs jours qui ont suivi, Human Rights Watch a cru que Monique Mujawamariya elle-même avait été tuée.
12 avril 1994 – Un avis de presse du Human Rights Watch Arms Project réitère les conclusions du rapport de janvier 1994, notamment que le soutien de la France au gouvernement du Rwanda « équivaut à une participation directe à la guerre », et appelle au remplacement des troupes françaises déployées au Rwanda dans le cadre d’une force d’évacuation par des forces neutres venant d’autres pays.
12 avril 1994 – La station de radio nationale, Radio Rwanda, diffuse un communiqué de presse du ministère de la Défense. Ce communiqué réfute les « mensonges » sur des divisions au sein des forces armées et parmi les Hutus en général, et insiste sur les points suivants :
Les soldats, les gendarmes [Police nationale] et tous les Rwandais ont décidé de lutter ensemble contre leur ennemi commun que tous ont identifié. L’ennemi est toujours le même. C’est celui qui n’a cessé d’essayer de rétablir le monarque qui avait été renversé [allusion implicite aux Tutsis]… Le ministère de la Défense demande à tous les citoyens rwandais, aux soldats et aux gendarmes d’agir ensemble, d’organiser des patrouilles et de combattre l’ennemi.[1]
15 avril 1994 – Human Rights Watch transmet des courriers au colonel Gatsinzi, commandant en chef des Forces armées rwandaises, et au colonel Alexis Kanyarengwe, président du FPR, les appelant à respecter le droit international et indiquant que les massacres en cours « constituent des crimes contre l’humanité ».
Human Rights Watch publie une déclaration condamnant l’appel à la violence du 12 avril et les émissions quotidiennes de la Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), réitérant son appel au colonel Gatsinzi et au colonel Kanyarengwe, appelant à la protection des « civils terrorisés » qui ont cherché refuge et soulignant la nature planifiée des meurtres, qui constituent des crimes contre l’humanité :
Human Rights Watch/Africa met en garde sur le fait que les violences des dix derniers jours au Rwanda ne peuvent pas être simplement qualifiées d’anarchie ou de conflit tribal. Des meurtres organisés […] se cachent derrière le carnage généralisé. Des dirigeants de premier plan ainsi que des membres ordinaires des partis d’opposition ont été sommairement exécutés ou ont disparu. Des activistes des droits humains critiquant les abus du gouvernement ont également été pris pour cible.
La déclaration confirme Monique Mujawamariya est vivante et a fui le Rwanda, tout comme Alphonse-Marie Nkubito, tout en déplorant les meurtres et les disparitions de plusieurs autres défenseurs des droits humains.
16 avril 1994 – Alison Des Forges publie une tribune dans le Washington Post appelant à un cessez-le-feu entre le FPR et les forces rwandaises, au maintien de la discipline dans les rangs du FPR et à des négociations pour faciliter un accord de partage du pouvoir.
19 avril 1994 – Dans un courrier adressé au président du Conseil de sécurité de l’ONU, Colin Keating, Human Rights Watch attire l’attention sur le fait que « les autorités militaires rwandaises sont engagées dans une campagne systématique pour éliminer les Tutsis. La campagne organisée […] est devenue tellement concertée que nous pensons qu’elle constitue un génocide. » Ce courrier alerte sur le fait que les dernières lignes téléphoniques encore en fonctionnement au Rwanda ont été coupées et que le préfet de Butare, Jean-Baptiste Habyalimana, membre de l’opposition et Tutsi qui s’était opposé aux meurtres, a été retiré de son poste. Il a été remplacé par un militaire partisan de la ligne dure. Le courrier appelle le Conseil de sécurité à condamner nommément les responsables des atrocités et à les enjoindre d’y mettre fin, ainsi qu’à annoncer clairement qu’il y aura des conséquences à leurs actions. Le courrier demande également que la force de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUAR, soit maintenue au Rwanda afin de « continuer à protéger les 20 000 à 25 000 Rwandais qui sont sous la protection de l’ONU ».
Un communiqué de presse de Human Rights Watch du 19 avril appelle la communauté internationale, et notamment la France, à exiger le rétablissement des communications téléphoniques. Il attire également l’attention sur les tensions croissantes d’une part entre les Rwandais et les réfugiés burundais, et d’autre part entre les Hutus et Tutsis de ces communautés, dans la province de Butare, où le préfet avait été remplacé par un responsable militaire partisan de la ligne dure, « laiss[ant] entendre que le maintien de la paix n’est pas un objectif des autorités ».
Une tribune d’Alison Des Forges parue dans le Washington Post le 18 avril fournit des détails sur les jours passés par Monique Mujawamariya à se cacher dans un espace au-dessus du plafond de sa maison et sur son évasion chanceuse ultérieure du Rwanda.
20 avril 1994 – Human Rights Watch publie un communiqué de presse appelant le Conseil de sécurité de l’ONU à maintenir les forces de la MINUAR au Rwanda. Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch à l’époque, déclare :
« La campagne orchestrée de massacres de Tutsis rwandais, qui ont été ciblés par l’armée rwandaise et les milices armées des partis politiques en vue de leur extermination sans autre motif que leur appartenance ethnique, constitue un génocide ».
21 avril 1994 – Malgré les appels répétés de la société civile au maintien de la force de l’ONU, le Conseil de sécurité vote en faveur du retrait de la majorité des troupes restantes, ne laissant derrière elles qu’un maigre effectif de 270 soldats. Les États-Unis, initialement favorables à la suppression totale de la présence de l’ONU, ont conduit cette initiative visant à ne conserver qu’une présence symbolique de la MINUAR, représentant une abdication de la responsabilité de prévenir un génocide qui était clairement en train de se dérouler.
22 avril 1994 – Human Rights Watch publie une déclaration condamnant la décision du Conseil de sécurité de réduire la MINUAR à un effectif minimal de 270 Casques bleus, abandonnant ainsi les 20 000 à 25 000 personnes, principalement des Tutsis, qui s’étaient placées sous la protection de l’ONU.
24 avril 1994 – Dans une interview accordée au Washington Post, Alison Des Forges et Monique Mujawamariya expliquent la nature du génocide et ce que les dirigeants de l’ONU, des États-Unis et des États africains devraient faire pour mettre fin aux meurtres.
25 avril 1994 – Human Rights Watch transmet un courrier à Agathe Habyarimana, la veuve du président défunt, l’enjoignant de lancer un appel public fort pour faire cesser les massacres.
Un communiqué de presse (publié le lendemain en français) joint à ce courrier sonne l’alarme au sujet des meurtres qui se déroulent dans la province de Butare, de la détention de 5 000 civils à Cyangugu et des exécutions en cours. Le communiqué appelle la communauté internationale à annoncer clairement que le gouvernement rwandais ne bénéficiera pas d’une reconnaissance internationale et demande au Conseil de sécurité de l’ONU de reconsidérer sa décision de réduire ses forces déployées dans ce pays.
26 avril 1994 – Human Rights Watch adresse un courrier à Bruno Delaye, conseiller du président français François Mitterrand exprimant ses préoccupations après que le gouvernement français a officiellement reçu une délégation du « gouvernement autoproclamé du Rwanda », et demandant au gouvernement français d’user de son influence auprès de l’armée rwandaise pour l’exhorter publiquement à mettre fin au génocide. Cette visite est aussi dénoncée publiquement dans un communiqué de presse de Human Rights Watch le 27 avril.
27 avril 1994 – Human Rights Watch adresse un courrier à José Ayala Lasso, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, pour lui faire part d’informations sur le génocide en cours. Le courrier explique la situation actuelle, en particulier la distinction entre le conflit armé qui oppose le FPR et l’armée rwandaise, et le massacre de civils non armés, principalement des Tutsis, sur la base de leur appartenance ethnique. Le courrier désigne des fonctionnaires rwandais responsables des meurtres et exhorte José Ayala Lasso à faire pression sur les gouvernements ayant une influence sur le Rwanda pour leur signaler que le gouvernement rwandais ne bénéficiera d’aucune aide étrangère ni d’une reconnaissance internationale si les meurtres se poursuivent.
Le courrier demande instamment à l’ONU de nommer une personne de haut niveau pour rencontrer les membres du haut commandement militaire et leur faire savoir qu’ils seront tenus pour responsables du massacre de masse, et exhorte José Ayala Lasso à se rendre au Rwanda dès que possible pour transmettre ce message aux leaders militaires rwandais.
29 avril 1994 – Dans un communiqué de presse, Human Rights Watch dénonce une émission de la Radio-Télévision Libre des Mille Collines qui a désigné la date du 5 mai, jour des funérailles du défunt président Juvénal Habyarimana, comme échéance pour terminer le « nettoyage » de la minorité tutsie et des membres de l’opposition. Le communiqué dénonce également les efforts des autorités rwandaises visant à présenter les meurtres comme une « explosion spontanée de rage » suivant la mort de Juvénal Habyarimana.
Mai 1994
4 mai 1994 – Les députés américains Kweisi Mfume et Donald Payne, membres du Caucus noir du Congrès (Congressional Black Caucus), écrivent au président Bill Clinton pour demander une action américaine plus efficace.
Alison Des Forges témoigne devant le Sous-comité sur l’Afrique de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine.
8 mai 1994 – Alison Des Forges adresse un courrier au Haut-Commissaire José Ayala Lasso saluant sa décision de se rendre au Rwanda et au Burundi, et contenant des informations et des recommandations. Son courrier souligne les mesures que le Haut-Commissaire devrait prendre pour tenter de faire cesser les meurtres lors de sa visite.
10 mai 1994 – Alison Des Forges adresse à José Ayala Lasso un courrier de suivi qui indique : « Nous venons juste d’apprendre que le comité national des milices Interahamwe a diffusé hier soir un communiqué appelant leurs membres à cesser de tuer les Tutsis et les membres de l’opposition politique. Il a aussi demandé aux miliciens de contribuer à mettre fin aux meurtres commis par des personnes qui n’étaient pas membres de leurs groupes. » La réaction à la visite de José Ayala Lasso montre que la surveillance par des acteurs extérieurs aurait pu avoir un impact direct sur les ordres donnés aux tueurs, en raison du souhait du gouvernement rwandais autoproclamé d’obtenir une reconnaissance internationale.
11 mai 1994 – Une tribune d’Alison Des Forges parue dans le New York Times appelle le Conseil de sécurité de l’ONU à voter en faveur du déploiement de troupes supplémentaires au Rwanda pour protéger les civils, et appelle les dirigeants mondiaux à dénoncer les responsables du génocide et à bloquer les visas des représentants du gouvernement autoproclamé.
13 mai 1994 – Les sénateurs américains Paul Simon et Jim Jeffords adressent un courrier au président Bill Clinton exhortant les États-Unis à indiquer clairement au gouvernement rwandais qu’il ne recevra pas d’aide des États-Unis s’il ne prend pas de mesures pour mettre fin aux violences et pour protéger les civils et leur fournir une assistance ; prendre des mesures pour dissuader l’importation d’armes au Rwanda ; faire pression sur le Conseil de sécurité de l’ONU afin d’augmenter le déploiement de troupes de l’ONU et d’élargir leur mandat pour arrêter les massacres ; et fournir un soutien adéquat aux pays qui contribueront à ces troupes.
16 mai 1994 – Human Rights Watch adresse un courrier au président Bill Clinton et publie un communiqué de presse appelant les États-Unis à donner des instructions claires à la délégation américaine à l’ONU pour faire pression pour augmenter les effectifs de la force de l’ONU déployée au Rwanda, après que la délégation a indiqué n’avoir reçu « aucune instruction » de Washington.
19 mai 1994 – Un communiqué de Human Rights Watch salue la décision du Conseil de sécurité de l’ONU d’envoyer plus de troupes au Rwanda avec un mandat élargi pour protéger les civils. Le communiqué appelle également les États-Unis à cesser de « faire obstruction aux efforts » pour assurer le déploiement immédiat de troupes. Il appelle le gouvernement français à user de son influence pour protéger les milliers d’otages détenus dans un ancien camp de réfugiés à Nyarushishi, après leur transfert depuis un stade sportif à Cyangugu où ils avaient été détenus pendant des semaines dans des conditions inhumaines.
24 mai 1994 – Dans un courrier à la rédaction du Washington Post (écrit le 10 mai mais publié le 24 mai), Alison Des Forges répond à une lettre d’Aloys Uwimana, ambassadeur du Rwanda à Washington, publiée par ce journal le 9 mai 1994. Dans son courrier, Alison Des Forges réfute les allégations de l’ambassadeur concernant le nombre de civils tués par le FPR, qui constituaient une justification implicite des meurtres de Tutsis. Dans sa lettre, l’ambassadeur avait affirmé que « des centaines de milliers » de Hutus avaient été tués dans les zones contrôlées par le FPR, ce qui était une exagération flagrante.
Juin 1994
9 juin 1994 – Human Rights Watch adresse des recommandations au Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme de l’ONU pour le Rwanda, René Degni-Ségui, portant sur des mesures concrètes à prendre, des interlocuteurs à contacter et des lieux à visiter pour tenter de stopper les meurtres. Human Rights Watch demande aussi à l’ONU de reconnaître que les meurtres en cours constituent un génocide, et de commencer à recueillir des preuves pour permettre la reddition des comptes à l’avenir.
13 juin 1994 – Dans une tribune publiée dans USA Today, Alison Des Forges attire une fois de plus l’attention sur les massacres en cours, dont celui de 2 800 personnes dans un centre religieux de Kibungo et de 10 000 autres dans une paroisse de Nyarubuye. Elle souligne la nature politique des meurtres : « le crash de l’avion qui a tué le président du Rwanda le 6 avril n’est pas la cause des récents combats, mais simplement le prétexte des extrémistes hutus pour lancer leur massacre hautement organisé ». Alison Des Forges fustige les États-Unis pour leur réaction tardive au génocide et leur lenteur à fournir un soutien logistique à l’augmentation des troupes de l’ONU, ainsi que pour les tentatives de la Maison-Blanche de se soustraire à ses responsabilités en ordonnant aux membres du personnel de cesser d’utiliser le mot « génocide ».
Le même jour, 31 membres de la Chambre des représentants des États-Unis présentent la résolution 453 déclarant :
« En conséquence, il est résolu que la Chambre des représentants :
- Condamne fermement les atrocités commises au Rwanda ; et
- Qualifie ces atrocités de génocide. »
Après le génocide : Août 1994 – décembre 1994
21 août 1994 – Dans un article d’opinion paru dans Le Monde, Alison Des Forges attire l’attention sur le rôle de la France dans la protection de possibles responsables de génocide dans une zone humanitaire établie par l’armée française. Alison Des Forges écrit : « Le génocide rwandais est à ce point flagrant que le refus de la France d’arrêter les auteurs présumés signifierait une négation pure et simple de [sa] ratification [de la Convention pour la prévention et la répression du génocide]. »
15 septembre 1994 – Human Rights Watch publie un rapport intitulé « The Aftermath of the Genocide in Rwanda: Absence of Prosecutions, Continued Killings » (« Conséquences du génocide au Rwanda : Absence de poursuites, poursuite des tueries »), soulignant les retards dans le recueil des preuves et l’apport de ressources pour permettre des poursuites à l’encontre des individus responsables du génocide ainsi que de meurtres continus par des soldats du FPR.
9 novembre 1994 – Human Rights Watch publie un communiqué de presse saluant la décision du Conseil de sécurité de l’ONU d’instaurer un tribunal international pour juger les auteurs des crimes commis lors du génocide, et concernant les délibérations concernant l’établissement d’un tribunal international permanent.
Décembre 1994 – Human Rights Watch publie un rapport intitulé « Rwanda: A New Catastrophe? » (« Rwanda : Une nouvelle catastrophe ? ») documentant les efforts limités, désordonnés et sous-financés pour traduire en justice les responsables du génocide. Il condamne l’échec de la communauté internationale à fournir une aide indispensable au nouveau gouvernement rwandais, entravant sa capacité à mettre en place une administration civile efficace et alimentant les meurtres commis en guise de représailles, les disparitions et la manipulation des accusations de génocide. Le rapport documente également la reprise des activités des milices dans les camps de personnes déplacées au Rwanda.
13 décembre 1994 – Human Rights Watch écrit au président rwandais Pasteur Bizimungu et au général Paul Kagame, alors vice-président, pour leur transmettre un exemplaire de son dernier rapport et exprimer ses préoccupations concernant les abus continus commis par les soldats du Front patriotique rwandais.
20 décembre 1994 – Human Rights Watch écrit au Premier ministre rwandais Faustin Twagiramungu, pour lui transmettre un exemplaire de son dernier rapport et demander des mesures concernant les abus commis par les soldats de l’Armée patriotique rwandaise.
[1] Cité dans Human Rights Watch/International Federation for Human Rights, Leave None to Tell the Story: Genocide in Rwanda (New York : Human Rights Watch/International Federation for Human Rights, 1999), https://www.hrw.org/reports/pdfs/r/rwanda/rwanda993.pdf : Radio Rwanda, “Defence Ministry communique urges Rwandans to ignore ‘the lies’ of RPF radio,” 12 avril 1994, SWB, AL/1970 A/5, 13 avril 1994.